INITIATION A LA DISSERTATION Réflexion sur Phèdre La tragédie en France s'est e
INITIATION A LA DISSERTATION Réflexion sur Phèdre La tragédie en France s'est essentiellement développée durant le Classicisme, où elle a connu son apogée. Le genre met en scène des personnages issus de l'aristocratie, ayant souvent une dimension historique ou mythologique. Ils entrent en conflit avec un élément qui les dépasse, lié à la fatalité, l'amour ou le pouvoir. Racine, un des principaux représentants de la tragédie, s'est ainsi plus particulièrement intéressé à la problématique de la passion amoureuse. On le constate notamment dans Phèdre, écrit en 1677, œuvre qui raconte l'impossible amour de Phèdre pour son beau-fils Hippolyte. L'impossibilité de cet amour rend la personnalité de l'héroïne très complexe. Racine lui même l'a souligné dans la préface lorsqu'il constate que « Phèdre n'est ni tout à fait coupable, ni tout à fait innocente ». Autrement dit en quoi Phèdre est-elle un personnage difficile à juger ? La question implique de s'intéresser dans un premier temps aux éléments accréditant l'innocence de Phèdre puis dans un second temps ceux qui accréditent sa culpabilité. ****************************** Au premier abord une conjonction d'éléments désignent Phèdre comme un personnage innocent. En effet à différentes reprises Phèdre rappelle le poids de son hérédité. Lors de son arrivée sur scène elle précise venir « d'une triste famille », celle-là même, qui composée de Minos et Pasiphaé a donné à Phèdre un demi-frère monstrueux, le minotaure. Dans le même ordre d'idée, on peut évoquer le poids de la fatalité. L'héroïne ne cesse de se désigner comme victime des dieux, en particulier de Vénus. Dans la scène 3 de l'acte 1 elle commence par rappeler le rôle de Vénus dans le malheur de sa mère et de sa sœur puis elle évoque l'acharnement de la déesse à son égard, dont elle se désigne comme « la proie ». Lors du dénouement face à Thésée, elle se place en position d'objet, victime des dieux comme le montre la formule « Le ciel mit dans mon sein une flamme funeste ». Le poids de la fatalité prend aussi une autre dimension quand Phèdre devient victime d'un concours de circonstances. Le retour de Thésée, que l'on croyait mort confère à l'aveu de son amour à Hippolyte un caractère dramatique qu'il n'avait pas au départ puisqu'il entraîne la mort du jeune homme. Un autre facteur extérieur à Phèdre la désigne comme une victime. L'accélération du mécanisme tragique se produit en grande partie en raison d'une initiative d'Oenone, qui, croyant protéger sa maitresse face à un Thésée suspicieux accuse Hippolyte d'avoir violée Phèdre. Cet acte contribue amplement à la dégradation des rapports entre le fils et le père. Dans une autre perspective, Racine transforme la passion amoureuse en force contre laquelle le personnage ne peut pas lutter, telle une maladie qui la dévore. C'est particulièrement sensible dans l'utilisation récurrente des métonymies qui désignent des parties du corps de Phèdre. Des expressions comme «mes yeux ne voyaient plus » renvoient à une absence de maîtrise par l'héroïne de son corps et de tout son être. Ces éléments extérieurs ou intérieurs à Phèdre ne sauraient toutefois conduire à porter un jugement trop hâtif sur le personnage. En effet plusieurs éléments remettent en question l'innocence de Phèdre. Il est ainsi frappant de remarquer que Phèdre elle-même a conscience de l'anormalité de son amour et de la dégradation morale qui en résulte. Les scènes d'aveu sont à ce propos très révélatrices. Quand en I3 Phèdre avoue à Oenone son amour pour Hippolyte elle la prévient avec une formule hyperbolique « Tu vas ouïr le comble des horreurs » puis s'arrange pour faire prononcer à Oenone le prénom d'Hippolyte. On relève une stratégie de retardement comparable dans l'aveu de son amour à Hippolyte quand elle commence par faire un double portrait du père et du fils avant de récrire l'épisode du minotaure. Lors du dénouement elle ne s’exonère pas seulement de sa responsabilité. Elle prend le temps d'avouer à Thésée qu'Hippolyte n'était pas coupable. D'autres actes de Phèdre montrent également sa lucidité. En effet dès qu'elle découvre l'ampleur de son amour pour son beau-fils, elle en appelle aux Dieux, l'éloigne, s'efforce de prendre de la distance. Mais cette culpabilité a une raison plus inavouable et ne tient pas uniquement à l'anormalité de son amour. La jalousie devient en effet au fil de l'intrigue la principale motivation de Phèdre. Celle-ci pense en premier lieu qu' Hippolyte ne partage pas son amour par pudeur, mais elle découvre ensuite que c'est parce qu'il aime Aricie. Cette découverte la plonge dans une fureur extrême comme on le voit dans la longue tirade de la scène 6 de l'acte4 dans laquelle elle évoque elle-même sa « jalouse rage ». Sa jalousie comporte des conséquences dramatiques : en renonçant à expliquer à Thésée qu'Hippolyte, contrairement aux accusations d'Oenone, n'a pas tenté de la violer, elle précipite l'exil du jeune homme et indirectement sa mort. Cet aspect plus inavouable s'accompagne d'une certaine mauvaise foi de la part de Phèdre. Si elle a conscience de sa culpabilité, elle ne cesse, comme on l'a vu précédemment d'évoquer des circonstances qui lui sont extérieures. Le regard qu'elle porte sur Oenone s'avère très éloquent : alors que, même maladroitement, celle-ci ne cesse de la protéger, Phèdre dans ses ultimes paroles se montre impitoyable à son égard en la qualifiant de « détestable ». On le voit également dans sa tendance à rejeter systématiquement la faute sur les dieux. Si on peut discuter la question de la culpabilité, on peut affirmer une part de responsabilité de l'héroïne ****************************** L'affirmation de Racine selon laquelle Phèdre n'est ni tout à fait coupable, ni tout à fait innocente » révèle bien la complexité du personnage et la difficulté qu'on peut rencontrer pour la juger. Au premier abord l'héroïne est dépassée par des forces contre lesquelles elle ne peut lutter : le poids de la fatalité et l'assimilation de la passion amoureuse à une maladie mortelle. Cependant ces éléments qui pourraient la déculpabiliser un peu appellent des nuances. Phèdre a effectivement conscience d'être dépassée mais elle ne cherche pas toujours à lutter et se réfugie dans une posture victimaire. De plus elle succombe volontairement à la jalousie et provoque ainsi la mort d'Hippolyte. Cependant cette impossibilité à avoir un jugement tranché sur le personnage n'explique-t-elle pas que l'oeuvre continue à intéresser des lecteurs des siècles après sa rédaction ? uploads/Litterature/ corrige-dissert-phedre.pdf
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- Publié le Jui 16, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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