La symbolique funéraire des Romains In: Etudes sur la religion romaine. Rome :

La symbolique funéraire des Romains In: Etudes sur la religion romaine. Rome : École Française de Rome, 1972. pp. 299-307. (Publications de l'École française de Rome, 11) Citer ce document / Cite this document : Boyancé Pierre.La symbolique funéraire des Romains. In: Etudes sur la religion romaine. Rome : École Française de Rome, 1972. pp. 299-307. (Publications de l'École française de Rome, 11) http://www.persee.fr/web/ouvrages/home/prescript/article/efr_0000-0000_1972_ant_11_1_1548 LA SYMBOLIQUE FUNÉRAIRE DES ROMAINS* Des civilisations disparues, une loi assez mélancolique exige que sou- 291 vent ce qui nous est le mieux conservé, ce soient les tombes, et de toutes les formes de l'art, l'art funéraire. Que de peuples ne nous sont guère connus que par ce qu'ils avaient confié à la terre avec leurs morts! Mais, si le monuments ainsi dus à la piété pour les défunts sont nombreux dans l'Antiquité classique, ils sont loin, on le sait, de nous parler tou jours un langage clair. Une autre loi, mélancolique, elle aussi, semble avoir voulu que les craintes ou les espérances, les idées dont ils devraient témoigner et auxquelles ils sont pour une part redevables de leur exis tence ne peuvent plus être déchiffrées par nous, qu'ils ne nous offrent plus trop souvent, selon la belle expression de M. Franz Cumont, qu'« un livre d'images dont le texte est perdu ». Les stèles funéraires de l'At- tique, les vases peints de l'Italie méridionale, les peintures et les urnes de l'Btrurie ont un sens qui est loin de nous être bien connu, et l'on s'en convainc aisément en parcourant les études les plus récentes qu'on leur a consacrées (x). Mais un cas privilégié, par l'abondance des monuments, par la con naissance que nous avons de l'époque où ils furent conçus et exécutés, est sans doute celui des sarcophages, des peintures et des stucs ornant des tombes aux temps de l'Empire romain, spécialement aux IIIe et IVe siècles. C'est à leur arracher leur secret que se consacre l'ouvrage magnifique, le grand livre, que M. Fr. Cumont intitule modestement: « Eecherches sur le symbolisme funéraire des Romains » (2). La modestie du titre vient * BEA, XLV, 1943, p. 291-298. i1) Pour les stèles attiques, cf. P.-L. Couchoud, BA, XVIII, 1923, p. 233, et, en sens contraire, P. Devambez, Bulletin de correspondance hellénique, LIV, 1930, p. 210 et suiv.; pour les vases peints de l'Italie méridionale, C. Albizzati, Dissert. Pontif. Accad. Bom. di arc, série 2, 1920, p. 147 et suiv.; pour les monuments étrusques, P. Ducati, Le pietre funerarie felsinee, Monumenti dei Lincei, XX, 1912; Van Essen, Did Orphic influence in Etruscan paintings exists Amsterdam, 1927, etc. (2) Becherches sur le symbolisme funéraire des Bomains {Haut-Commissariat de VEtat français en Syrie et au Liban, Service des Antiquités, Bibliothèque archéologique et historique, XXXV). Paris, Geuthner, 1942; 1 vol. in-4°, iv + 543 pages, XLIV 300 ÉTUDES SUB LA RELIGION ROMAINE de ce que, parmi les thèmes traités par l'art de Eome en ce domaine, quelques-uns seulement ont été retenus; cinq exactement auxquels corre spondent cinq chapitres: Les Dioscures symbolisant les deux hémisphères 292 du monde; — Les vents qui traduisent l'idée de l'atmosphère, séjour des âmes désincarnées; — Le symbolisme lunaire; — Les Muses et l'immortal ité; — enfin, l'expression artistique du repos des morts. Mais, si l'auteur s'est ainsi volontairement limité à quelques thèmes, d'abord il les a choisis parmi les plus riches. De plus il ne s'est jamais interdit de faire appel aux thèmes voisins et analogues, et c'est en fin de compte, dans son orchestra tion complexe, presque tout l'art funéraire des Eomains qui nous apparaît. Enfin, et même surtout, il a, dans une ample et magistrale introduction, posé les principes d'une doctrine d'ensemble. Si l'on ajoute que l'illustra tion vaut le texte, qu'elle nous présente plus d'un document inédit, que des indices copieux et aussi soigneusement faits que ceux des Religions oriental es du même auteur permettent de s'orienter rapidement dans cette somme véritable, on se rendra compte de l'intérêt et de l'importance de l'œuvre. * * * II y a déjà bien des années que, par de nombreux articles et par son livre After Life in Roman paganism (New Haven, 1922), M. Cumont s'acheminait patiemment vers ces Recherches. En outre, s'inspirant de sa méthode et souvent guidés par ses conseils, d'autres avaient travaillé sur les voies ouvertes par lui, et nous retiendrons seulement, comme l'une des plus récentes et des plus remarquables, l'étude de M. Marrou sur le Μουσικός άνήρ (cf. notre compte-rendu dans cette Revue, 1939, p. 86). M. Cumont, lui-même, se plaît à nous renvoyer au chapitre II de V Apotheosis and Afterlife, où, dès 1905, Mme Strong a fait « la première tentative pour retracer l'histoire de l'allégorie sépulcrale depuis la Grèce jusqu'à Eome ». Une impulsion décisive fut donnée à cette interprétation par la découverte, en 1917, de la basilique de la Porte-Majeure, et notam ment par le commentaire de sa décoration par M. Carcopino dans son livre de 1927. Insistons, en effet, sur un point qui n'est pas toujours suffisa mment mis en relief: quelle que soit en définitive la destination cultuelle de cet édifice, qu'il soit la salle de réunion d'une secte (c'est la thèse de MM. Cumont et Carcopino), un édifice funéraire (ainsi le veut M. Bendinelli, planches et 96 figures dans le texte. Depuis, M. Cumont a donné comme une sorte de supplément La stèle du danseur d'Antibes et son décor végétal. Etude sur le symbolisme funéraire des plantes, Paris, Geuthner, 1942, in-4°, 49 p. (cf. Bévue, 1943, p. 174). LA SYMBOLIQUE FUNÉRAIRE DES ROMAINS 301 auteur de la publication dans les Mon. antichi), dans les deux hypothèses, toutes les images représentées sont des allusions à l'au-delà, à la mort et à l'apothéose, et ces allusions reposent sur la même symbolique pythago- risante, dont M. Cumont nous formule, plus complètement qu'on ne l'avait encore fait, les idées directrices. En tout état de cause, le travail d'exégèse de M. Carcopino peut être considéré comme définitif. Il ne faut pas croire, en effet, que toutes ces scènes de la mythologie que nous trouvons dans la basilique et sur les monuments funéraires n'ont pas un sens, un rapport direct avec la mort. Jadis les fantaisies de la symbolique des Creuzer et des Bachofen avaient discrédité toute in- 293 terprétation faite de ce point de vue, et l'on s'en tenait à étudier ces images en elles-mêmes, soit pour les replacer dans l'histoire de l'art et de la technique, soit pour en étudier l'iconographie et les faire contribuer à l'analyse des légendes. M. Cumont montre avec une force singulière comment on ne peut s'en tenir à cette attitude (x), comment la prudence dont elle témoigne finit par être en réalité un refus d'explication: « C'était oublier le fond, pour ne plus s'attacher qu'à la forme, c'était renoncer délibérément à demander à des pierres muettes la cause de leurs rapports avec le monde des morts et la raison d'être de leur destination funéraire . . . Une pareille exégèse n'aperçoit que les arbres et ne voit pas la forêt; elle s'en tient aux seules apparences et ne pénètre pas jusqu'aux réalités qu'elles dissimulent; elle fait abstraction des croyances sur l'au-delà et des sent iments intimes, qui nulle part n'ont dû s'exprimer avec plus de force que dans le décor choisi pour la sépulture de parents défunts ... ». Mais nous ne pouvons demander à on ne sait quelle divination de nous éclairer sur le sens des représentations. Il est aussi impossible de déchiffrer sans un guide sarcophages et peintures qu'il le serait de voul oir lire à première vue les caractères d'une langue inconnue. Ici un exemple décisif fut donné aux historiens de l'Antiquité par ceux du Moyen-Age. On sait comment nos cathédrales n'ont vraiment livré leur secret que le jour où M. Emile Mâle eut l'idée de recourir aux textes mêmes qui avaient inspiré les artistes et la chance de les découvrir dans le Speculimi de Vin cent de Beauvais. M. Cumont rend hommage à ce précédent qui indiquait la méthode à suivre: découvrir dans la littérature des anciens les principes qu'avaient mis en pratique les imagiers. (x) Citons comme très caractéristique le jugement d'Emile Cahen, auteur de l'ar ticle Sarcophagus du Dictionnaire des Antiquités de Daremberg et Saglio, p. 1074, col. 1: «Nous admettons que, si dans certains cas le sujet des reliefs a fait l'objet d'un choix raisonne chez le fabricant comme chez l'acheteur, souvent aussi on s'est plus soucié de son rôle décoratif que de sa signification religieuse ». 302 ÉTUDES SUR LA RELIGION ROMAINE A l'époque où travaillaient les artistes romains, la mythologie n'était plus dans les classes cultivées l'objet d'une foi littérale. Mais elle n'était pas pour autant simple objet de récits aimables comme ceux d'Ovide. Les philosophes avaient découvert le moyen de concilier le scepticisme qu'on éprouvait devant les aventures des dieux et des héros et la piété que l'on ne pouvait se défendre de ressentir pour des traditions venues du fond des âges et si liées à l'histoire des cités et à uploads/Litterature/ boyance-la-symbolique-funeraire-des-romains.pdf

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