Bustarret, Claire. "L'album Photographique Avant L'ère Photo-Mécanique: Une Ave

Bustarret, Claire. "L'album Photographique Avant L'ère Photo-Mécanique: Une Aventure Éditoriale." Chap. Chapitre In La Photographie Et Le Livre. Analyse De Leurs Rapports Multiformes. Nature De La Photographie - Statut Du Livre, edited by Michelle (Dir.) Debat. Paris: Trans Photographic Press, 2003. L’album de voyage comme genre editorial p. 54 De conception plus méthodique, et souvent de formats plus imposants, les recueils de vues pittoresques apparaissent comme un genre déterminé à la fois par un fil narratif et par un souci didactique, structuré par une illustration fortement hiérarchisée dont l’effet spectaculaire est hautement revendiqué. Les Itinéraires pittoresques et autres albums de Souvenirs se multiplient, dans le sillage de la collection monumentale dirigée par le Baron Taylor, les Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France que publie l’éditeur Gide. Deux ouvrages parus dans les années quarante illustrent, non sans quelque distorsion par rapport aux types précédemment cités, l’irruption d’abord indirecte de la photographie dans le livre illustré : les Excursion daguerriennes commanditées par Lerebours, et le Panorama d’Egypte et de Nubie de Horeau, tous deux illustrés de hors textes gravés d’après des daguerréotypes. Reproduction – multiplication et passage de la collection vers la notion de publicacion p. 56 Il fallait avoir le regard averti d’un Francis Wey pour y distinguer une véritable innovation éditoriale : n’hésitant pas à ouvrir dès 1851 une rubrique Publications héliographiques dans la revue La Lumière (rubrique reprise par Lacretelle à partir de 1853 sous le titre Albums photographiques), il commentait la parution de l’Italie monumentale d’Eugène Piot en ces termes : « Ainsi commence la série des livres, des voyages cl’ art illustrés par la photographie : M. Piot vient de créer une nouvelle branche commerciale » 7. Cinq ans plus tard, un autre critique, Ernest Lacan, attribuait une double conséquence à l’invention de Talbot qui permet la vulgarisation des images : la reproductibilité, bien sûr, mais aussi le passage à un support compatible avec l’imprimé : « au lieu d’une épreuve, écrit-il, on en pouvait désormais obtenir mille du même sujet ; au lieu d’une collection, on pouvait faire une publication ». Importance du voyage et estampe P 56 À la différence des recueils antérieurs, sortes de spécimens démonstratifs, susceptibles cl’ être vendus par planches séparées, l’album est désormais conçu, aux dires des éditeurs de Du Camp, comme « une œuvre unique, rare, achevée» 11. Les épreuves photographiques intégrées au support imprimé sont aussitôt appréciées au même titre que de véritables estampes : mais pas pour autant comme des œuvres d’art, car la réception des premiers albums privilégie l’autorité du soleil – qui garantit la valeur spécifique de l’image photographique par opposition à toutes les autres sortes d’images – aux dépens de celle du photographe. D’où l’importance accordée par les éditeurs au thème du voyage : la structure même de l’album reconstitue une totalité à partir cl’ empreintes fragmentaires du monde. Par conséquent l’instance à laquelle est atribuée la cohesion de l’ensemble des planches est bien plutôt un objet, le support, qu’un sujet, l’auteur, lequel n’apparaît sur la page de titre qu’en tant que voyageur, titulaire d’une mission scientifique. (…) La question de l’insertion d’épreuves photographiques dans des ouvrages fit même l’objet, dés mars 1851, d’une veritable étude de marché confiée par la ministère de l’Instruction publique –escomptant tourver là un support ideal pour la vulgararisation scientifique. A l’issue de son enquête, Durieur affirme : « A supposer quéil ne soit pas possible à un éditeur d’introduire des épreuves photographiques dans des œuvres d’un commerce courant, on pourrait les introduire dans des oevres de luxe, alors la spéculation est faisable ». L’album photographique, techniquement approprié aux publications de prestige, de diffusion restreinte, assume dès lors une fonction quasi officielle. Louis de Cormein ne fait que reprendre ces conclusions lorsqu’il écrit à propos de l’album de son ami Maxime Du Camp dans LA Lumière : « De telles tentatives sont bonnes à encourager, et le gouvernement, voyant ce qu’a pu faire un voyageur isolé, livré à ses seules ressources, devrait en prendre exemple pour envoyer en pacifique expédition d’art des photographes qui rapporteraient ainsi le monde entier et enrichiraient nos musées par une collection inappréciable ». p. 62 L’album de voyage au sens strict – et c’est ce qui le distingue comme genre spécifique dans la production d’albums photographiques au XIXe siècle – propose essentiellement un itinéraire visuel ordonné, et non une simple collection de souvenirs se succédant aléatoirement au fil des pages. Mais il s’agit le plus souvent d’un itinéraire idéal, qui ne correspond pas nécessairement à l’itinéraire effectivement suivi par le photographe. De site en site, la succession des planches reconstitue t ;our le lecteur un ordre topographique familier – par exemple, en Egypte, selon l’axe du Nil, soit du Nord au Sud soit du Sud au Nord, alors que les trajets réels faisaient alterner les étapes sur la rive gauche et la rive droite tantôt à l’aller, tantôt au retour, en fonction des vents et des courants. ( …) Cette intention éditoriale, a posteriori, sur les relations spatiotemporelles entre les séquences d’images – qu’elles demeurent implicites dans la mise en page, ou qu’elles soient explicitées par les légendes ou commentaires des planches – rendrait nécessaire une approche génétique de la composition des albums. p. 63 La mise en livre (plus généralement conçue dans l’après-coup) altère donc la chronologie de prise de vue, et reconstitue une logique spatiale, qui n’est pas nécessairement compatible avec le récit du voyage. Dès lors, tout effet narratif suscitant chez le lecteur la sensation d’une séquence reliant les vues selon la temporalité de la prise de vue au-delà de l’unité du site est suspecte de fiction. Cet impératif topographique de la forme éditoriale entraîne une fragmentation des textes vue par vue ou site par site : ce mécanisme encourage le retour des figures du stéréotype dans le discours, alors même que la vue photographique pourrait prétendre y échapper, ne serait-ce que par référence implicite à l’originalité absolue du moment de prise de vue. Ainsi le commentaire rédigé par Teynard procède par généralisation, prenant chaque vue comme type exemplaire d’un phénomène observé à maintes reprises et en divers lieux au cours du voyage, tout en narrativisant le déplacement du regard d’une planche à l’autre. En dépit de l’originalité foncière de son regard, le photographe reconduit comme malgré lui la rhétorique sélective que les instructions des académiciens proposaient à Du Camp (enregistrer les monuments et sites les plus remarquables, les plus intéressants). Quelque peu en décalage par rapport à la conception documentaire d’ensemble soigneusement articulée, l’agencement du texte dans l’atlas de l’ingénieur préfigure une fragmentation de l’imaginaire bientôt consommée par les usages touristiques du voyage – et des images. Fleig, Alain. "La Photographie Et Le Livre En France Entre Les Deux Guerres." Chap. Chapitre In La Photographie Et Le Livre. Analyse De Leurs Rapports Multiformes. Nature De La Photographie - Statut Du Livre, edited by Michelle Debat. Paris: Trans Photographic Press, 2003. P. 84 Au lendemain de la Grande Guerre, le livre est l’objet d’un essor ambigu. Les innovations techniques des deux décennies précédentes permettent, d’une part, une rapidité de production, des possibilités de tirages importants, des prix compétitifs, développant une extension sociale avec les premières éditions populaires à très bon marché et les premiers ouvrages de circonstance à consommer rapidement, faisant du livre, non plus cet objet de transmission quasi sacré d’une culture traditionnelle, mais un objet ordinaire de consommation, un objet médiatique. D’autre part, à l’encontre de cette tendance, se développe alors – une forme d’édition portant en elle-même sa propre fin : l’édition bibliophilique de textes classiques ou modernes, tirages restreints, luxueusement typographiés, illustrés de gravures ou de lithographies, (voire, exceptionnellement, de photographies), sur de beaux papiers, par des artistes en vogue et, parfois, superbement reliés. La période voit enfin se développer une édition encyclopédique et documentaire populaire flattant le nouvel appétit de connaissances humaines, sociales, géographiques et de tourisme qu’a ouvert le goût nouveau des voyages et des loisirs que permet le développement des transports. Ces dernières publications, dont l’origine remonte au début du siècle précédent, utilisent largement la photographie que l’héliogravure, nouvellement industrialisée, permet de lier harmonieusement au texte. P . 95 Le livre illustré de bibliophilie connaît, entre les deux guerres un essor relativement considérable, sans doute en contrepoint des éditions · le nombre des titres publiés entre 1925 et 1939 diminue de près de la moitié. Mais le livre illustré est la chasse gardée des graveurs tels Louis Jou, Laboureur,Jacquemin,Valentine Hugo ou Gus Bofa qui diffusent une esthétique élégante, teintée d’un soupçon de cubisme, le plus souvent moderniste et non réellement moderne. Mise au goût du jour, l’illustration n’en demeure pas moins dans la tradition du livre illustré d’avant-guerre et du XIXe siècle. Quant aux publications populaires, elles n’utilisent guère qu’une illustration des plus traditionnelles notamment pour les couvertures, et n’auront recours à la photographie que vers la fin des années trente, sans que cela marque un réel progrès esthétique. p. 97 autonomie de la photographie par rapport au texte dans la publication avant-gardiste Paris uploads/Litterature/ bustarret-fleig.pdf

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