Annales littéraires de l'Université de Besançon Pénélope. Légende et mythe Mari
Annales littéraires de l'Université de Besançon Pénélope. Légende et mythe Marie-Madeleine Mactoux Citer ce document / Cite this document : Mactoux Marie-Madeleine. Pénélope. Légende et mythe. Besançon : Université de Franche-Comté, 1975. pp. 1-285. (Annales littéraires de l'Université de Besançon, 175); doi : 10.3406/ista.1975.1784 http://www.persee.fr/doc/ista_0000-0000_1975_mon_175_1 Document généré le 04/10/2016 CENTRE DE RECHERCHES D'HISTOIRE ANCIENNE Volume 16 Ρ Ε Ν Ε L OPE LÉGENDE et MYTHE par Marie-Madeleine MACTOUX Maître-assistant à l'Université de Besançon ANNALES LITTÉRAIRES DE L'UNIVERSITÉ DE BESANCON, 175 LES BELLES LETTRES 95, BOULEVARD RASPAIL - PARIS Vie 1975 Je tiens à exprimer toute ma gratitude à M. le Doyen Lévêque sans qui ce travail n'aurait pu voir le jour. Il doit beaucoup à sa profonde connaissance de la religion grecque, à ses remarques toujours enrichissantes, et à son activité stimulante. Je remercie également M. le Doyen Lerat qui m'a utilement conseillée, avec beaucoup de bienveillance, dans un domaine où j'étais novice. Je suis particulièrement reconnaissante à M.E. Bernand et à Me Ile F. Dunand, Professeurs à la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Besançon, dont les judicieuses observations ont permis l'amélioration de mon manuscrit. Le Signe - Cergy Village - Val d'Oise - Dépôt légal : 4è trimestre 1975. INTRODUCTION Depuis longtemps notre curiosité avait été éveillée par deux passages de Pausanias (1) qui, à propos de Sparte, raconte le mariage de Pénélope et d'Ulysse en des termes inconnus de YOdyssée, et selon un schéma qui évoque un modèle mythique largement répandu dans la mythologie grecque. Ces textes paraissant isolés, nous avons éprouvé le besoin de les confronter avec le développement littéraire et artistique de la légende dans l'antiquité gréco- romaine. Très vite un double paradoxe est apparu. D'une part, la légende n'a fait l'objet d'aucune étude systématique (2). D'autre part, quand on l'envisage, c'est dans des ouvrages sur YOdyssée ou l'Ulysse homérique (3) comme si Homère avait épuisé la substance d'une légende qui paraît très simple si on la schématise. Non seulement une relecture d'Homère s'imposait, mais encore une étude aussi précise que possible de la Pénélope post-homérique dans les textes littéraires et les documents figurés. Ces derniers sont peu nombreux comparés à ceux que les aventures d'Ulysse ont fait naître. Mais si l'histoire de Pénélope n'a pas été à toutes les époques un thème de prédilection, les artistes grecs et romains s'en sont suffisamment inspirés pour que leurs œuvres soient significatives. Dans cette perpective la rareté des représentations à certaines époques prend valeur de signe. Ce travail paraissait d'autant plus nécessaire que l'intérêt pour Pénélope dans l'art n'a pas été plus grand que celui pour Pénélope dans la littérature post -homérique. Les recueils systématiques des illustrations de YOdyssée étaient fort anciens, et les publications d' œuvres choisies attribuent toujours à Ulysse la meilleure place (4). Rien, ou presque rien, n'a permis d'éclairer directement le texte de Pausanias. Cependant grande a été notre surprise de nous apercevoir que, probablement sous l'influence d'une littérature postérieure, on avait fini par donner à l'héroïne, chez Homère, un visage qui n'était pas le sien. Sans les élégia- ques latins le personnage de YOdyssée ne serait pas devenu cette femme fidèle à la conduite proverbiale. Restaient ces écrits tardifs (5) dont les auteurs se sont montrés accueillants à l'égard de croyances et de rites dont l'ancienneté ne peut être mise en doute. Le fait qu'ils n'ont pas eu d'écho dans la littérature et l'art nous a paru être la preuve qu'ils devaient être considérés comme des vestiges d'une époque où Pénélope n'était pas encore la reine d'Ithaque. L'ambiguïté de la légende chez Homère rendait plausible cette hypothèse que nous examinerons dans une deuxième partie. Notes de l'introduction (1) Description de la Grèce, III -1, 2, 4 et 20, 10-11 : «Quand vous quittez l'agora par la route appelée aphetaïda, vous allez vers le Booneta. Mais je dois expliquer pourquoi cette route porte ce nom. Icare, dit-on, proposa une course à pied aux prétendants de Pénélope ; qu'Ulysse gagna est évident mais on raconte que les concurrents coururent le long de la route appelée aphetaïda. A mon avis, Icare, en organisant cette course, a imité Danaos ... De l'autre côté du bureau de ceux qui achètent les bœufs est le sanctuaire d'Athéna. Ulysse, dit-on, a dressé la statue et l'a nommée Keleutheia quand il eut battu les prétendants de Pénélope à la course. D'Athéna Keleutheia il a érigé des sanctuaires au nombre de trois, à quelque distance l'un de l'autre». «La Statue d'Aidôs se voit à environ trente stades de la ville, dédiée, dit-on, par Icare pour les raisons suivantes. Lorsqu'Icare donna Pénélope en mariage a Ulysse, il essaya de le décider à s'établir a Lacédémone, mais n'ayant pas réussi il eut recours à sa fille elle-même la suppliant de rester avec lui. Quand elle partit pour Ithaque il poursuivit son char en continuant de la solliciter. Ulysse, qui avait patienté jusque là, finit par lui dire de l'accompagner de bon cœur ou, si elle préférait son père, de retourner avec lui à Lacédémone. On dit qu'elle ne répondit rien mais qu'elle se couvrit le visage. Icare, comprenant qu'elle voulait suivre Ulysse, la laissa partir et érigea une statue à Aidas à l'endroit de la route où Pénélope s'était voilée». (2) Nous n'avons trouvé mention que d'un seul ouvrage, travail universitaire que nous n'avons pu consulter : M. Th. Suttor, La légende de Pénélope, thèse de licence de l'Université de Liège, 1942-1943. (3) Ainsi W. Stanford, The Ulysses thème, Oxford, 1963, chap. IV, Personal relation- ships, passim. (4) Le dernier en date et le plus complet était celui de F. Muller, Die antiken Odyssée - Illustrationen in ihrer kunsthistorischen Entwicklung, Berlin, 1913, jusqu'à la parution récente d'une thèse d'O. Touchefeu-Meynier, Thèmes odysséens dans l'art antique, Paris, 1968. Cet ouvrage a permis une ultime confrontation avec le résultat de nos recherches mais, classant les œuvres par thèmes centrés sur Ulysse, il s'attache peu à la légende de Pénélope dans son développement historique. (5) Les plus importants sont les textes déjà cités de Pausanias dans sa Description de la Grèce, mine inépuisable de documents pour les historiens des religions, et ceux du pseudo-Apollodore dans sa Bibliothèque, (III, 10, 6, 9) qui se présente comme un riche recueil de mythes. LA LEGENDE CHAPITRE PREMIER L'AMBIGUÏTÉ DE LA LÉGENDE HOMÉRIQUE PREMIERE PARTIE UNE FIDÉLITÉ ÉQUIVOQUE La fidélité est présentée par la plupart des commentateurs modernes d'Homère comme le trait distinctif de la personnalité de Pénélope (1). Ainsi F. Robert, brossant à grands traits le caractère des deux époux, parle, à propos de la reine, d'une fidélité qui s'apparente aussi à la ténacité et à l'endurance et y voit une qualité imposée à Homère par une longue tradition (2). Quant à R. Carpenter, s'il peut déceler damV Odyssée le souci du poète de créer des couples antithétiques d'hommes et de femmes fidèles et infidèles, c'est d'abord parce que cette vertu lui a paru essentielle. Comme Eumée, le porcher fidèle, s'oppose à Mélanthios, le berger infidèle, Pénélope, l'épouse fidèle est une version antithétique de Clytemnestre, l'épouse infidèle, et le personnage de Pénélope est, à ses yeux, simplement le produit de la fiction poétique (3). Ils sont les héritiers d'une longue tradition universitaire qui traite la Pénélope homérique comme «un modèle de fidélité conjugale» (4), «le type accompli de l'amour dans la mariage» (5), tradition qui trouve son aboutissement dans la pensée des moralistes (6). Si l'on prend Γ Odyssée sous la forme où nous la connaissons, il est incontestable que cette qualité semble fondamentale. Lors de sa première apparition (7) Pénélope est l'épouse inconsolable qui ne peut oublier le héros disparu et ne supporte même pas que l'aède Phémios évoque les douloureux souvenirs de l'aventure troyenne. Et à la fin du livre XXIV Agamemnon tire une leçon qui semble évidente :«Quelle honnêteté parfaite dans l'esprit de la fille d'Icare, en cette Pénélope qui n'oublia jamais l'époux de sa jeunesse ! son renom de vertu ne périra jamais et les dieux immortels dicteront à la terre de beaux chants pour vanter la sage Pénélope» (8). Cette fidélité est d'autant plus sublime qu'on se rappelle alors les infidélités d'Ulysse qui s'est laissé facilement séduire par Circé ou Calypso au point de connaître la tentation d'abandonner l'idée de revoir les siens. Elle apparaît ainsi comme un des ressorts dramatiques du poème. Sans la souffrance de l'épouse d'Ulysse qui a attendu pendant vingt ans le retour d'un mari, seul parmi tous les Achéens à ne pas avoir rejoint son foyer, ni la quête désespérée de leur fils Télémaque, ni le récit d'Ulysse chez Alkinoos, ni la lente reconnaissance des époux ne suffiraient à émouvoir. Seule dans un monde hostile, celui des prétendants qui l'assaillent, Pénélope n'a aucun soutien. Son père et ses frères habitent au loin (9) ; la mère d'Ulysse est morte de chagrin (10) ; le père d'Ulysse vit aux champs sans jamais quitter sa retraite (1 1) ; Télémaque, jusqu'au moment où s'ouvre le poème, est encore bien jeune pour apporter à Pénélope une aide efficace. Quand il uploads/Litterature/ penelope-legende-et-mythe.pdf
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- Publié le Jul 22, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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