Explication de texte « Le Chêne et le Roseau » Né en 1621 à Château-Thierry, Je

Explication de texte « Le Chêne et le Roseau » Né en 1621 à Château-Thierry, Jean de La Fontaine y achète la charge de maître des eaux et forêts en 1652, qu'il occupera pendant près d'une vingtaine d'années. Cette charge lui permettra de personnifier animaux et végétaux avec une facilité déconcertante dans ses Fables. Il est admis à la « cour » du surintendant Nicolas Fouquet en 1659, qui le pensionne en échange de sa poésie. En 1661, après la mort de Mazarin, Louis XIV fait arrêter et emprisonner Fouquet, qui sera condamné à la détention perpétuelle et remplacé par Colbert. Jusqu'à la fin de sa vie, La Fontaine a fréquenté les cercles mondains d'opposants au pouvoir royal absolu. Paru en 1668, le premier recueil des Fables fait partie du genre de la « littérature à clefs » : elles peuvent se lire comme une défense du surintendant abattu, une critique acerbe contre Colbert et une remise en cause de l'absolutisme royal, qu'on devine derrière le travesti fabuleux. En marge de la vie politique, La Fontaine marque ainsi de discrets et ambigus signes d'une stratégie de l'opposant. « Le Chêne et le Roseau » est la dernière fable du Livre I, qui s'inspire directement de la fable d'Esope Le Roseau et l'Olivier. Il s’agit d’une forme d’apologue, qui répond à la volonté classique d’associer « plaire et instruire » et qui n’utilise, non plus d’animaux, mais, pour la seule fois dans ce livre I, des végétaux. Le dialogue entre le Chêne et le Roseau occupe la place principale dans la fable. Les discours rapportés permettent la personnification, et même l'anthropomorphisme, des végétaux : chacun d’eux, par son langage, exprime son caractère. L'hétérométrie, avec l’alternance des octosyllabes et des alexandrins, et les alternances des rimes croisées, embrassées et suivies suggère une certaine vivacité dans le récit. Ce texte peut se diviser en trois mouvements : le discours du Chêne, la réponse du Roseau et l'arbitrage du vent. La morale de cette fable n'étant pas explicite, il conviendra d'abord d'étudier les moyens stylistiques mis en œuvre par La Fontaine pour caractériser les deux végétaux, avant de décrire ceux caractérisant l'intervention du vent, afin de dégager cette morale et d'établir un éventuel parallélisme avec la biographie de l'auteur. I. Le discours du Chêne (v.1 à 17) Le discours du Chêne se caractérise par son arrogance, son orgueil et sa condescendance. Il oppose la faiblesse du Roseau à sa propre puissance, en s'adressant à lui sur 16 vers, dont 8 alexandrins, et en utilisant le registre épidictique, c'est-à-dire en faisant son propre éloge. Le Roseau est comme amoindri par le lexique employé avec « un Roitelet » (v.3), c'est-à-dire un très petit oiseau, formé avec le suffixe diminutif « -et », ainsi que le superlatif absolu « le moindre vent » (v.4), employés en hyperboles, renforcés par le choix de l’octosyllabe. Son attitude figure le signe traditionnel de soumission : « Vous oblige à baisser la tête » (v.6). En revanche, le chêne souligne sa force, dans d’amples alexandrins, par la comparaison de son « front » à la chaîne de montagne du « Caucase » (v.7), et par sa double supériorité affirmée face aux éléments naturels : défensive d’abord dans « arrêter les rayons du soleil » (v.8), puis offensive dans « brave l’effort de la tempête » (v.9). Au v.10, il utilise une antithèse et un parallélisme pour souligner sa supériorité face aux éléments : l'Aquilon est le vent violent du Nord, tandis que le Zéphyr est le doux vent d'ouest. Cette opposition entre les deux végétaux est renforcée par l'alternance des pronoms personnels « je »/ « me » (v.10, 12, 14) et « vous » (v.2, 3, 6, 10, 13, 14 et 15). Enfin, il se montre fier de son rôle de protecteur grâce à son « feuillage » (v.11 et 12). On note également sa fausse pitié chargée de mépris. C’est sur ce thème et ce ton qu’il ouvre, au v.2, et ferme, au v.17, son discours. Mais cette pitié lui permet, en fait, d’étaler sa propre supériorité, notamment dans sa fausse proposition de protection. Si l’hypothèse « si vous naissiez » (v.11) conduit à la cette proposition « je vous défendrais de l’orage » (v.14), la restriction « mais vous naissez » (v.15) annule cette possibilité. Or, le chêne savait très bien que son offre était irréalisable, cette fausse compassion étant exprimée par l'emploi du conditionnel aux v.13 et 14. Il ne fait donc cette proposition que pour montrer, avec beaucoup de mépris, sa propre suprématie. II. La réponse du Roseau (v.18 à 24 - 1er hémistiche) A l'opposé du Chêne, le discours du Roseau se caractérise par son humilité, sa prudence et sa sagesse. Il répond de manière beaucoup plus courte, en 6 vers et un hémistiche, dont 3 alexandrins et demie et un décasyllabe. Les alexandrins des v.18, 19 et 21 ont tous une césure à l'hémistiche marquée par la ponctuation, soulignant la mobilité du Roseau, comparée à la fixité du Chêne. Malgré sa faiblesse par rapport à la majesté du Chêne, qui vient d’être affirmée et qui est répétée par le terme « arbuste » (v.18) - alors qu'il est en fait une graminée -, le Roseau se révèle en effet habile. Dans un premier temps, il fait semblant de croire à la générosité du chêne : la diérèse sur le mot « compassion » (v.18), qui amplifie ironiquement ce terme, montre en effet qu’il n’est pas dupe de l'hypocrisie du Chêne. Il feint même de le rassurer avec « mais quittez ce souci » (v.19), qui montre encore son ironie placide. La suite de son discours affirme sa propre force, dont il vient, dans son début de réponse, de donner la preuve par l'exemple : ne pas contredire, ni entrer dans un conflit, mais faire preuve de souplesse et de flexibilité. Il inverse donc l’image donnée par le Chêne, mais calmement, sans colère, quand il affirme que « les vents me sont moins qu’à vous redoutables » (v.20, seul décasyllabe soulignant le vers essentiel de la fable) et que « Je plie, et ne romps pas » (v.21). Cependant, sa conclusion sonne comme une menace, marquée par l’opposition temporelle : « vous avez jusqu’ici » (v.21) et « attendons la fin » (v.24). A cette assurance du ton qui laisse deviner le dénouement, l'emploi de la première personne du pluriel met aussi en exergue le fait qu'il se considère comme un égal du Chêne. Cette fable présente donc un conflit, fréquent chez La Fontaine, entre dominant et dominé, à la fois physique, c'est-à-dire la force face à la faiblesse, et psychologique, c'est-à-dire l’assurance orgueilleuse face à la prudence modeste. A la majesté du chêne qui se retrouve dans ses alexandrins solennels, son vocabulaire recherché, ses comparaisons et parallélismes, répond la simplicité, le réalisme du Roseau, avec la sobriété des formules, la concision et les sous-entendus. III. L'arbitrage du vent (v.24 - 2e hémistiche à 32) Le troisième personnage de la fable, le vent, déjà annoncé aux v.4, 9 (« tempête »), 10 (« Aquilon » et « Zéphyr »), 14 (« orage »), 16 et 20, est l'arbitre du conflit, qui lui apporte son dénouement. Le passage du passé simple au présent de narration (v.25) vise à rendre le récit plus vivant, plus actuel. L'indication temporelle « comme il disait ces mots » (v.24), le complément circonstanciel de manière « avec furie » (v.25) et l'enjambement des v.25 à 27 montrent que la tempête arrive rapidement et brutalement, tandis que la personnification et l'hyperbole des v.26 et 27 souligne sa violence. Le fabuliste appelle ensuite le Chêne « Arbre » (v.28) pour souligner sa nature, la périphrase des v.31 et 32 rappelant qu’il se prenait pour quelqu’un de supérieur. L'emploi de l'antithèse entre les v.31 et 32 met en exergue le fait que si le chêne se vantait d’avoir un « front » haut perché (v.7), il en a oublié que ses « pieds » (v.32), c'est-à-dire ses racines, le rendaient vulnérable. L'utilisation de l'imparfait de l'indicatif, qui n'intervient qu'au dénouement (v.31 et 32) témoigne de cette grandeur disparue. La morale implicite de cette fable pourrait être : « Mieux vaut plier que rompre ». Les faibles doivent être prudents en gardant leurs distances avec les puissants et en s'adaptant aux circonstances. En ayant un savoir précis du monde qui les entoure et d'eux-mêmes, sans vanité nourrie d'amour-propre, ils ont plus de chances d'éviter les coups, même si les puissants eux aussi connaîtront la mort. Comme toutes les fables de La Fontaine, celle-ci est polysémique et peut se lire à plusieurs niveaux. Le défaut humain dénoncé par l’orgueil et la vantardise du Chêne est, comme dans la fable XI du livre I « L’Homme et son image », l’amour-propre excessif. La Fontaine le montre comme une illusion, puisque le chêne se retrouve déraciné. En revanche, les qualités représentées par le Roseau sont sa flexibilité, afin d'éviter d’entrer dans un combat que l’on risque de uploads/Litterature/ commentaires-fable-le-chene-et-le-roseau.pdf

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