Jean-Jacques Ampère - L’Histoire de la littérature française 13 «L'étude est to
Jean-Jacques Ampère - L’Histoire de la littérature française 13 «L'étude est toujours un besoin pour l'homme ; il est des temps où elle est un devoir.» ————— Jean-Jacques Ampère, né à Lyon le 12 août 1800, est décédé à Pau le 27 mars 1864. Fils du grand scientifique, historien et écrivain, également membre de l'Académie française, ce grand voyageur expose une histoire de la littérature française comparée aux autres littératures. « Qui doute, aujourd'hui, que l'histoire d'une littérature doive marcher de front avec celle de la civilisation qui l'a produite ; qu'on ne puisse arriver à l'intelligence complète des monuments littéraires que par la connaissance approfondie des langues dans lesquelles ces monuments existent, des arts, des mœurs, de la vie sociale et politique propres à la nation à laquelle ils appartiennent ? » François Busier ————— Consultant en communication Conception-rédaction / Ingénierie éditoriale / Direction artistique Contact : 06 09 11 73 75 Site : http://www.francois-busier.com Mail : fr@francois-busier.com L’Histoire de la littérature française Jean-Jacques Ampère Conception graphique : Fritz BANG / 2008 Le Rayon des Humanités (On vous a pourtant prévenu.) VOLUME 13 Le Rayon des Humanités (On vous a pourtant prévenu.) L’Histoire de la littérature française Jean-Jacques Ampère L’Histoire de la littérature française Discours prononcé au Collège de France le 14 février 1834 Le Rayon des Humanités (On vous a pourtant prévenu.) VOLUME 13 5 Messieurs, Notre première pensée à tous ne peut être aujourd'hui qu'une pensée triste, mes premières paroles que l'expression d'un douloureux hommage et d'un deuil respectueux ; je comprends l'émotion qui a dû vous saisir en mettant le pied dans cette salle, où vous entendîtes pour la dernière fois la voix aimée et déjà défaillante du vénérable maître que nous avons perdu. Cette émotion, je l'éprouve plus que personne en ce moment, pour moi plein de solennité, où je viens m'asseoir dans une chaire à laquelle s'attache une si brillante et si honorable célébrité. Ce sentiment, messieurs, qui nous est commun, qui nous unit dans l'attendrissement et la piété d'un même regret, ce sentiment est le meilleur tribut que nous puissions offrir à la mémoire de M. Andrieux, celui que goûterait le plus son âme si bienveillante à la jeunesse. Que pourrais-je ajouter en effet que vous ne sachiez aussi 6 7 bien que moi ? Le pays connaît sa vie, sa probité politique, la constante indépendance de son caractère, et honora toujours en lui le digne ami de l'inflexible Ducis. Sa renommée dramatique fait partie de la gloire de notre scène ; il a charmé dans le conte après Voltaire. Pour son enseignement, si moral et si ingénieux, si paternel et si populaire, puis-je faire autre chose que de vous renvoyer à vos propres souvenirs? C'est là que vous retrouverez avec délices ce mélange de savoir et de goût, de malice et de bonhomie, d'autorité douce et d'aimable familiarité qui faisait de son cours quelque chose à part de tout, à quoi rien ne peut ressembler, et qu'il faut désespérer d'imiter. Aussi n'en aurai-je point la prétention. Je croirais manquer de respect envers la mémoire de M. Andrieux, et offenser votre admiration pour lui, si j'essayais de le recommencer. Je croirais aussi tromper l'intention de ceux qui m'ont choisi, et l'attente de cette jeune portion du public dont les fraternels encouragements et la bienveillante assiduité ont soutenu mes premiers efforts. Jeune moi-même, et appelé à revêtir le sacerdoce de l'enseignement, je sens les obligations qu'il m'impose, et je comprends mes devoirs envers la génération à laquelle j'appartiens. Mettant donc dès aujourd'hui la main à une œuvre pour laquelle j'ai besoin de beaucoup d'années, je vais vous exposer, messieurs, les principes de la méthode que je compte appliquer à l'étude de notre littérature. Mais, avant tout, j'éprouve le besoin de rendre grâce à ceux qui m'ont ouvert cette enceinte, en deuil de tant de gloire ancienne, parée de tant d'éclat récent. De cette chaire, terme suprême de mon ambition, et dont l'indépendance est inviolable, j'adresse sans nul embarras le témoignage d'une libre gratitude aux savants célèbres qui m'ont accordé leurs suffrages, et aussi à l'historien éminent dont le choix a confirmé le leur. Ce devoir rempli, je ne trouve plus à ajouter que ces paroles déjà connues de ceux qui m'ont admis à l'honneur d'être leur collègue : appelé à trente-trois ans à m'asseoir entre mes maîtres et mes émules et aux côtés de mon père, je m'efforcerai de ne me montrer indigne ni d'eux ni de lui. Messieurs, Ce que j'ai résolu d'exposer devant vous, c'est l'histoire de la littérature française comparée aux autres littératures. Je ne m'arrêterai pas à vous rappeler les conditions d'une bonne histoire littéraire ; j'ai traité ce sujet dans un discours prononcé il y a quatre ans à l'Athénée de Marseille, et qui a été publié. D'ailleurs une portion de ces généralités n'aurait plus rien de nouveau pour personne ; qui doute, aujourd'hui, que l'histoire d'une littérature doive marcher de front avec celle de la civilisation qui l'a produite ; qu'on ne puisse arriver à l'intelligence complète des monuments littéraires que par la connaissance approfondie des langues dans 8 9 détruit, distrait ou console, égare ou dirige. Les livres font les époques et les nations, comme les époques et les nations font les livres. Un poème fait un peuple. C'est la Grèce héroïque qui a produit Homère ; c'est d'Homère qu'est sortie la Grèce civilisée. Les livres créent les religions, les royaumes, les révolutions. C'est un livre qui a donné le genre humain au christianisme, c'est un livre qui a fondé l'empire des califes ; des livres ont enfanté la révolution française, qui changera le monde. Il est un moyen toutefois de simplifier beaucoup l'histoire littéraire et d'en rendre l'étude singulièrement facile et expéditive, c'est de la restreindre à quelque époque privilégiée hors de laquelle on se fait une loi, flatteuse pour l'amour-propre et commode à la paresse, de tout méconnaître, ou, ce qui est plus sûr encore, de tout ignorer. Dans ce point de vue on compte quatre époques, cinq par grâce, qu'on appelle des siècles, bien que plusieurs soient loin d'avoir duré cent ans, pendant lesquelles l'esprit humain qui, hors de là ne fait que des sottises, n'a fait que des merveilles. Il semblerait que la pensée humaine dût attendre qu'un despote empereur, roi, ministre ou marchand, voulût bien lui permettre d'être sublime, n'osant s'y risquer avant, n'osant plus y revenir après. À ce compte, la poésie serait née en France vers le temps des pensions de Louis XIV, et serait morte sans rémission un peu après Voltaire, avec l'ancien régime. Dans les siècles qui ont précédé le lesquelles ces monuments existent, des arts, des mœurs, de la vie sociale et politique propres à la nation à laquelle ils appartiennent ? Dès lors M. Villemain, qui a fondé parmi nous avec tant d'éclat l'enseignement historique des lettres, en avait donné l'exemple dans ses belles leçons. Après cet exemple, après que M. Fauriel nous a offert de si parfaits modèles d'une investigation profonde, en appliquant à quelques points obscurs et décisifs de l'histoire littéraire toutes les ressources de la science la plus habile et la plus sévère, il n'est pas besoin de revenir sur des principes généralement admis ; ce qu'il me reste à faire, c'est d'en reprendre quelques-uns, qui me paraissent d'une importance capitale, et d'en montrer l'application au sujet que m'a imposé le nom même de cette chaire, à la littérature française. D'abord, une histoire de la littérature française doit être complète. Or, une littérature, c'est un univers bien vaste et bien varié. La vie humaine est là tout entière, et la littérature n'est pas seulement, comme on l'a dit, l'expression de la société, elle en est aussi l'âme et l'instrument. Elle n'est pas seulement le miroir qui la réfléchit, mais l'aiguillon qui la presse, le souffle qui l'anime ou l'embrase. Elle prend mille formes, elle contient mille genres, elle a mille noms. Foi, doute, politique, philosophie, folie ou sagesse se traduisent par elle, et c'est elle aussi qui provoque toutes ces choses, les suscite, les développe, les propage. Elle fonde ou 10 11 Nous négligeons trop nos richesses, messieurs ; les autres peuples ne font pas ainsi. L'Allemagne étudie son moyen-âge avec religion ; l'Angleterre regarde par- dessus le siècle de la reine Anne, le grand siècle de Shakspeare et de Milton. L'Italie ne date point des Médicis, mais de Dante. Elfe a des classiques de presque toutes les époques, depuis 1300 jusqu'à nos jours. Nous, cependant, nous nous rappetissons devant l'étranger ; nous nous appauvrissons par des épurations excessives ; nous ne savons opposer à toutes ces bandes formidables, à ces grands chefs dont quelques-uns, je le veux, sont un peu barbares, qu'un petit bataillon, admirablement discipliné il est vrai, des demi-dieux en tête… mais peu profond, et facile, sinon à rompre, du moins à envelopper. Il me semble, messieurs, que nous faisons pour notre littérature comme on fait pour sa ville natale, dont on néglige les curiosités, tandis qu'on en va chercher uploads/Litterature/ books-library-online-01171031en9g8.pdf
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- Publié le Fev 20, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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