Charles Baudelaire (1821-1867) La poésie de Baudelaire entre le romantisme et l

Charles Baudelaire (1821-1867) La poésie de Baudelaire entre le romantisme et le Parnasse. On est unanimement d’accord que ce qu’on appelle “modernité” commence en poésie avec B. Placé entre le romantisme et le Parnasse, B. ouvre la voie à la poesie moderne. Dans son oeuvre on peut remarquer quelques traits définitoires de ces deux tendances poétiques du XIXe siècle. D’un côté, il ne rejette pas l’émotion privilegiée par les poètes romantiques. D’un autre côté, il ne fait pas du travail sur la forme une idole comme les adeptes de l’Art pour l’Art (les parnassiens). B. trouve un équilibre entre ces deux tendances. Il est à préciser dès le début que B. n’a jamais renié ses auteurs de jeunesse préferés, comme Chateaubriand ou Victor Hugo. Parmi les héritages romantiques dans la poésie baudelairienne on peut énumérer: le dandysme (courant de mode du XIXe siècle apparu en Angleterre, pour les hommes prétendant au raffinement et à l’élégance. Baudelaire précise que le dandysme n’est pas un goût immodéré de la toilette et de l’élégance matérielle, mais le dandy est un symbole de la supériorité aristocratique de son esprit.), le style bohème, le satanisme, l’attrait du mal. Cette mise en évidence des valeurs romantiques est illustrée par sa célèbre phrase: “Qui dit romantisme dit art moderne.” Sans nier les valeurs romantiques, B. n’apprécie pas le lyrisme excessif. Il propose un romantisme débarrassé de clichés. B. reproche aux romantiques l’étalage ostentatoire du moi, l’excès de sensibilité et l’idée d’inspiration. Selon lui, le travail du poète s’apparente à une découverte de soi et du monde. Un autre point qui sépare B. des romantiques est l’idée de Progrès. B. comme Flaubert, est un désenchanté. Le poète romantique déverse ses émotions vers l’extérieur, il est théâtral, tandis que la sensibilité du poète moderne converge vers l’intérieur. Un autre point de séparation: à l’héroïsme du poète romantique, à son énergie et à son optimisme, B. oppose le sentiment de la misère de la vie et un coeur sans illusion. On ne peut pas dire que B. fait partie d’une école poétique, mais il a de la sympathtie pour le groupe des jeunes poètes adeptes de la virtuosité formelle, connus sous le nom de parnassiens. Il est très lié avec le promotteur de ce courant, Théophile Gautier, auquel il dédie d’ailleurs Les Fleurs du mal. Il apprécie chez les parnassiens l’attention particulière qu’ils portent à la rigueur formelle, à la composition, à l’architecture du poème et à la technique impécable. On retrouve ces influences parnassiennes dans Les Fleurs du mal. Mais, à une analyse plus profonde, on se rend compte qu’entre B. et les parnassiens il y a aussi des divergences: la spiritualité, voire le mystcisme de B. est en totale opposition avec le paganisme de la Grèce antique, affirmé par les parnassiens. Les parnassiens exaltent la nature, tandis que B. a horreur de la nature. Dans la poésie parnassienne l’homme est absent, tandis que la poésie de B. est centrée sur le drame de la condition ontologique de l’homme. Il n’aime pas non plus chez les parnassiens le goût excessif pour la perfection formelle. En échange, comme les parnassiens, B. rejette l’engagement de l’artiste pour une cause sociale ou politique, et surtout l’art à thèse. Selon lui, la beauté ne doit rien enseigner, elle possède par elle-même le pouvoir d’enrichir spirituellement l’homme. B. n’accepte pas le type de beauté figée des parnassiens, leur manque de sensibilité et de mystère, le ton impersonnel et le formalisme froid. Enfin, B. s’attaque aussi au réalisme. Par exemple, pour lui Balzac est plutôt un visionnaire qu’un observateur. Son modèle en matière de poésie est le poète américain Edgar Allan Poe, dont il a traduit admirablement en français les Histoires extraordinaires. D’autres artistes admirés par B. sont Delacroix, Goya, Daumier, Wagner. D’ailleurs le poète B. est doublé d’un remarquable critique d’art. B. fonde la création poétique sur des valeurs comme la lucidité et l’intelligence, tout en rejetant l’instinct et le naturel, d’où son horreur pour la nature. Les Fleurs du mal: structure, titre et architecture du recueil. Le titre du recueil surprend par le rapprochement de deux mots opposés. “Fleurs” signifie la beauté, mais aussi l’élaboration lente de la beauté, longuement cultivée. Le “mal” c’est le péché et la souffrance. Les six livres du recueil représentent les six étapes de la vie à la mort. Chaque livre retrace un épisode de l’itinéraire existentiel du poète. Les six livres sont: Spleen et idéal, Tableaux parisiens, Le vin, Fleurs du mal, Révolte, La Mort. Spleen et idéal. Ce couple antinomique exprime le conflit entre la mélancolie du spleen et l’espoir fragile de l’idéal. L’état spleenétique suggère la pesanteur , le découragement. L’esprit atteint par ce mal est envahi par un sentiment d’ennui, de lassitude. Pour B. le spleen est le reflet du péché originel. Pour contrecarrer la pesanteur du spleen, B. lui oppose l’idéal. Mais l’idéal est éphémère et inconstant. Il est voué à la disparition, il est fugitif. L’idéal représente l’aspiration de l’âme vers l’au-delà, vers l’état paradisiaque, vers l’infini ou l’absolu. L’antinomie spleen-idéal traduit une déchirure de l’être humain qui est scindé entre la sensation éphémère de l’élévation et la chute dans le “gouffre amer” de l’existence. Torturé par cette contradiction sans issue l’homme ne peut pas surmonter cette antinomie, il est en proie à la”double postulation”. La double postulation baudelairienne. Selon B. l’homme aspire tantôt à la pureté du paradis, tantôt il s’enlise dans les abîmes de l’enfer. Deux postulations simultanées attirent l’homme: l’une vers Dieu, l’autre vers Satan. Cette fissure existentielle définit la condition même de l’homme. Le drame naît de cette dualité à laquelle l’homme ne peut pas échapper. La divinité l’attire et l’enfer le fascine. Le drame de la condition humaine est disputé entre Spleen et Idéal, gouffre et élévation, débauche et aspiration au salut, Enfer et Paradis. Pour oublier cette déchirure le poète fait appel aux drogues à l’aide desquelles il se construit des ”paradis artificiels”. Les drogues baudelairiennes les plus évoquées sont le hachich, le vin, mais aussi d’autres drogues plus douces comme le voyage, la musique, le parfum et même le sommeil. La beauté, la nature et la femme. Conformément à l’esthétique de la laideur baudelairienne, le trait définitoire du beau est le “bizarre”: “le beau est toujours bizarre”. Un autre trait de la beauté baudelairienne est l’artificialité, c’est-à-dire ce qui est opposé au naturel, à la norme, à la convention. Il s’ensuit que la nature inspire à B. un sentiment d’horreur. La mission du poète est de s’évader de cette nature vers d’autres espaces de l’imagination (voir le poème L’invitation au voyage). Le statut de la femme chez B. est ambigu, elle est à la fois ange et animal, soeur et maîtresse. B. déteste la femme naturelle selon le syllogisme: 1. la nature est abominable 2. la femme est naturelle 3. la femme est abominable. Il accepte pourtant la femme lorsqu’elle cache sa nature sous le masque de diverses parures artificielles: les bijoux, le parfum, le maquillage, le fard, les vêtements, la mode etc. Ce n’est pas la grâce naturelle du corps féminin qu’il apprécie, mais sa beauté artificielle. De là, l’éloge de la mode et du maquillage. Il accepte la femme dans la mesure où elle dissimule sa propre nature. La postérité de Baudelaire. Deux directions poétiques se dessinent dans la poésie française après B.: les poètes artistes (Mallarmé, Valéry) et les poètes voyants (Rimbaud). Les premiers apprécient chez B. l’équilibre de la forme, le rejet de l’inspiration et la lucidité; les seconds affectionnent la volonté de B. de déchiffrer les mystères de l’existence. Sa poésie annonce aussi l’esthétique symboliste (Verlaine). uploads/Litterature/ charles-baudelaire.pdf

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