Explication de texte : LE CAGEOT de Francis Ponge En publiant en 1942 le recuei

Explication de texte : LE CAGEOT de Francis Ponge En publiant en 1942 le recueil intitulé le Parti pris des choses, Francis Ponge rompt avec la tradition de la poésie lyrique qui consistait à mettre en avant le « Je » du poète, l’expression de sa sensibilité et de ses émotions. A rebours de la tradition romantique le recueil se concentre sur la matérialité du quotidien puisque chaque poème s’attache à décrire un élément de la vie courante, qu’il s’agisse d’un objet familier (une cigarette, une bougie…), d’un animal (par exemple l’escargot, l’huitre… ou encore végétal (le mimosa) ou privatique (la pluie). Ce texte relève des poèmes en prose, forme apparue au 19e siècle avec le recueil Gaspard de la Nuit d’Aloysius Bertrand en 1842 et popularisé par Charles Baudelaire avec les petits poèmes en prose (également connu sous le Spleen de Paris publié en 1869). Dans ce texte Francis Ponge propose ainsi la description d’un objet banal et insignifiant : un cageot qui prend pourtant vie pour acquérir un sens nouveau et grâce à l’alchimie poétique prendre une dimension symbolique I- Le prosaïsme d’un objet abordé comme une entrée de dictionnaire 1) Une définition poétique Le début du texte se présente comme la définition d’un objet trivial et familier. L’utilisation de l’article défini « le » suivi du nom commun montre qu’il s’agit de saisir l’objet dans sa généralité. Le présent au recours de vérité générale employé tout le long souligne également cette volonté de définir la réalité de l’objet dans son ensemble. Ainsi se texte s’apparente à une notice d’un dictionnaire ou a un article encyclopédique. Malgré sa brièveté on peut distinguer une structure ternaire correspondant au 3 paragraphes : · Tout d’abord un premier paragraphe définitoire · Un deuxième paragraphe qui met en avant la fonction et l’utilité de l’objet · Finalement une mise en situation du cageot abandonné sur la chaussée met prenant une dimension symbolique 2) La matérialité langagière Il part de la réalité phonétique comme s’il était en train de feuilleter les pages du dictionnaire pour sélectionner ce terme : le cageot est ainsi appréhendé à travers sa dimension sonore grâce à la paronomase : cage cachot à cageot De plus, c’est l’insignifiance et la modestie de l’objet qui transparait les lignes suivantes : un adjectif « simple », le suffixe diminutif « ette » qui insiste sur la petitesse. Le caractère particulièrement humble est également notifié avec l’adverbe privatif « sans vanité », et sa banalité est soulignée par le fait qu’on peut le trouver à tous les coins de rue. Francis Ponge insiste sur le caractère précaire de l’objet (« il ne se sert pas deux fois ») D’une certaine manière la forme du texte adoptée par Ponge s’accorde avec son sens : loin d’utiliser un maitre noble, un vers ample comme l’alexandrin, le poème en prose renvoie à la modestie de l’objet décrit. Néanmoins Francis Ponge ne se borne pas à une description objective : son écriture poétique permet de renouveler le regard porté sur cet objet insignifiant II- Un objet renouvelé par l’alchimie poétique 1) La révélation d’une beauté insoupçonnée En employant la location à pleine voix (qui au sens propre renvoie à l’écart des planches qui compose le cageot), Francis Ponge suggère également que la réalité grossière de l’objet revêt une autre dimension : d’avantage qu’une simple structure en bois, l’objet acquiert une forme quasiment arrière où circule l’ombre et la lumière On retrouve cette dimension poétique grâce au champ lexical de l’éclat lumineux : même abandonné sur la voirie « Il luit comme des étoiles ». Le contenu du cageot est également poétique puisque ‘il renferme « des denrées fondantes ou nuageuses. Cette phrase enrichit la description d’une dimension sensorielle en mobilisant non plus seulement le sens visuel mais également gustatif : l’objet trivial semble renfermer des richesses aussi insoupçonnées que rare. 2) Le processus d’humanisation Le poème se structure autour d’une personnification progressive de l’objet qui semble acquérir un caractère proprement humain. Certes au tout début le participe passé (« vouée ») souligne sa passivité, mais dès le second paragraphe, l’objet devient sujet de verne d’cation (« il sert, il dure ») il acquit une dimension totalement humaine au dernier paragraphe avec adjectif ahurie ou encore sympathique. On peut remarquer que ce dernier adjectif en jouant sur l’étymologie établie un lien de fraternité entre le lecteur et l’objet puisque sympathie signifie à l’origine souffrir ensemble. III- La dimension symbolique du cageot considéré comme une vanité · Rappel : On appel vanité une forme de peinture apparue au XVIIe siècle, particulièrement représentative du mouvement baroque. Ça représente une nature morte avec une tête de mort placée à côté d’objets de la réalité quotidienne (des fruits, des fleurs…) ce qui souligne le caractère éphémère de toute chose et rappelle la condition mortelle des hommes 1) Les indices d’une finitude inquiétante Une relecture plus avertie montre que cet objet apriori trivial recèle d’inquiétants signes. D’emblée, le jeu parano mastique place aussi à la cage et au cachot comme si cet objet banal contenait une face plus sombre associée à l’emprisonnement. Dans la même perspective les fruits contenus par le cageot cour le risque d’étouffement mortel comme l’indique l’expression « de la moindre suffocation » 2) Un destin tragique Le cageot devient le symbole du caractère éphémère de l’existence : Francis Ponge rappelle en effet la brièveté de sa vie : « il ne sert pas deux fois, il ne dure pas. Le champ lexical est proche du vocabulaire de la tragédie puisque le cageot est « voué au transport » comme s’il était soumis à un destin inéluctable. Sa fragilité est soulignée a plusieurs reprises puisqu’il peut « être brisé sans effort » ou encore « jeté sans retour ». Dans cette perspective on pourrait même apparenter le poème à un véritable memento mori (en latin « souviens-toi que tu vas mourir ») 3) La dimension humoristique Le décalage entre la trivialité de l’objet et le caractère tragique car mortel de la condition humaine peut en effet susciter le sourire. D’ailleurs le poète précise qu’il ne faut « pas s’appesantir longuement » : il joue sur la policé mie du verbe (au sens propre il ne faut pas mettre trop de poids sur le cageot, et au sens figuré, il ne faut pas prêter trop attention au sujet) Conclusion : Ce poème en prose relève bien dans une certaine mesure d’une forme moderne d’alchimie poétique puisqu’il propose un renouvèlement du regard sur des objets insignifiant pour d’une part mettre au jour leur beauté insoupçonnée et d’autre part leur attribuer une dimension symbolique uploads/Litterature/ lecture-lineair-cageot.pdf

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