Jacqueline Duvernay-Bolens Ute Bödiger, Die religion der Tukano im nordwestlich
Jacqueline Duvernay-Bolens Ute Bödiger, Die religion der Tukano im nordwestlichen Amazonas In: L'Homme, 1966, tome 6 n°4. pp. 109-110. Citer ce document / Cite this document : Duvernay-Bolens Jacqueline. Ute Bödiger, Die religion der Tukano im nordwestlichen Amazonas. In: L'Homme, 1966, tome 6 n°4. pp. 109-110. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1966_num_6_4_366837 COMPTES RENDUS IOÇ thropologie et, s'il faut en croire D. Maybury-Lewis, ils mènent aussi la vie dure à l'anthro pologue. Il faut le croire. Beaucoup sans doute, à la lecture de ce récit de voyage écrit par un chercheur, seront déçus de ne pas y trouver les méditations du philosophe ou de l'homme de science et peut-être même agacés par l'importance qu'accorde l'auteur aux péripéties tristes et terre à terre de sa vie quotidienne, aggravées par l'hostilité du milieu naturel et des indigènes qui, ici, ne sont rien moins que d'aimables sauvages... Nous ne serons pas du nombre. L'expérience personnelle de l'anthropologue peut donner matière à des récits teintés de merv eilleux, mettant l'accent sur le romantisme du dépaysement et de l'exotisme. Cela sonne assez faux aujourd'hui et n'est plus guère à la mode. Elle peut aussi susciter des réflexions anthropologiques intéressantes sur la difficulté de pénétrer une civilisation de l'extérieur, le paradoxe subjectif dans l'étude objective ou la signification des différences culturelles. Mais pourquoi faudrait-il pudiquement taire les conditions de cette expérience et passer sous silence les aléas, les petites et les grandes mésaventures, l'inconfort moral qui, en cer tains lieux du monde, collent à l'enquête comme la chair sur les os ? Les marches derrière les Indiens sont harassantes et douloureuses, moins toutefois que leur poursuite quand ils ont déserté successivement tous les endroits où on comptait les retrouver ; l'attente des courriers et des transports est toujours désespérément longue, sinon vaine ; la faim ne se laisse pas oublier. Pour avoir vécu une expérience comparable à celle de l'auteur, nous lui savons gré de dire les choses comme elles sont et surtout comme on les ressent lorsqu'on travaille sur ce terrain particulier. Essayer de comprendre les autres, c'est, ici, d'abord vivre sous leur regard bien plus distant qu'indifférent et se sentir guetté, parfois impitoyablement, sans que les mois passant et la cohabitation réussissent vraiment à réchauffer les relations d'eux à soi. Aussi l'anthropologue est-il soumis sans relâche à une tension qui lui fait craindre que l'échec total ne sanctionne le moindre de ses faux pas, au sens propre comme au sens figuré, et la moindre de ses défaillances physiques. Que cette tension se transforme en obsession et que cette obsession cherche à se masquer de naïveté, voilà, me semble-t-il, qui explique pour quoi dans son livre Maybury-Lewis nous donne l'impression de se faire plus innocent qu'il n'est, probablement. Il reste que du Sauvage et de l'Innocent, seul celui-ci est intelligible au lecteur. Peut-être celui-là n'a-t-il pas pu passer, sous la plume de l'auteur, d'objet d'étude à sujet d'un récit. Simone Dreyfus Ute Bôdiger, Die Religion der Tukano im nordwestlichen Amazonas, Kôlner ethnologische Mitteilungen, Kôlner Universitâts-Verlag, Cologne, 1965, 204 p., 23,5 X 16,5 cm. L'intérêt de ce livre est de nous présenter une vue synthétique de la religion des Tucano du nord-ouest de l'Amazonie à partir de documents jusque-là éparpillés, dont les lacunes peuvent parfois être comblées par l'analyse comparative. Les Tucano sont divisés en deux groupes entre lesquels se trouvent les Uitoto et des populations caribes. Ces deux groupes sont apparentés par la langue et la culture matérielle, mais très différents par la religion et la mythologie. Les mythes du groupe occidental (versant occidental des Andes, le long du Rio Putumayo et du Rio Napo) se réfèrent à des esprits de la nature qui, par leur nombre et leur diversité, peuvent être rangés en plusieurs classes selon qu'ils sont associés aux animaux, aux végétaux ou aux phénomènes météorologiques. Considérés comme les Maîtres de la nature et de ses produits, ces esprits exercent un contrôle sur les moyens de subsistance des hommes. C'est pourquoi, dans leurs rituels, les Tucano de ce groupe cherchent essentiellement à les apaiser et à se concilier leur faveur. La mythologie des Tucano orientaux présente avec celle des tribus arawak voisines de nombreux points communs, qui rendent leur étude complémentaire. L'ensemble de cette mythologie raconte la geste de Jurupari. Ce héros est à l'origine des cérémonies exclusive- IIO COMPTES RENDUS ment masculines, dans lesquelles il est représenté par des flûtes sacrées, tabous — sous peine de mort — pour les femmes. Ce rituel, déjà très complexe, est de plus étroitement lié à la maturation des fruits sauvages, puisque, dit le mythe, c'est du cadavre de Jurupari que sont sorties les premières espèces de ces fruits. L'auteur, qui remarque que le nom de Jurupari est un terme de lengua gérai (vernaculaire créé à partir du tupi-guarani) appliqué par les premiers missionnaires à un type de héros qu'ils identifiaient au Diable, s'efforce de démasquer les différentes figures mythologiques que recouvre cette dénomination générique. C'est ainsi que, selon le groupe de tribus considéré (Rio Vaupès, Rio Tikié, Rio Içana et Rio Negro), Jurupari apparaît sous les formes d'esprit des bois, de héros culturel ou d'un composé des deux. Cette analyse conduit l'auteur à des conclusions sur l'histoire culturelle de ces tribus : ce serait les Arawak (et les Caribes) qui auraient introduit la mythologie du héros culturel chez les Tucano où elle se serait super posée à leur mythologie originelle des esprits des bois. Le résultat de cette fusion expliquerait l'oscillation de Jurupari entre deux personnages très différents. On regrette, tant la document ation est intéressante, et pour l'étude des mythes et pour celle des rites, que l'auteur l'ait traitée sous le seul angle historico-culturel, sans aborder une analyse interne. Jacqueline Bolens ASIE Lawrence Krader, Social organization of the Mongol-Turkic pastoral nomads, Indiana University publ., Uralic and Altaic series, n° 20, La Haye, Mouton & Co., 1963, 412 p., 24 X 16,5 cm. Publié par L. Krader la même année et dans la même série que Peoples of Central Asia (n° 26) cet « essai d'histoire culturelle » répond à une intention différente, — plus théorique — , mais tout aussi ambitieuse. Comparaison et synthèse aux vastes dimensions temporelles et spatiales, cet ouvrage recherche les principes d'organisation sociale dans les steppes asia tiques, et retrace leur évolution dans le dessein inavoué, mais indubitablement sous-jacent, d'établir un certain pan-altaïsme. C'est surtout dans le cadre des Centres russes des Universités de Harvard et de Washing ton que l'auteur a recueilli ses matériaux. La compilation a porté, outre quelques textes historiques et juridiques turcs et mongols, sur les rapports des commissions scientifiques russes et les récits des voyageurs européens, russes pour la plupart. On ne peut reprocher à cette bibliographie consciencieuse et abondante (pp. 373-383), suffisant à la comparaison sinon à la synthèse, de ne comporter presque pas de sources chinoises, — bien qu'il existe des traductions. Les documents eux-mêmes sont inégalement répartis : ainsi les monuments épigraphiques, unique source pour les Turcs de l'Orkhon (vie-vme siècles) ou les deux ouvrages (auxquels il faudrait cependant ajouter au moins D. Schroder, « Aus der Volksdich- tung der Monguor », Asiatische Forschungen, 6, 1959) sur les Monguor, au xxe siècle seule ment, sont bien maigres à côté de la prolifération des textes russes du xixe siècle sur les Bur j at, Kalmuk et Kazakh, nouvellement conquis. Dans le très vaste horizon de l'Asie Centrale l'auteur opère un choix qui le conduit à retenir cinq peuples, dont un seul turc : les Kazakh. Les peuples mongols sont : les Ordos de Mongolie Intérieure dans la boucle du fleuve Jaune, les Bur j at du lac Baïkal, les Kalmuk de la Volga (Mongols de l'Ouest émigrés au xvne siècle au nord de la Caspienne, dans l'espace libre au cœur des régions turques, à la suite de conflits avec les Chinois et Mongols orientaux) et les Monguor du Kansu, à la frontière tibétaine, depuis longtemps isolés des autres Mongols. Mais si l'échantillonnage est un procédé valable en statistique, la synthèse en ethnologie requiert une certaine exhaustivité, surtout dans ce domaine connu, sinon bien, du moins depuis longtemps. La comparaison, elle, n'a pas les mêmes exigences. Si c'est là le but de uploads/Litterature/ bolens-jacqueline-ute-boediger-die-religion-der-tukano-im-nordwestlichen-amazonas-pdf.pdf