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NUNC COGNOSCO EX PARTE TRENT UNIVERSITY LIBRARY Digitized by the Internet Archive in 2019 with funding from Kahle/Austin Foundation https://archive.org/details/stendhaletlespro0055blin GEORGES BLIN STENDHAL ET LES PROBLÈMES DU ROMAN LIBRAIRIE JOSÉ CORTI ,' ■,'. ' ■•' .. •• , •• ■• '.' - ■'. av * 'v-îy*- i,/ . f ‘ c r . ■’- s •* /f-... ' <. f ' i;t ' •y, ’ • I V-. l I ' STENDHAL ET LES PROBLÈMES DU ROMAN DU MEME AUTEUR ESSAIS Baudelaire (Gallimard, 1939). D’un certain consentement à la douleur (Fontaine, 1944). Le Sadisme de Baudelaire (José Corti, 1948). Stendhal et les problèmes de la personnalité (José Corti, sous presse, 2 vol.). ÉDITIONS CRITIQUES « Les Fleurs du Mal », en collaboration avec Jacques Crépet (José Corti, 1942). « Armance » de Stendhal (Fontaine, 1946). « Journaux intimes » de Ch. Baudelaire, en collaboration avec Jac¬ ques Crépet (José Corti, 1949). GEORGES BLIN STENDHAL ET LES PROBLÈMES DU ROMAN » LIBRAIRIE JOSÉ CORTI 11, RUE DE MÉDICIS, A PARIS DE CET OUVRAGE, ACHEVÉ d’imprimer en septembre 1953, IL A ÉTÉ TIRÉ 14 EXEMPLAIRES SUR ALFAMA, NUMÉROTÉS DE 1 A 12, PLUS DEUX EXEMPLAIRES HORS COMMERCE. Copyright by Librairie José Corti, 195i. Tous droits de traduction, reproduction et utilisation quelconque réservés pour tous pays. ÇftULP LIMINAIRE Ce travail, on eût pu, sans rien laisser de capital hors de rayon, l’intituler : Limites et moyens du réalisme dans les romans de Stendhal. Tel est, en effet, le principe d’unité de la recherche, comme telle est aussi, concernant ce genre, l’aire des questions que l’auteur s’est posées. Encore peut-on centrer davantage l’étude si l’on réduit dans l’annonce la dualité des termes, en faisant remarquer que chez Stendhal, c’est Vego qui fait tous les frais et des limites et des moyens. Ayant montré, en effet, que, de programme comme de pratique, l’auteur du Rouge a été plus réaliste romancier qu’on ne se plaît à le réputer, nous expliquerons que, si ce réalisme n’é¬ clate pas plus au regard, c’est soit parce qu’il s’agit d’un réa¬ lisme subjectif, mesurant le champ de réalité sur l’angle de vision du protagoniste, soit parce que, au détriment de tout réalisme, et même de ce réalisme relativiste de forme si moderne dont il vient d’être question, l’auteur s’accorde par égotisme le droit d’intervenir en son nom dans ses nar¬ rations. Ici, bornant le monde au secteur d’un projet, c’est le je intentionnel du personnage, là, faisant irruption dans le récit, c’est le je critique du romancier; dans les deux cas, c’est la première personne qui tend à réduire la part de l’objectivisme dont le réalisme a fait traditionnellement sa visée. S’il est vrai qu’en définitive la technique du roman stendhalien se caractérise moins par les « limitations de champ » que par les « intrusions d’auteur » — tendances entre lesquelles il s’établit une dialectique mortelle — s’il est vrai, donc, qu’à la faveur de ses interventions, ne fus¬ sent-elles que de ton, Stendhal peut être tenu pour le pre¬ mier des personnages de ses fictions, il apparaît que, dans son cas, les problèmes du roman se posent en termes de per¬ sonnalité, de même, on l’a vu, qu’à l’inverse, dans son exis¬ tence, les problèmes de la personnalité se ramènent tous à celui, essentiellement romanesque, de l’imagination de soi. 21484 6 STENDHAL ET LES PROBLÈMES DU ROMAN On va nous imputer, dans un tel argument, l’emploi in¬ discrètement répété du mot réalisme auquel s’attache, du fait de ses ambiguïtés, le discrédit le plus mérité. Nous con¬ venons volontiers que ce terme n’a de sens un peu strict que si on l’ajuste de façon serrée sur ses acceptions soit his¬ torique — d’histoire littéraire — soit philosophique. Et en¬ core, remarquera-t-on qu’au point de vue historique, si l’on se pique de rigueur et qu’on lui retire à la fois Flaubert et le naturalisme, il ne lui reste à désigner presque rien, comme on doit accorder que, dans le domaine de la pensée, c’est lui qui peut être accusé d’avoir mené à l’impasse la philoso- phia perennis. On ne saurait, en tout cas, manquer de lui compter à charge la plupart des dégâts et confusions qui ont dévasté l’esthétique. Il n’entre pas dans notre dessein d’incriminer le critère de la ressemblance auquel il a voulu donner compétence sur l’art. A vrai dire, la dénonciation ne serait pas malaisée. Il est évident que si la contrefaçon ve¬ nait à aboutir, l’objet d’art ferait pléonasme avec son mo¬ dèle, au point de perdre tout objet : en se perdant dans l’u¬ nivers des objets. Mais l’hypothèse n’a point de sens : il n’y a point d’illusion de la réalité, mais d’un côté une illusion qui ne trompe point, et de l’autre la réalité. L’imitation lit¬ térale reste toujours hors de portée, et l’idéal de la copie conforme en convient, qui se ruine dans les termes mêmes de son programme. Si, en effet, l’œuvre vise la similitude, c’est qu’elle est sûre de manquer l’identité. Par le préfixe même du mot, la reproduction se résigne à ne fabriquer que des faux. Le propre de l’ombre et du reflet, c’est de n’être point l’objet miré ou profilé. Si l’on se donne pour idéal le réel, celui-ci passe du même coup hors de prise. L’artiste qui se proclame un imitateur, c’est un masochiste, un défaitiste à tout le moins. Ou alors, si l’on réserve l’appellation de réa¬ liste au romancier qui privilégie les aspects les plus affli¬ geants de la vie, il est clair que la réalisme est, en tant qu’i- déalisme retourné, l’une des variétés de l’idéalisme même. Mais ce n’est pas le lieu d’instruire en général le procès d’un art qui se vouerait à procurer de simples fac-similés. La contestation demande à être circonscrite aux lettres, ou plu¬ tôt au roman, puisque c’est, aussi bien, de Stendhal qu’il s’agit. Le romancier, comment pourrait-il, sauf à s’exposer à des ricochets infinis de la contradiction, prétendre que, quand on accède à son œuvre, on débouche sur le réel ? Il lui fau¬ drait une mauvaise foi bien téméraire pour vouloir se dissi¬ muler que ce genre est fondé sur un pacte de mauvaise foi. LIMINAIRE 7 ou plus exactement en appelle à uii type de foi qui se dis¬ crédite dans le moment où elle s’accorde. Chacun ici, au¬ teur ou lecteqr, fait semblant. Le premier ne peut raconter qu’en postulant l’authenticité de son témoignage, mais en même temps il nous dissuade d’en rien croire, puisqu’il nous demande de lui compter le mérite d’avoir tout inventé de l’ouvrage qu’il signe. De son côté, le lecteur ne peut s’in¬ sinuer dans le récit qu’en refusant d’en mettre en question la véracité; de celle-ci, pourtant, s’il venait assez à se convain¬ cre, il jetterait le livre, car ce qu’il attend d’un ouvrage d’i¬ magination, c’est le moyen de se mentir sur ce qui est — et sur ce qu’il est : n’est-ce pas la destination même du roman de satisfaire à la demande de romanesque ? Mais voilà que le roman, tout en ne pouvant être vrai que s’il cesse d’être romanesque, ne peut contenter l’exigence de romanesque que s’il est regardé comme vrai. Il convient donc que l’usa¬ ger réussisse à se faire croire qu’il y croit. Cela ne lui est guère loisible que si l’auteur, en prétextant les faits au plus ferme de l’indicatif, parvient à lui persuader qu’il y croit lui-même; mais cette présomption, l’auteur n’est apte à la communiquer que s’il a su d’abord se faire croire qu’il « y croyait ». Bien entendu, ce type de conscience qui chez les deux parties superpose la foi à un démenti ressortit à la conscience implicite. C’est grâce à la vertu propre de l’op¬ tatif — le roman n’est pas moins désidératif pour celui qui le produit que pour celui qui le consomme —, c’est également par le fait que l’activité imaginante, sponta¬ nément thétique, n’admet pas le dédoublement réflexif, c’est enfin en raison du mode de propagation immédiat, et par contagion, de la vision fascinée, que se trouvent si bien masqués les énormes débours de bonne volonté et de mau¬ vaise foi que requièrent les deux offices : de romancier et de lecteur. Il faut dire aussi que la duplicité, dans chaque cas, utilise la complicité : chacun des deux tenants prend appui sur le crédit que l’autre soit lui accorde, soit s’attri¬ bue : le romancier « y croit » d’autant mieux qu’il sent devoir être suivi, et,, à son tour, le lecteur n’y croit que s’il sent que le narrateur croit devoir être cru. Mais c’est pour se trom¬ per lui-même que chacun a besoin de l’autre et telle est la dialectique des envoûtements que le romancier est un hypno¬ tiseur de l’autre quand il est un hypnotiseur de lui-même et, le lecteur, un hypnotiseur de lui-même au moment où il est la victime hypnotique de l’autre. On voit combien cela aurait peu de sens de vouloir ré^iar- tir les ouvrages d’imagination en uploads/Litterature/george-blin-stendhal-et-les-problemes-du-roman.pdf
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- Publié le Sep 05, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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