Tome XLIV N' 2 Année 1986 BULLETIN DE l'Académie Royale de Langue et de Littéra

Tome XLIV N' 2 Année 1986 BULLETIN DE l'Académie Royale de Langue et de Littérature Françaises Réception de Claudine Gothot-Mersch André GOOSSE Claudine GOTHOT-MERSCH Communications Louis D U B R A U - Marcel LOBET Jean T O R D E U R François GODFROID La contrefaçon (II) Académie Royale de Langue et de Littérature Françaises Palais des Académies BRUXELLES Bulletin de l'Académie Royale de Langue et de Littérature Françaises 1986 Tome XLIV — N° 2 Année 1986 BULLETIN DE l'Académie Royale de Langue et de Littérature Françaises Académie Royale de Langue et de Littérature Françaises Palais des Académies BRUXELLES SOMMAIRE Ceux qui nous quittent, (G.S.) Adieu à Charles Moeller 127 Mircea Eliade 130 Séance publique du 24 mai 1986 Réception de Mme Claudine Gothot-Mersch Discours de M. André Goosse 132 Discours de Mme Claudine Gothot-Mersch 144 Le Gabon, entre hier et demain Communication de Mme Louis Dubrau à la séance men- suelle du 19 avril 1986 160 Sourcier et porteur d'eau Communication de M. Marcel Lobet à la séance men- suelledu 10 mai 1986 174 Norge autrement Communication de M. Jean Tordeur à la séance men- suelle du 14 juin 1986 188 Panorama de la contrefaçon belge, par François Godfroid (suite et fin) 201 Chronique 252 Catalogue des ouvrages publiés 254 Toutes reproductions ou adaptations d'un extrait quelconque de ce livre par quelque procédé que ce soit et notamment par photocopie ou microfilm, réservées pour tous pays. Ceux qui nous quittent Adieu à Charles MOELLER En voyant vendredi notre ami, notre Charles Moeller étendu sur son lit, visiblement entré dans la grande Paix, je pensais, bien sûr, à toutes les richesses que ce front avait abritées, à tous les élans que ce cœur avait connus, à toutes les mains que ces mains avaient rencontrées avant de se joindre pour toujours. La tristesse de la séparation s'adoucissait d'une sorte de gra- titude pour tout ce que cet homme exceptionnel nous avait donné : un sacerdoce profondément vécu, un sens prodigieux du dialogue et de la compréhension, l'exemple vivant d'un homme en qui respirait le monde. Et aussi, faut-il le dire, une œuvre monumentale qui reste un exemple à la fois d'ampleur et de pré- cision, d'accueil et de rigueur. Je puis, je dois dire d'abord que l'Académie royale de langue et de littérature françaises perd un esprit éminent qu'elle avait été heureuse d'élire voici une quinzaine d'années. Tous ceux qui ont assisté à sa réception publique se rappelleront toujours le merveilleux discours d'accueil de Suzanne Lilar, avec son sens éblouissant des différences et des similitudes. Depuis lors, il nous avait parlé, dans nos séances privées, de Simone de Beauvoir ou de Kafka. Sa dernière communication nous parlait de Musil, d'une Europe de l'ironie, et si c'est un hasard, c'est tout autant un signe : le signe d'une connaissance illimitée, d'une inlassable curiosité, ou encore du don qu'il avait de détecter les lignes les plus secrètes de la création. Quand je le voyais arriver à l'Académie, je savais qu'un vaste univers de l'esprit entrait avec lui. Cet univers, nous savions tous qu'il le portait en lui, et non pas comme un privilège, mais comme un bien à partager, une connaissance que nous pouvions gagner, étendre ou affiner ensemble. 128 Charles Moeller Pourtant, comment ne pas évoquer aussi toutes les années qui nous avaient déjà, auparavant, rendus si proches ! Je n'ai pas oublié l'impression profonde que m'avait faite son livre Humanisme et sainteté en 1946. Pour moi, c'était son premier ouvrage, et sa jeune maturité m'apportait des richesses précieu- ses, la plus précieuse étant l'idée qu'on pouvait aller vers l'hu- manisme sans tourner le dos à la sainteté. Depuis lors, et bientôt dès nos premières rencontres, Charles était devenu pour moi un aîné proche, un frère que peu d'an- nées, d'ailleurs, séparaient de moi. Sagesse grecque et paradoxe chrétien devait enrichir plus encore ses lecteurs. Il confirmait ce goût de l'analyse parallèle et du dialogue spirituel qui sera une des démarches capitales de l'essayiste. L'ouvrage montrait aussi la liberté singulière de ce prêtre qui ne mettait pas d'office la sagesse du côté chrétien et qui ne réduisait pas à une rassurante et commode filiation la confrontation de Platon et du Christ, des Grands Tragiques et de notre Espérance. A ce moment-là, Charles était prêt pour le grand accomplis- sement : une information vaste et rigoureuse, une intuition tou- jours prête, et cette volonté de regarder, hors du Christianisme, ce qu'il y a de plus chercheur et de plus créateur, pour le mettre en face du Christianisme, ou mieux en dialogue avec le Christia- nisme. Alors, le pèlerin magistral va partir à la rencontre de l'autre, sans demander à cet autre ce qu'il a de plus proche, mais bien ce qu'il a de plus haut. Dès le premier volume de Littérature du XXe Siècle et Christianisme, voici certes Julien Green et Graham Greene, qui sont des écrivains chrétiens, ou encore Simone Weil qui a mesuré jusqu'à en mourir la pesanteur et la grâce de la condition humaine. Mais voici également Huxley et Camus. Et bientôt, au fil des volumes, Martin du Gard et Kafka, Una- muno et Malraux, Henry James et Valéry, Saint-John Perse et Jean-Paul Sartre. Non point un panorama, non point un classe- ment : le voyage d'un lecteur exceptionnel au pays de l'écriture, d'un écouteur qui a l'oreille incroyablement fine et inflexible- ment honnête, d'un homme de foi qui ne se donne pas le con- fort de la quiétude et qui sait que rencontrer vraiment l'autre est toujours un voyage initiatique et donc difficile. Charles Moeller 129 Je crois qu'aucun des écrivains que Charles Moeller a étudiés n'a jamais été, si peu que ce soit, annexé par lui. Au contraire, le mot intuition, le mot respect viennent à l'esprit quand on pense à lui. Suzanne Lilar lui avait dit justement qu'il cherchait à rassembler ce qui diffère, sans sacrifier la différence. Cet œcuménisme de toute sa vocation, celui qu'il professait à Jérusalem ou à Louvain, qu'il vivait à Rome ou à Patmos, on pourrait dire qu'il était aussi l'œcuménisme de ses propres dons, de ses différentes activités. La littérature s'y est enrichie comme son action et sa foi. Quand je le regardais une dernière fois vendredi, je voyais à côté de lui des livres, et au-dessus de lui une belle reproduction de la sublime Trinité d'Andrei Roublev. C'était voir d'un seul regard tout ce qui avait fait la vie de Charles, notre ami, notre confrère et notre frère. Georges SION Mircea ELIADE Mircea Eliade, mort à Chicago le 23 avril 1986, laisse un grand vide à l'Académie, même si la distance l'empêchait de nous rejoindre : en effet, depuis près de trente ans, il enseignait à l'Université de Chicago. Néanmoins, il avait été heureux d'être élu parmi nous en 1975 et nous n'oublions pas tout ce que nous avait apporté sa présence lorsque Marcel Lobet l'avait accueilli en séance publique le 25 février 1977. Mircea Eliade alors avait évoqué, à travers une analyse remarquable, la prin- cesse Bibesco à qui il succédait, mais qu'il n'avait jamais ren- contrée : la « diaspora » roumaine est grande. Ceci n'avait pourtant pas empêché Mircea Eliade d'insister sur un livre de celle qui l'avait précédé, Isvor, le pays des saules le plus profondément roumain de celle qui avait été une figure parisienne et une grande dame de l'Europe. Un voyageur inspiré succédait à une itinérante pleine de mémoire... Né à Bucarest le 9 mars 1907, séjournant en Inde à 21 ans, pas- sionné par la rencontre des formes du sacré ou par l'histoire des religions, romancier de La nuit bengali l'année où il devient atta- ché culturel de l'ambassade de Roumanie à Londres, Mircea Eliade sera un Roumain du dehors et la deuxième guerre mon- diale y contribue largement. Londres, Lisbonne, Paris, bientôt l'Amérique... Il est de ces esprits exceptionnels qui brassent les cultures avec les idées. Il écrit certaines œuvres en roumain, d'au- tres en français, d'autres en anglais. C'est évidemment son œuvre française qui l'avait amené parmi nous, mais la diversité, chez lui, fait rêver, qu'il s'agisse d'un roman comme Le vieil homme et l'officier, de son Traité d'histoire des religions ou du Mythe de l'éternel retour. Mais à toutes les étapes et à toutes les formes de son travail, il appor- tait une réflexion inépuisable, une acuité exemplaire et une cul- ture exceptionnelle. Mircea Eliade 131 C'est tout cela qui l'avait conduit à l'Université de Chicago en 1957. Il y aura enseigné près de trente ans et c'est là que le Bucarestois de jadis a achevé sa vie à 79 ans. Loin de ses amis d'Europe, mais proche, par l'esprit, de tous les amis que son intelligence lui avait donnés à travers le monde. G. S. SÉANCE PUBLIQUE DU 24 MAI 1986 Réception de Mme Claudine Gothot-Mersch Discours de M. André GOOSSE Madame, La féministe déclarée que vous êtes pose d'emblée deux pro- blèmes à celui qu'on a bien voulu charger de vous recevoir : un problème de fond uploads/Litterature/ bulletin-1986-lxiv-02.pdf

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