ouvrages de erving goffman aux éditions de minuit ASILES, Etudes sur la conditi
ouvrages de erving goffman aux éditions de minuit ASILES, Etudes sur la condition sociale des malades mentaux, 1968 LA MISE EN scÈNE DE LA VIE QUOTIDIENNE, 1973 1. La présentation de soi 2. Les relations en public LES RITES D'INTERACTION, 1974 STIGMATE, Les usages sociaux des handicaps, 1975 FAÇONS DE PARLER, 1987 erving goffman les cadres de l'expérience traduction d'isaac joseph avec michel dartevelle et pascale joseph LES ÉDITIONS DE MINUIT OUVRAGE PUBLlÉ AVEC LE CONCOURS DU CENTRE NATIONAL DES LETTRES 13. Les cadres de la conversation l Dans les séquences d'activité qUl Jusqu'ici nous ont servi d'exemples, mais aussi de représentations, de maquettes de typifications et de cas - de cas exemplaires, vulgaires ou purs, de cas exceptionnels, de cas extrêmes ou de cas limites - la parole figurait comme une possibilité, une probabilité et q~el que fois comme une nécessité. L'analyse de ces séquences était en même temps l'analyse de l'acte qui consiste à dire quelque chose, à produire un énoncé, lui-même susceptible de transfor- mations - de modalisation ou de fabrication - du même type que la séquence elle-même. On peut se donner des coups de poing pour blaguer ou émettre un ordre en plaisantant; on peut se faire avoir par une fausse planche à billets ou par un simulacre d'aveu; on peut éclater parce qu'on n'arrive pas à enfiler une aiguille ou parce qu'on ne trouve pas ses mots, et cette forme de débordement, de bafouillage, est bien la plus parlante des ruptures de cadres. Voyez le rôle des malentendus dans les erreurs de cadrage. Certes, le contexte nous aide à éliminer les significations fortui- tes et les incompréhensions, mais il n'aurait pas ce pouvoir sans la subtilité, c'est-à-dire la compétence culturelle, de ceux qui l'interprètent. A l'inverse, on trouvera à l'origine des erreurs de cadrage verbal une forme innocente d'incompétence culturelle que la tradition attribue à l'innocence du mot d'enfant « trop mIgnon» : 486 « Peter, le petit-fils de Horace Stoneham, âgé de trois ans, est un familier des matchs de base-bail. Il vient d'entrer à l'école maternelle et tout va bien pour lui. "Qu'est-ce que ça fait, un ~: f LES CADRES DE LA CONVERSATION plus un ?" demande la maîtresse. Peter n'hésite pas: "Une balle et un strike" » 1 • L~ problème est moins anodin qu'il n'y paraît. Voyez l'exemple SUlvant : «Ah, les touristes! Celui-ci entre chez Delmas and Delmas dans la galerie commerçante de Ghizardelli Square, et jette u~ coup d'œil sur un bracelet en jade. "C'est combien?" Le gérant: "Un cinquante." Le touriste aligne tranquillement un billet de un dollar et deux pièces de 25 cents: "Je le prends." (Je ne crois pas qu'il pourra) »2. Il ne s'agit ici que d'un simple malentendu, qui aboutit à un geste malencontreux, difficilement tenable et auquel personne ne peut croire longtemps. Mais on peut penser que le touriste sera gêné par ce malentendu, qu'il aura le sentiment de s'être dévoilé : lui qu~ voulait passer pour un connaisseur apparaît comme un béotlen. On pourrait dire que l'interprétation cor- recte d'un énoncé a pour effet implicite, entre autres, de ne pas mettre en défaut publiquement les compétences culturelles et li~guisti~ues ~uxquelles nous prétendons 3. Si le gérant de la bIjouterIe avaIt annoncé le prix du bracelet de manière moins ellip~ique, le client. aurait sans doute eu le courage de réagir en mamf:stant son I?térêt et en donnant l'impression de s'y connaItre, de saVOIr ce que coûte ce genre de bijou. On dira donc que l'interprétation correcte d'un événement nous permet de déployer ces routines défensives qui se traduisent pour la plupart de manière mesquine et qui nous évitent habituellement de prendre des initiatives qui nous discréditent. En somme, tous les phénomènes analysés dans les chapitres précédents ont leur équivalent verbal : les manipulations les modalisations, les ruptures de cadre, les erreurs de cadrag~ et, 1. ,Herb Caen, San Francisco Chromde, 25 septembre 1967. A propos des erreurs de decadrage mtentlOnnelies ayant pour conséquences des répliques bien envoyées Arthur Koestler construit toute une vision du monde dans The Act of Creation Ne~ York, Dell Publishing, 1967. ' 2. San Francisco Chronlcle, 26 juin 1968. 3. Tout le monde semble admettre une distindion subtile entre le défaut de culture générale et d'ais.ance linguistique d'une paIt et, d'autre paIt, la pauvreté d'un vocabulaire techntque et spécialisé. L'usage" incorrect» d'un mot, et SUItout d'un mot savant, pOIte atteinte à nos prétentions tacites à la bonne éducation; par contre, si le garagiste nous demande de lUi passer un outil et que celui que nous lui tendons n'est pas le bon, notre inaptitude n'est pas linguistique, mais manuelle. 487 LES CADRES DE L'EXPÉRIENCE bien sûr, les controverses sur les cadrages. Mais le fait de pouvoir répertorier des exemples de ces différentes formes ne nous dit pas ce qui est propre au domaine des énonciations. Et la situation n'a guère de chance de s'améliorer si l'on s'engage, comme je vais le faire maintenant, dans l'analyse d'un type particulier de langage informel que nous désignons du terme de bavardage, causette ou conversation. Ce type de langage sup- pose un échange facile des rôles de locuteur et d'auditeur et implique un petit nombre de participants qui ont peut-être décidé de passer ensemble un moment, plus ou moins long, où ils prendront plaisir à ne rien faire ou qui s'accordent un court instant de diversion 4. Et il est indéniable qu'on trouvera des ruptures de cadre 5, et des controverses sur les cadres 6 ; mais les 4. Il arrive que cette alternative soit posée dans les termes d'une opposition entre interaction formelle et informelle; on néglige alors le fait que, même dans les rencon- tres les plus formelles et les plus officielles où celui qui parle représente une organisa- tion prestigieuse et livre des informations dont les auditeurs auront besoin pour coordonner leurs actions, il peut émailler son propos de remarques informelles de toutes sortes, de salutations, de blagues, de commentaires ironiques, etc. 5. Nous avons laissé entendre que les rôles masculins et féminins n'avaient pas le même degré de liberté quant au maintien de soi dans la conversion informelle. On peut voir des hommes se mettre subitement en colère, se laisser dévorer par leurs convic- tions ou apparaître entiers dans leurs résolutions; des femmes, on attend qu'elles se retirent par moments de la conversation, qu'elles rougissent de plaisir, qu'elles soient embarrassées ou peinées. En tout état de cause, nous montrerons que la conversation informelle n'implique jamais, par définition, un programme unique et préétabli avec sa distribution de rôles bien différenciée. Du coup, une rupture de cadre, même brutale, n'entraîne pas nécessairement de désorganisation généralisée. En fait, l'interlo- cuteur qui sombre attire momentanément l'attention avant d'être ramené à la surface et dorloté, tout simplement parce que le programme peut aisément être retardé ou abandonné sans conséquences organisationnelles graves. Remarquons que ces petites ruptures de cadre peuvent tout aussi bien se produire dans les représentations dramatiques et plus particulièrement au cinéma, qui est leur lieu naturel d'expression. Voyez ce qu'en dit Bela Balasz : «Dès le début du cinéma muet, Griffith avait montré la scène suivante dans un film dont le héros est un commerçant chinois. Lilian Gish, jeune mendiante persécutée, tombe évanouie devant la porte de cet homme. Le Chinois trouve la malade, l'emmène chez lui et la soigne. Elle se rétablit lentement, mais son visage figé reste triste. "Ne sais-tu pas sourire ?" demande le Chinois à la jeune fille apeurée qui commence à avoir confiance en lui. "Je vais essayer", répond Lilian Gish. Elle prend un miroir et, avec ses doigts, tire les coins de sa bouche pour esquisser un sourire. Elle exécute devant sa glace la grimace du sourire. Cela fait apparaître un masque torturé, éveillant plutôt la peur. Elle se tourne vers le Chinois. Mais alors le bon regard de celui-ci fait naître en elle un vrai sourire. L'expression du visage ne s'est pas modifiée. Mais elle est maintenant réchauffée par un sentiment profond et une nuance à peine décelable a transformé une grimace en expression authentique. » 6. D'où la remarque pertinente de Joan P. Emerson, « Negotiating the Serious Import of Humor », Sociometry, XXXII, 1969, p. 169-181 : «Même si nous nous 488 j LES CADRES DE LA CONVERSATION traits distinctifs de l'activité restent dans l'ombre. En réalité, je crois qu'on découvre ce fait important, que la conversation est une sorte de dépôt d'ordures de la structure, une décharge où l'on retrouve les restes et les fins de série des activités de cadrage de notre culture. (Toutes les variétés structurales de techniques de production de l'expérience négative sont là, même si nous avons du mal parfois à les distinguer, et nous n'avons pas attendu Pirandello pour apprendre à faire le tri.) Mais qu'avons-nous à dire de ce tas d'ordures une fois que nous aurons reconnu notre compétence (communicative) à le pro- duire et à y survivre? II En dépit des ambiguïtés, des malentendus et des confusions de courte durée, toutes les séquences d'activité uploads/Litterature/ goffman-cadres-de-la-conversation.pdf
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- Publié le Aoû 13, 2021
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