Jacob Cohen Récit « Le seul problème que nous devons nous poser est de savoir c
Jacob Cohen Récit « Le seul problème que nous devons nous poser est de savoir comment aider Israël » Dr Marc Aron, président du Bnaï Brit de France, Bnaï Brit Journal, juin 1988. « Paris possède aussi son lot de sayanim, auxiliaires volontaires juifs de tous horizons... Ran S. nous donna un cours sur un réseau unique au monde et qui constitue la force du Mossad... Nous disposons d'un réservoir de millions de Juifs hors des frontières d'Israël... Ce système permet au Mossad de fonctionner avec un personnel de base squelettique. Pensez qu'une antenne du KGB emploie au moins cent personnes, là où le Mossad n 'en a besoin que de six ou sept » Victor Ostrovsky, MOSSAD, un agent des services secrets israéliens parle, Presses de la Cité, 1990. « Meir Amit comprit très tôt que ses katsas avaient besoin de soutien sur le terrain de leurs missions. Ce fut la raison pour laquelle il développa le réseau des sayanim, collaborateurs volontaires juifs... Le sayan acceptait en dernière instance une allégeance encore plus primordiale - et presque mystique - envers Israël » Gordon Thomas, Histoire secrète du Mossad, Nouveau Monde éditions, 2006. «Arrivée au Maroc, en 1954, de la première délégation du Mossad... Il est chargé de faire passer les juifs du Maroc clandestinement en Israël... Peu à peu émerge l'organisation clandestine dans les rangs de laquelle s'enrôlent des centaines de juifs. » Michel-Meir Knafo, LE MOSSAD et les secrets du réseau juif au Maroc 1955-1964, Biblieurope 2008. L'auteur exprime sa cordiale reconnaissance à Winnie Guieu pour la couverture Pour contacter l'auteur yacobous@yahoo.fr Ce livre est dédié À tous ceux qui se battent Pour la Justice en Palestine Youssef El Kouhen tentait d'échapper à la sensation soudaine du Chrétien poussé dans l'arène aux lions. L'image lui rappela quelque chose. Il lui préféra celle du kamikaze, mais sans connotation explosive. Il y avait beaucoup de monde. Mais peu de femmes. Comme avant chaque tenue, les manifestations de fraternité n'en finissaient pas. Triples accolades, exclamations et tapes chaleureuses. Youssef s'avança prudemment à l'intérieur du temple. On le regardait avec curiosité. Personne ne vint lui souhaiter la bienvenue. L'image de l'arène s'incrusta de nouveau. Il porta les doigts à son cou. Heureusement Florence était déjà là, accompagnée d'une soeur. Il les embrassa avec soulagement. À l'instar d'un célèbre révolutionnaire en visite aux EtatsUnis, il pensa : « Maintenant je suis dans la gueule du loup ». Florence semblait ne se douter de rien. Quelques hommes se hasardèrent à les saluer. Florence Meyer et Martine Thoreau avaient déjà mis leurs décors. Même robe noire, même médaillon, mêmes gants blancs. Mais le tablier de Florence était à dominante rouge. Celui de son amie totalement blanc, bavette rabattue. Elles avaient presque la même silhouette, mais les cheveux noirs de la seconde contrastaient avec la blondeur de son accompagnatrice. Lorsque celle-ci leur disait son nom, les frères semblaient ravis. Et décontenancés. Quelque chose dans l'assemblage du trio les embarrassait. Youssef regrettait d'avoir mis une cravate. C'était une concession ridicule pour passer inaperçu comme si cela était possible ! et pour ne pas prêter le flanc à une critique facile. Il fit un saut aux lavabos, se regarda dans la glace. Il hésitait. Donnait-il l'impression de l'Arabe endimanché, ou de l'intellectuel éclairé ? Il retira la cravate, ouvrit le premier bouton. C'était mieux. Ce symbole de la bienséance vestimentaire le poursuivait depuis son adhésion. Il n'en raffolait pas, et plus que tout, il était devenu un objet de discrimination. Au moins à la Grande Loge, costume noir et cravate étaient de rigueur pour tous. Cela avait commencé par une remarque fraternelle. Même les piques relevaient du « fraternel ». Après l'initiation, il s'était rendu compte que certains frères se dispensaient de la cravate, et que dans les locaux de l'obédience, d'autres s'habillaient en jean et t-shirt. La première fois qu'il se présenta sans cravate, un frère lui ordonna, juste après la triple accolade : « Tu mettras une cravate à chaque tenue. » El Kouhen balbutia sa promptitude à obtempérer. Il était encore dans la phase de la fascination absolue. Devant les maîtres, détenteurs d'un savoir occulte, proches de la perfection maçonnique, il se sentait l'âme du disciple, obéissant et plein de reconnaissance. Il fit l'acquisition de cravates neuves. Ce maître s'appelait Gérard Silmo. Dans ce microcosme hiérarchisé, il n'occupait aucune fonction, mais ses interventions emportaient l'adhésion. C'était en quelque sorte l'éminence grise de la loge. Un jour, quelqu'un murmura à l'oreille de Youssef: « Gérard est dix-huitième ! » À tout hasard, il fit une moue admirative. Mais le port de la cravate ne semblait pas une obligation pour tous. Le premier surveillant s'habillait comme un pitre, en survêtement dépareillé, avec des tennis aux couleurs vives. Ses planches tournaient autour de l'occultisme et de la magie des chiffres. Mais il gravitait dans l'orbite de Gérard. L'autre apprenti lui avait révélé un jour que Silmo n'aimait ni les Arabes ni les Juifs, et qu'il flirtait avec les idées du FN. Ces informations, il les tenait de l'orateur, un Juif pied-noir comme lui. Avec ses lunettes ovales et son élégance décontractée, il opta finalement pour le type intellectuel. Le temps avait passé. Il se précipita vers le temple. Tout le monde était en place. Il mit son cordon et son tablier à dominante bleue, et ses gants. Juste à temps. Le vénérable assénait un coup de maillet autoritaire. Youssef resta bouche bée. Il mit quelques secondes à réaliser. Le vénérable était le Juif pied-noir de son atelier, autrefois orateur. Il est vrai que sa présence se faisait rare. L'ancien apprenti, devenu maître en même temps que lui, l'excusait systématiquement pour raisons professionnelles. Gilles Talibani sembla lui aussi surpris par la présence de Youssef. Mais il se reprit vite, et lança le rituel de l'ouverture. Bien que l'atmosphère fût dissipée, émaillée d'échanges frivoles, comme si les frères, se retrouvant enfin entre eux, se libéraient d'un cérémonial sacrilège, El Kouhen redoublait d'efforts pour se montrer irréprochable. Les pieds en équerre, la main droite bien relevée, collée à la gorge, il donnait l'impression de vivre un moment d'une extrême solennité. Ils se rassirent. Youssef privilégiait la colonne du nord pour mieux suivre les planches. Martine ne pouvant s'asseoir que sur la colonne du midi, Florence resta à ses côtés. Leur maintien était exemplaire. Le buste droit, les mains à plat sur les cuisses, le pouce et l'index formant un angle droit. Dans une loge féminine, ce tableau l'impressionnait toujours. L'appel ne fit que confirmer ce qu'il pressentait. Jusqu'à la lettre s, tous les frères avaient un nom à consonance juive, plutôt d'origine nord-africaine. Puis Ahmed Sidaoui se leva à l'appel de son nom. Youssef se raidit. « Ainsi donc ce traître est un frangin, et en plus dans cette loge ! », maugréa-t-il. Puis les visiteurs se présentèrent. Le nom de Florence suscita un intérêt non dissimulé. En se présentant, tourné vers l'Orient, El Kouhen sentit converger vers lui des regards suspicieux. Le vénérable pria le frère secrétaire de donner lecture du tracé des derniers travaux. Youssef se concentra. Habituellement, c'était plutôt un moment de relâchement. Il écoutait d'une oreille distraite ce compte rendu débité d'une voix monocorde, truffé de formules ésotériques, et levait machinalement la main droite pour l'approuver. Le secrétaire évoqua d'abord « les cinq minutes d'actualité du vénérable maître », sans entrer dans les détails. La formulation semblait indiquer une coutume bien établie. Puis il entra dans le vif du sujet. La planche de la tenue précédente avait pour thème : « La question des réfugiés juifs des pays arabes ». C'était une tenue blanche fermée. Le conférencier était un profane, auteur d'un livre portant le même intitulé. Pour un historien d'origine marocaine, le sujet semblait prometteur. Youssef se préparait à savourer l'instant. Mais bien vite il déchanta. L'indignation le gagnait. Le tableau dressé par l'auteur était apocalyptique. Des populations juives expulsées de leur pays, de tous les pays arabes sans exception, dépouillées auparavant de leurs biens, munies à peine d'une valise. Certes, il y avait eu ici ou là quelques excès, consécutifs aux tensions internationales. Mais la communauté juive du Maroc, forte d'un demi-million d'âmes, avait vécu dans des conditions honorables. Les Juifs eux-mêmes le reconnaissaient. C'est plutôt le Mossad qui avait utilisé toutes sortes de manoeuvres pour les faire partir. El Kouhen se rappelait l'interview accordée par un écrivain juif d'origine marocaine à un hebdomadaire libéral de Casablanca, dans laquelle il rappelait un fait assez méconnu. En 1955, l'Agence juive avait négocié le soutien américain au Maroc dans ses pourparlers avec la France, contre quarante-cinq mille Juifs. Et ses camions étaient partis les ramasser dans les campagnes marocaines, sans leur demander leur avis, abandonnant sur place malades et vieillards. Une telle distorsion historique n'était pas sans justification. Youssef commençait à comprendre. L'auteur faisait le parallèle avec les réfugiés palestiniens. Et comme par hasard, le nombre des réfugiés juifs leur était équivalent. S'il y avait un problème d'un côté, il n'en manquait pas de l'autre. Israël s'en uploads/Litterature/ cohen-jacob-le-printemps-des-sayanim.pdf
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- Publié le Aoû 23, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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