HISTOIRE PITTORESQUE, DRAMATIQUE ET CURIEUSE D U VIEUX GROGNARD D U SIÈGE D'ANV

HISTOIRE PITTORESQUE, DRAMATIQUE ET CURIEUSE D U VIEUX GROGNARD D U SIÈGE D'ANVERS E T C O M M E N T I L F U T A M E N E A s ' É T A B L I H E N B E L G I Q U E A P R È S A V O I R D É C O U V E R T E N H A Ï T I L A P R É C I E U S E O R A N G E Q U I S E R T D E R A S E A U F A M E U X T R I P L E - S E C C O I N T R E A U V U E G É N É R A L E D E L ' L ' S I N E C O I X T R E A U , Q U A I G A . M B E T T A , A X G E R S . ANGERS IMPRIMERIE D E A. BURDIN 4, R U E G A R N I E R T , 4 1 8 9 7 Camille BALLU Conservateur des Hypothèques MORTAGNE ( Orne ) H I S T O I R E DU VIEUX GROGNARD DU SIÉGE D'ANVERS P O R T R A I T D U V I E U X G R O G N A R D Mrs Allain su Grand Théatre d'Angers A Monsieur Charles ROLLAND, Président de la Chambre de Commerce fran- çaise de Bruxelles. A vous, Cher Monsieur ROLLAND, pour l'amitié sincère que vous m'avez bien voulu toujours témoi- gner. A vous, par qui, de tous, ici, j'ai rencontré le plus bienveillant accueil. A vous, qui m'avez fait con- naître mon excellent ami et très intelligent colla- borateur, A. DESMAISONS. A vous, le dévoué Président de notre Chambre de Commerce française de Bruxelles, Je dédie cette petite fantaisie, Souvenir de votre Grande Exposition bruxelloise 1897. COINTREAU, Distillaleur-Liquoriste à Angers, P r é s i d e n t d u C o m i t é d ' a d m i s s i o n et d'installation d e la c l a s s e d e s L i q u e u r s . HISTOIRE P I T T O R E S Q U E , D R A M A T I Q U E E T C U R I E U S E D U VIEUX GROGNARD D U S I È G E D ' A N V E R S I M o n origine. — M o n enfance aux Ponts-de-Cé. — M a vocation. — Je m'engage dans l'Armée d u Nord. Je naquis le 4 avril 1812, en France, aux Ponts-de-Cé, près d'Angers, de Jacques Juteault, vigneron, et de Mar- guerite Bullion. La gloire impériale était à son apogée ; la France entière retentissait du bruit des armes, et, môme aux yeux des plus paisibles et des plus modestes, nulle destinée ne semblait comparable à celle du guerrier et du conquérant. Aussi mes parents me donnèrent-ils pour prénoms Dumnacus, Napoléon, Alexandre. Napoléon et Alexandre sont assez connus pour qu'il soit inutile d'in- diquer quel augure mes bons parents entendaient tirer de ces noms héroïques. Quant à Dumnacus, quelques mots d'explication sont ici nécessaires. L'histoire, la légende plutôt, raconte que lorsque César conquit la Gaule, il trouva une formidable résistance chez les An- gevins, dont le chef Dumnacus culbuta les légions au moment même où les Romains venaient de jeter un pont sur la Loire. Ce pont, de mille toises de longueur, devait s'appeler le Pont de César, et déjà les premières lettres de la dédicace étaient gravées sur la pierre quand les Romains furent surpris par Dumnacus et contraints de rétrograder. L'inscription demeura donc inachevée (PONS CÆ...), d'où le nom de Ponts-de-Cé que porte en- core mon bourg natal. 5 H I S T O I R E D U V I E U X G R O G N A R D Qu'on pardonne cette digression et d'autres encore à un vieillard de quatre-vingt-cinq ans qui s'attarde au plaisir de revivre par le souvenir ses années de jeunesse. Puis-je me défendre de vous décrire la merveilleuse contrée où j'ai vu le jour? Le grand fleuve roulant ses eaux limpides sur les sables dorés dont les grèves se forment et se désagrègent au gré du courant rapide; les îles aux grands peupliers encadrées d'osiers et de saules et, sur les coteaux où les champs et les vignes s'étalent au soleil, les mille villages de pierre blanche, les aiguilles élancées des clochers, les châteaux de toute époque et de tous styles venant baigner jusque dans la Loire les arbres séculaires de leurs parcs. Animez ce paysage de bateaux et de péniches qui ouvrent aux vents leurs grandes voiles blanches, de troupeaux de bœufs fourmillant dans la vallée, de toute une population ave- nante et gaie qui semble toujours endimanchée dans ses costumes de villageois aisés, et dites-moi si je ne suis pas excusable de me complaire en ces souvenirs du beau pays que l'on a si justement nommé le jardin de la France. Reprenons le fil de mon histoire que, à dire vrai, j'ai commencée à peine. Mes parents vivaient dans l'aisance du produit de leurs vignes ; car, en cet heureux pays d'Anjou, le bon vin engendre les bons vivants et les bons vivants assurent au bon vin une nombreuse et riche clientèle. J'aurais pu couler mes jours, comme ils lefirent, sans soucis comme sans aventures, mais le vieux sang gaulois fermentait dans mes veines; peut-être aussi les grands souvenirs des patrons qu'on m'avait donnés in- fluèrent-ils sur mon caractère. Toujours est-il que je fus de bonne heure un enfant assez ennemi du traintrain de la vie tranquille. Après les désastres qui marquèrent la fin de l'Empire, la France se reposait, et mes parents jouissaient avec délices du bonheur de vivre sans rien D U S I È G E D ' A N V E R S 5 appréhender de funeste pour le lendemain, ni passage de troupes, ni impôts extraordinaires, ni levée de vété- rans, d'exemptés ou de classes nouvelles, ni terreurs de l'invasion ! Moi, mon naturel aventureux et batailleur me faisait imaginer mille moyens de tromper l'ennui V U E D E S PONTS-DE-CE d'une paix aussi profonde. Avec quelques garnements de mon âge qui, avec l'équité naturelle de l'enfance, m'avaient reconnu pour chef et pour guide comme le plus industrieux et le plus indiscipliné de la bande, je révolutionnais les Ponts-de-Cé. Tantôt c'étaient des ba- tailles en règle contre les enfants des bourgs voisins, tantôt des équipées à la Robinson et des colonies fon- déesdansles îles delaLoire, tantôt des parties de chasse défendue, soit avec le fusil de mon père que je prenais en cachette, soit avec les lacets et les gluaux. 6 H I S T O I R E D U V I E U X G R O G N A R D De tout temps nos poètes ont chanté les Pont-de- Céiaises, leur coiffure si coquette, si originale. LES COIFFES ANGEVINES A André THEURIET. O fillettes d'Anjou, que j'aime vos bonnets, Papillons de dentelle, aux larges ailes blanches, Qui, volant à l'appel des cloches, les dimanches, Ont l'air par les chemins de butiner aux branches L'or bruni des ajoncs et l'or clair des genêts ! Si noirs sont vos cheveux sous la neige des ailes, Si veloutés vos cils, et vos regards si doux! Votre bouche y rougit ainsi qu'un fruit de houx. Votre joue y paraît fraîche à rendre jaloux Les boutons d'églantier fleurissant nos venelles. Comme d'un vin exquis se délecte un buveur, L'artiste, en vous voyant, de vos grâces s'enivre; Le vieux viveur blasé, dont le cœur est de givre, Quand vous apparaissez, de nouveau se sent vivre; Et l'éphèbe, troublé, vous suit des yeux, rêveur. C'est qu'en leurs plis gaufrés vos mignonnes coiffures, Alvéoles d'amour, tiennent toujours cachés De malins petits dieux, adorables archers Dont les traits sur nos cœurs savamment décochés, Invisibles, nous font de divines blessures. Oh ! méprisez la mode et gardez vos bonnets, Papillons de dentelles, aux larges ailes blanches, Qui, volant à l'appel des cloches, les dimanches, Ont l'air, par les chemins, de butiner aux branches L'or bruni des ajoncs et l'or clair des genêts ! PAUL PIONIS. N. B. — Cet exquis petit poème est extrait de l'Ange- vin de Paris, publication hebdomadaire paraissante Paris et en Anjou. D U S I È G E D ' A N V E R S C O S T U M E ET C O I F F U R E D E S PON'TS-DE-CEIAISES. 8 H I S T O I R E D U V I E U X G R O G uploads/Litterature/ collectif1806-1897-histoire-du-vieux-grognard-fr 1 .pdf

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