Bulletin de correspondance hellénique Le motif des coqs affrontés dans l'imager
Bulletin de correspondance hellénique Le motif des coqs affrontés dans l'imagerie antique Philippe Bruneau Citer ce document / Cite this document : Bruneau Philippe. Le motif des coqs affrontés dans l'imagerie antique. In: Bulletin de correspondance hellénique. Volume 89, livraison 1, 1965. pp. 90-121; doi : 10.3406/bch.1965.2252 http://www.persee.fr/doc/bch_0007-4217_1965_num_89_1_2252 Document généré le 18/05/2016 90 PHILIPPE BRUNEAU LE MOTIF DES COQS AFFRONTÉS DANS L'IMAGERIE ANTIQUE* Les combats de coqs ont diverti les Anciens pendant des siècles et les représentations qui dérivent de cette coutume sont extrêmement nombreuses : pourtant, ni les uns ni les autres n'ont jamais fait l'objet, semble- t-il, que d'études partielles ; ce serait une raison suffisante pour tenter un examen d'ensemble et retracer l'histoire du thème du combat de coqs dans l'imagerie antique ; toutefois, mon propos est moins d'esquisser l'histoire d'un thème que celle d'une forme: le schéma des coqs affrontés s'est maintenu à travers toute l'Antiquité, adapté aux variations du goût et revêtu de significations diverses. C'est le caractère exemplaire de cette permanence qui justifie l'étude présentée ici. Listes de monuments figurés Chaque phase de l'histoire retracée dans les pages qui suivent donne lieu à l'établissement d'une liste de monuments figurés de genres divers : vases, mosaïques, reliefs, monnaies, pierres gravées, etc. L'inventaire aussi complet que possible est en effet la seule méthode par laquelle les documents puissent en quelque sorte parler d'eux-mêmes. Mais les listes publiées ici ne sont pas pour autant exhaustives : lorsque les monuments sont très abondants, de signification identique et d'interprétation incontestable, il a paru inutile d'allonger la liste à l'infini et suffisant de n'y inscrire que quelques documents à titre d'exemple, éventuellement les plus caractéristiques ou les plus démonstratifs (ainsi pour la présentation héraldique). En d'autres cas, j'ai présenté des listes aussi longues que possible pour soutenir l'argumentation par la seule masse des exemples invoqués et éviter au lecteur le sentiment qu'elle n'est fondée que sur un nombre infime de cas. I. Présentation héraldique Les coqs s'affrontent héraldiquement avant de combattre ; il ne semble pas que de tels groupements d'animaux affrontés héraldiquement à la manière des Lionnes de la porte de Mycènes aient appartenu à l'art cré- tois (1) ; en revanche, dès l'art géométrique, paraissent couramment de (*) J'exprime ma gratitude à Mme Karouzou à qui je dois de pouvoir présenter les photographies reproduites fig. 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11 et 15, ainsi qu'à MM. Alexiou et Tzedakis qui ont fait faire pour moi les photographies de la mosaïque de la Canée (fig. 16 et 17). (1) Ch. Picard, Les religions préhelléniques, Paris, 1948, p. 134 avec bibliographie. LE MOTIF DES COQS AFFRONTÉS DANS L'IMAGERIE ANTIQUE 91 tels schémas comportant des animaux divers, dont les oiseaux ; parfois même, malgré la difficulté à distinguer les espèces, on croit reconnaître un coq et une poule (1). Mais c'est dans l'art dit orientalisant que le motif des coqs affrontés commence à devenir fréquent ; on le rencontre un peu partout, dans les céramiques corinthienne (1), laconienne, béotienne, chalcidienne, clazo- ménienne, assez avant dans la céramique attique à figures noires, et même dans le style géométrique messapien. Tantôt les coqs sont affrontés directement, tantôt ils sont séparés par un personnage, un animal, un motif ornemental : Amazone (15), lézard (2), cygne (4), motifs floraux, palmettes ou rosettes. La signification encore purement héraldique est immédiatement évidente, mais elle est confirmée encore par l'alternance sur le même vase de coqs avec d'autres figures également affrontées ; ainsi sur un cothon tripode béotien 9 (fig. 1-3), les deux coqs figurés sur un des trois pieds correspondent, sur les deux autres, à deux oiseaux et à deux sphinx pareillement affrontés ; les amphores corinthienne 5 et attiques 14 et 15 présentent des alternances identiques. Ailleurs les coqs sont associés à d'autres figures héraldiques : ainsi sur les oenochoés chalci- diennes 11 ou l'amphore attique 16, ils paraissent entre deux sphinx. Exemples de présentation héraldique 1. Cratère attique du style du Dipylon : deux oiseaux (coq et poule ?) affrontés. CVA, USA, 2, pi. 8, n° 1. 2. Oenochoé corinthienne, vers 600 av. J.-C. : un lézard entre deux coqs affrontés. CVA, Grande-Bretagne, Cambridge, I, pi. 5, n° 17. 3. Cratère corinthien : grand motif floral entre deux coqs affrontés. CVA, Madrid, 1, III, c, pi. 6, n° 2b. 4. Olpè corinthienne : petit cygne (?) entre deux coqs affrontés. CVA, Danemark, 2, pi. 96, n» 3. 5. Amphore corinthienne : A) deux coqs affrontés ; B) deux sphinx affrontés. CVA, Italie, Mus. Capitol., I, pi. 5, 5 : second quart du vie siècle. 6. Amphore corinthienne : A) deux coqs affrontés de part et d'autre d'une palmette. Corinth, XIII, pp. 173-174, nos 141-5 (avec la bibliographie) : « Middle Corinthian ». 7. Alabastre corinthien : deux coqs affrontés. CVA, USA, Gallatin Collection, pi. 2, n° 8. 8. Hydrie laconienne, Louvre : coqs affrontés de part et d'autre d'une palmette. Cl. Rolley, BCH, 87, 1963, pp. 478-481 et flg. 23 : second quart du vi* siècle. 9 (flg. 1-3). Cothon-trépied béotien, vers 570 : deux coqs affrontés ; entre eux, un canard ou une oie. Sur les autres-faces : deux sphinx, deux oiseaux affrontés de même manière. CVA, Deutschland, 3 (Munchen, 3), pi. 147, n° 6. 10. Hydrie chalcidienne, milieu du vie siècle av. J.-C. : deux coqs affrontés ; entre eux, une palmette. CVA, Grande-Bretagne, Cambridge, I, pi. 8, n° 1. (1) Payne, Necrocorinthia, Oxford, 1931, p. 76, note. 92 PHILIPPE BRUNEAU Fig. 1. — Cothon- trépied béotien (9), Munich. Fig. 2. — Le même, seconde face. LE MOTIF DES COQS AFFRONTÉS DANS L'IMAGERIE ANTIQUE 93 Fig. 3. — Le même, troisième face. Fig. 4. — Assiette attique à figures noires (19), Musée de Délos. 94 PHILIPPE BRUNEAU 11. Oenochoés chalcidiennes : coqs affrontés entre deux sphinx et séparés par une palmette, Peintre de la coupe de Phinée. A. Rumpf, Chalkidische Vasen, Berlin et Leipzig, 1927, nos 176 et 178, pp. 32, 104, 108, 110-113, 125, 128 et pi. 159 et 161. Cf. CVA, USA, 2, pi. 7. 12. Fragment clazoménien, troisième quart du vie siècle : un coq et une poule affrontés. CVA, Br. Mus., fasc. 8, II, D, n, pi. 6, n° 16. 13. Amphore attique à figures noires, Bologne : rosettes entre deux coqs ; à droite du groupe, un sphinx. CVA, Bologne, 2, III, H, e, pi. 2, n° 1. 14. Amphore attique à figures noires : A) deux coqs affrontés ; B) deux lions affrontés. CVA, Italie, Mus. Capitol., I, pi. 16, n° 1 : 560-550, groupe de Lydos. 15. Amphore attique à figures noires : A) Amazone entre deux coqs tournés l'un vers l'autre ; B) Amazone entre deux sphinx tournés l'un vers l'autre. Clara Rhodos, 8, pp. 82-83 (= Beazley, ABV, p. 91 : Peintre de Louvre Ε 386). 16. Amphore attique à figures noires : deux coqs affrontés entre deux sphinx. AJA, 64, I960, pi. 87 : Peintre de Goltyr. 17. Skyphos attique à figures noires : deux coqs séparés par une palmette. CVA, France, Compiègne, pi. 12, n° 9. 18. Coupe attique à figures noires : deux coqs de part et d'autre d'une sorte de lotus. Clara Rhodos, 8, p. 197. 19 (fig. 4). Assiette attique à figures noires : deux coqs de part et d'autre d'une fleur de lotus renversée, Délos, (Héraion). Dugas, EADélos, X, n° 631 et pi. 51 (= Beazley, ABV, p. 118 : manière de Lydos ; attribuée à Sakonidès par A. Rumpf, Sakonides, p. 25). 20. « Trozzella » apulienne de style géométrique (messapien) : deux coqs affrontés, CVA, Danemark, 5, pi. 227, 3a. Cf. CVA, Tarente, 1, IV, D, d, pi. 3. 21. Pierre gravée, Metrop. Mus. de New York : deux coqs figurés de chaque côté d'une plante mais non affrontés. G. Richter, Cat. of engraved Gems, Rome, 1956, p. 16, n° 64 : fin du vie siècle av. J.-C. Π. Passage aux scènes de combat Dans l'art postérieur à ces séries, les coqs vont continuer à s'affronter, non plus héraldiquement, mais, désormais, dans l'affabulation d'un combat. De toutes les figures affrontées — sphinx ou animaux — dont l'art orientalisant a usé et abusé, les coqs semblent les seuls à s'être conservés dans le classicisme parce qu'ils étaient seuls susceptibles d'assumer une signification qui correspondît aux directions nouvelles de l'art, et d'entrer dans la catégorie des animaux de combats (1). Il est alors tentant de penser que le motif figé des coqs orientalisants s'est transformé et animé lorsque le simple décor laissait place à des scènes vivantes. A priori, les coqs orientalisants peuvent n'avoir rien à faire avec les combats de coqs ultérieurs ; la filiation directe me paraît pourtant plus probable ; on peut présenter à cet égard les arguments suivants : A. Le passage se fait insensiblement du type héraldique à celui des coqs combattant et tous deux sont en gros contemporains. (1) Par exemple : Musée National d'Athènes, base archaïque 3476 [BCH, 46, 1922, pi. 3) : combat d'un chien et d'un chat. LE uploads/Litterature/ bch-0007-4217-1965-num-89-1-2252.pdf
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- Publié le Aoû 03, 2021
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