4 SILENCE La mystique du silence par le Dr Jacques Vigne, Éditions Albin Michel

4 SILENCE La mystique du silence par le Dr Jacques Vigne, Éditions Albin Michel. Nous connaissons la qualité des travaux de Jacques Vigne. Rappelons--nous Le Mariage intérieur en Orient et en Occident. Cette fois, c’est de la Voie du Silence en Orient et Occident qu’il nous entretient. L’ouvrage comporte trois parties. Dans la première il identifie la structure de la vie érémitique à travers les traditions et les portraits de quelques grands ermites, Nani Mâ, Prémananda, Jnanananda, Vandana Mataji, Nirgunananda. Comment « Être seul avec le Seul » ? « Si l’on monte en solitude, nous dit l’auteur, comme on disait au Moyen-Âge, c’est qu’on recherche une intensification de la vie spirituelle. Le rayon de la lumière intérieure, de dispersé et déphasé qu’il était, devient cohérent comme un rayon laser et il acquiert à ce moment-là l’énergie nécessaire pour être utilisé dans la « microchirurgie » des zones reculées du psychisme. Une imprégnation par le spirituel a lieu dans la journée, qui continue pendant la nuit, selon la parole du Psaume : « Je m’éveillais, et j’étais encore avec Toi » (Ps 139, 18). Bien que l’essentiel soit la qualité, la quantité de temps consacré à la pratique a son importance, et pour cela une solitude où l’on est libéré des travaux extérieurs est une grande aide. […] L’éveil de la lumière intérieure est le grand compagnon du solitaire. […] L’ermite n’est pas porté à l’introversion mais à l’introspection. Par là, il faut comprendre que son sens de la vie intérieure n’est pas le résultat d’un trait de personnalité auquel il ne peut rien, l’introversion, mais au contraire le fruit d’un choix conscient et libre de regarder vers le dedans, l’introspection. […] Ceux qui suivent une voie de Bhakti (dévotion) ou de Jnana (connaissance) peuvent faire leurs pratiques dans le monde ; mais ceux qui souhaitent l’éveil de la kundalini sont bien mieux en solitude. » La deuxième partie de l’ouvrage est consacrée à une interrogation sur la déclaration de YHWH à Moïse sur le Mont Sinaï « Je suis celui qui Suis » à travers le lien entre la Bible et le Vedanta. Nous relevons cet extrait très significatif : « La langue française entretient une ambivalence intéressante entre « la personne » et « personne » dans une phrase négative qui signifie absence. Serait-ce à dire que cette personne à laquelle nous donnons tellement d’importance, sur laquelle nous nous reposons sans cesse, pourrait dans un contexte différent briller par son absence ? » La troisième partie, la plus importante de l’essai, aborde l’écoute du silence dans les traditions mystiques orientales et occidentales et constitue un véritable Traité du Silence qui, s’il ne remplacera jamais la pratique, pourra aider le pratiquant à mettre des mots, si nécessaires, sur son appropriation des états de silence, et inciter ne non-pratiquant à tenter l’expérience. Il pointe l’importance d’Elie : 5 « Elie, le prophète du silence, a donné lieu à toute une tradition, beaucoup plus importante que ne pouvait le laisser supposer la faible dimension des textes qui constituent son cycle (six chapitres en tout répartis dans les deux livres des Rois). On pourrait dire que le pouvoir de ce cycle provient de son centre, qui est le Silence. […] Par rapport à Moïse qui nous a laissé tout un Décalogue avec de multiples commentaires juridiques associés, Elie nous a simplement légué en héritage la « voix d’un silence subtil ». Nous avons mentionné qu’Elie est présenté comme le fondateur des traditions qui se sont ensuite concrétisées sous la forme de Cabbale. C’est lui qui intervient directement dans le Zohar à l’occasion du commentaire du Cantique des cantiques. Il est là comme pour donner son aval, sa garantie solennelle à des doctrines qui peuvent paraître nouvelles. Dans ce sens, ne peut-on pas dire que le silence est le meilleur maître intérieur ? En effet, il se révèle par sa résonance en nous toujours pareille à elle-même, de même qu’Elie est réputé être toujours resté dans son corps et intervenir au moment juste pour aider ceux qui en ont besoin. De plus, sa présence à l’origine de la Cabbale crée un équilibre, un heureux contrepoint pourrait-on dire aux complexités de celles-ci : Elie est là comme un père pour nous rappeler que ce n’est pas par la complexité des interprétations ou des théories ésotériques que l’expérience du divin viendra, mais par la simplicité aveuglante, il vaudrait mieux dire assourdissante, de l’écoute du silence en soi. […] Dans l’islam, il prend la forme du Khidr, littéralement le « verdoyant », on le présente comme le maître de Moïse et le guide de nombreux soufis. Sa couleur même l’associe à l’islam, puisque l’étendard de celui-ci est vert. Le mot islam, on le sait, signifie « abandon à Dieu », « paix » ; par ailleurs Khidr-Elie est le maître du silence. Au fond, le silence n’est-il pas au cœur de la paix ? Si l’on cherchait des correspondances archétypales pour Elie en Inde, la première qui viendrait à l’esprit serait Dakshinamourti. C’est un éternel adolescent associé à Shiva et qui enseigne par le silence. » Cet essai d’une grande richesse est tout à fait remarquable par le tissage qu’il permet entre les traditions et les expériences. Albin Michel 22 rue Huyghens, 75014 Paris. RENE GUENON Nous vous conseillons la lecture consécutive ou parallèle de deux livres autour de René Guénon, tous les deux publiés chez Archè, dont, une fois encore, il convient de saluer la politique éditoriale. Beaucoup d’informations contenues dans ces deux ouvrages se croisent et la confrontation des deux est intéressante sinon nécessaire, non seulement pour mieux comprendre Guénon et son œuvre mais pour connaître une époque qui fut aussi riche que mouvementée. Les secrets de la Tara blanche, lettres d’un Lama occidental à Jean Reyor par Alexandre de Dánann, Éditions Archè. 6 Ce livre, intéressant à bien des égards, ne traite pas directement des alchimies internes mais comporte, pour qui sait lire, nombre d’indices pertinents concernant l’un des courants d’alchimie interne inscrit dans la tradition du Kalachakra. Alexandre de Dánann, déjà auteur de Mémoire du sang, apporte une nouvelle fois une matière de premier choix avec ces extraits de la correspondance entretenue entre Jean Reyor (1905-1988), proche de René Guénon et Jean Calmels, dit le « lama », initié d’Orient et d’Occident. Une fois encore, précisons, comme ce fut le cas pour Mémoire du sang que nous sommes parfois en désaccord avec les conclusions d’Alexandre de Dánann, mais que nous saluons le travail réalisé et que nous respectons sa position. D’ailleurs, si la matière même des lettres est riche, l’introduction d’Alexandre de Dánann et son appareil de notes nous semblent tout aussi important pour l’étude. Parmi les nombreux sujets abordés dans ce livre, relevons le portrait de Wlodzimierz N. Badmajeff, membre de la lignée des mongols, bouriates Badma, descendants de Gengis Khan, initiés au Kalatchakra et praticiens de médecine traditionnelle. C’est ce personnage qui introduit Jean Calmels aux Voies Réelles inscrites en Orient. Jean Calmels fut membre de l’Ordre Martiniste dans sa jeunesse, avant sa rencontre avec l’Orient. Dans sa période occultiste, il s’oppose à la Société Théosophique et à l’intérêt pour l’Orient qu’elle suscite. Il dénonce la « faillite » du martinisme face à la menace théosophique. Ce faisant, il énonce une vision juste de ce que devrait être un ordre martiniste. Nous constaterons ensemble que très peu de branches de l’arbre martiniste tendent vers ce schéma : « La première cause d’inefficacité tient à l’organisation même du mouvement occultiste, tel qu’il se présente actuellement. Cette organisation se réduit en effet à un seul élément, une société secrète peu connue, et destinée par sa nature même à rester inconnue du grand public. Pour obtenir des résultats sérieux, la première condition à remplir sera d’avoir une triple organisation, en esprit, âme, corps : 1er degré (Spirituel) : Illuminisme (au sens exact du mot) 2ème degré (Moral) : Martinisme 3ème degré (Corporel) : Société Patente d'Études (…) En résumé, un martinisme très fermé, avec comme doctrine la haute tradition chrétienne de Boehme, Khunrath, Saint-Martin, Fabre d’Olivet, E. Lévi, S. de Guaita, Saint Yves, Papus, Sédir et Marc Haven.» Jean Calmels est tout aussi lucide sur les rapports entre Initiation et politique : « Enfin, il est également essentiel de préciser que l’Initiation, entendue au sens où j’ai employé ce mot, ne saurait en aucune façon être 7 mêlée aux activités politiques ou autres du monde extérieur. (…) Cet asservissement à des buts politiques et sociaux qui se retrouve, sinon chez les Rose-Croix, du moins chez les rosicruciens, tout comme les divers rites maçonniques et chez les Sages d’Israël, constitue la marque même et la griffe du diable. » L’un des thèmes récurrents dans la correspondance de Jean Calmels et qui, curieusement, perdure de sa période occultiste à son travail en Voie Réelle, est celui de la Contre-initiation qu’il définit de façon précise dans sa relation avec les lignées. Même si nous écartons le concept de Contre-initiation, la vision de Jean Calmels n’en est uploads/Litterature/ le-silence-r-guenon-03-3.pdf

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