BAC GÉNÉRAL 2022 Épreuve de Français Commentaire Dissertation Sujet A Victor Hu

BAC GÉNÉRAL 2022 Épreuve de Français Commentaire Dissertation Sujet A Victor Hugo, Les Contemplations, Livres I à IV Les livres I à IV des Contemplations ne sont-ils qu’un chant intime ? Les Contemplations, « grand espace de temps dans une vie de mortel », comme le rappelle la citation latine placée en introduction par Victor Hugo, ont été écrites en vingt-cinq ans et sont parues en 1856. Le « je » y est omniprésent, assumé avec force, et proche de l’auteur : il s’agit de restituer deux pans de l’évolution d’une « âme », avant et après l’épreuve du deuil. L’ouvrage se trouve donc à la croisée des genres poétique et autobiographique. Mais peut-on ramener cette expérience narrative et poétique à la seule expression rythmée et sonore de la personnalité ? En effet, le poète revendique avec force, et dès l’introduction, l’universalité. Il tend à dilater son expérience individuelle. Il s’agit d’en faire le dit de tout humain, confronté à la vie. Dès lors, l’intimité paraît entourée, peut-être dépassée par d’autres enjeux : le « je », le chant intime, dans Les Contemplations, ne serait-il, au fond, qu’un prétexte ? I. Un chant intime : les mémoires poétiques de Victor Hugo 1. Aria Les C. mettent en évidence l’évolution d’un homme au fil de ses expériences. Les premières amours, par exemple, sont mentionnées avec parfois un soupçon d’auto-dérision (Vieille chanson du jeune temps, Aurore ». Par contraste, « A Villequier » met en évidence la maturité d’un homme qui a traversé de terribles épreuves, et une violente révolte métaphysique. Les C. ont donc quelque chose du « grand air » d’une vedette de l’opéra, qui se met à l’avant-scène pour faire valoir avec brio son expérience, sa virtuosité. 2. Aubade Passage obligé de la poésie lyrique romantique, l’exploration du monde intérieur prend ici toute sa force. « Il faut que le poète, épris d’ombre et d’azur », exprime ce qu’il ressent : le champ lexical de la sensibilité est très vaste dans les C. « Frissons, caresses, ivresses, rêves » ont la part belle dans les premiers poèmes, alors que les « luttes, haines, colères, effrois » prennent leur part dans la suite. Cette revue des émotions éprouvées, adressée au lecteur, prend la forme d’une confidence. 3. Chanson populaire Les C. sont l’œuvre d’une vie, mais d’une vie de poète rompu à toutes les finesses de la versification. Les textes sont toujours d’une grande musicalité, sur le modèle de la « flûte invisible » (musicalité revendiquée dans la « Vieille chanson du jeune temps »). Les rythmes et les sons sont utilisés avec la liberté des romantiques, comme le rappelle la « Réponse à un acte d’accusation ». Recréant le monde ou le reflétant par la parole, le chant intime est aussi l’écho attentif du chant du monde. Tr : Le solo se révèle donc aussi polyphonie, dans une poésie qui se voue à dire l’expérience humaine et la beauté parfois fragile du monde. II. Un hymne global et universel 1. Litanie spirituelle Le chant intime, léger ou profond, se dilate à la mesure de l’universel quand il s’agit de méditer sur la vie et son sens - ou son absurdité. Cet agrandissement de l’individuel se ressent, par exemple, dans la révolte contre Dieu dans « A Villequier » : « Seigneur, je reconnais que l’homme est en délire /S’il ose murmurer,/Je cesse d’accuser, je cesse de maudire,/Mais laissez-moi pleurer » permet de retrouver les grandes phases du deuil humain. Le « je » poétique devient donc ici philosophique et universel. 2. Symphonie Cette universalité ne s’applique pas seulement aux aspects les plus accablants de la vie, et que l’expression de la joie, du rire, de l’interrogation, de l’engagement politique, de la consolation, est aussi présente dans les C. L’évocation des bigarreaux, des araignées et des orties, d’un maître d’études, ou encore du ciel, de l’hiver, de la foire, de Charles Vacquerie, bien qu’elles soient mises en ordre de manière très étudiée, forment une mosaïque ou une symphonie : la poésie permet de célébrer la diversité et la richesse de l’expérience de la vie humaine, en faisant entendre harmonieusement ses voix si diverses. 3. Choral(e) Dans le même temps, le poète met en relief d’autres personnalités : nombreux sont ici les portraits d’enfants chantant ou travaillant, de femmes aimées ou désespérées, les instantanés de scènes de ménage (Intérieur, Les luttes et les rêves) ou, dans la même section, les portraits pris sur le vif de limonier ou d’avocat. Par le poème, chacun trouve son expression : le poète rend compte de pensées intimes prêtées à d’autres personnages. L’œuvre devient ainsi chorale, sans quitter le champ de la réflexion personnelle : elle ne proclame pas de slogans, mais, faisant œuvre d’empathie, donne la parole à ceux qui pourraient rester sans voix. Tr : Les C., en exprimant l’intime, s’attachent aussi à rendre compte de la mosaïque de sensations, d’idées, d’expériences parfois fugitives dont est formée l’intimité personnelle du poète, ou de celle des humains qu’il a écoutés et rencontrés. III. Une musique invitant à savourer la vie, cultiver l’espoir 1. Le récitatif de la préface Les C. bouleversent la définition habituelle du lyrisme, expression d’une sensibilité particulière, pour assigner une nouvelle ambition à la poésie. Cet agrandissement est assumé par Victor Hugo, qui depuis les Voix intérieures, avait clairement formulé son ambition : « Il vient un moment dans la vie où, l’horizon s’agrandissant sans cesse, un homme se sent trop petit pour continuer de parler en son nom. (…) C’est encore l’homme, mais ce n’est plus le moi ». À cet effacement, ou à cette fusion du soi dans l’universel, répond la proclamation des C. : « Quand je vous parle de moi, je vous parle de vous. Comment ne le sentez-vous pas ? Ah ! insensé, qui crois que je ne suis pas toi ! ». La prose annonce la nouvelle vocation universelle de la poésie, qui, en captant les instants où se forme la sensibilité individuelle, accède à la nature humaine. 2. Cantate Le livre poétique répond alors à la vocation de relier, autre étymologie du religieux : les nombreux noms qui apparaissent, par exemple, dans la table des matières, tissent une sorte de réseau inter temporel et dont la géographie, vaste, permet au lecteur de s’y glisser : d’Omphale à Meurice Froment, de Dante à Thérèse, Louise B., Claire P, André Chénier ou Alexandre D.,. les personnages mythologiques croisent les êtres réels ou historiques, illustres ou inconnus. Granville et Villequier percutent l’Enfer de Dante : tous et tout prend une dignité poétique, dans le prisme de la sensibilité du poète, qui transfigure le monde pour l’unifier, rendre sensible sa beauté, et la faire percevoir au lecteur. 3. Discours Il en ressort que, loin de n’être qu’un chant intime, les C. ressortissent à une musique universelle en même temps qu’individuelle. Pour réaliser ce paradoxe, il faut une forme d’alchimie, qui repose sur la force spéciale attribuée aux mots par Hugo : Le mot veut, ne veut pas, accourt, fée ou bacchante, S’offre, se donne ou fuit […] Il frappe, il blesse, il marque, il ressuscite, il tue (I, 8) et plus loin : « Car le mot, qu’on le sache, est un être vivant (…) Car le mot, c’est le Verbe, et le Verbe, c’est Dieu ». Version moderne d’une certaine musique des sphères, la poésie des Contemplations, en emboîtant l’individuel dans l’universel, et en enchâssant l’universel dans l’intime, renouvelle notre vision du monde et notre manière de lire la poésie. Chant intime d’une âme toujours en formation, et à qui rien d’humain n’est étranger, les C. se font encore chant choral exprimant la diversité des expériences humaines. Leur ambition est aussi de donner voix à toutes les consciences humaines attentives à leur expérience de la vie. Le poète, « rêveur » plus attentif au monde que les travailleurs, leur donne ainsi la possibilité de saisir, en lisant, la richesse de leur propre vie. Messager du monde, il est encore le messager des hommes. Dans cette double mission, Victor Hugo exalte et renouvelle la puissance des mots. Sujet B Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal Dans L’Art romantique (Théophile Gautier, 1869), Baudelaire écrit : « C’est un des privilèges prodigieux de l’Art que l’horrible, artistiquement exprimé, devienne beauté ». Ce propos rend-il compte de votre lecture des Fleurs du mal ? Depuis l’Antiquité, les alchimistes travaillent en secret pour trouver la formule qui leur permettra de transformer le plomb en or. Ces apprentis sorciers cherchent à transfigurer une matière vile en le plus noble des matériaux. À leur image, le poète se fait alchimiste comme le déclare Charles Baudelaire dans l’épilogue de la seconde édition des Fleurs du Mal : « O vous ! Soyez témoins que j’ai fait mon devoir/Comme un parfait chimiste et comme une âme sainte/Car j’ai de chaque chose extrait la quintessence,/Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or ». Théophile Gautier, « poète impeccable », « parfait magicien » à uploads/Litterature/ correction-bac-francais-g-16-06.pdf

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