CORRIGÉS Alcools de Guillaume Apollinaire Séquence Le Pont Mirabeau, un poème i

CORRIGÉS Alcools de Guillaume Apollinaire Séquence Le Pont Mirabeau, un poème incantatoire FICHE 1 I. Pour guider votre analyse 1) Un poème traditionnel a) Dès ce deuxième poème d’Alcools, la forme donne une impression de régularité propre aux poèmes dits classiques : 8 strophes composées de 4 quatrains et 4 distiques. Les assonances en [OU], [O] et [EU], l’alternance des strophes avec le refrain, la légèreté des rimes féminines mais aussi la circularité du poème qui commence par un vers et se termine par le même (antépiphore), tout ici confère à l'ensemble une harmonie certaine que l'on pourrait rapprocher de l’esthétique classique. b) Deux thèmes majeurs sont ici abordés : celui de la fuite du temps (dans le refrain) mais aussi de la fin de l’amour (parallélisme entre l’eau qui coule, les jours qui passent et l’amour qui s’éloigne). La Seine rappelle au poète que les choses jamais ne demeurent, sinon lui-même (« je demeure »). c) Le thème de la fuite du temps appartient à la tradition poétique et l'on pense aussitôt à Ronsard et aux poètes de la Pléiade, mais aussi, plus proche de nous, aux poètes romantiques (xixe siècle), tels Lamartine (Souvenir et Le Lac) ou encore Victor Hugo (Tristesse d'Olympio). 2) La tradition réinventée a) Les huit strophes, malgré une certaine régularité, déconstruisent effectivement la tradition poétique par l’absence de rimes strictes, et par un jeu de décompte syllabique irrégulier (quatrains avec décasyllabes, tétrasyllabes, hexasyllabes et heptasyllabes pour le refrain). b) La circularité du poème (avec la reprise au début et à la fin : « Sous le pont Mirabeau coule la Seine ») rapproche ce poème du calligramme cher à Apollinaire et donne l'impression d'un tourbillon de l'eau qui passe et engloutit tout, jusqu'à l'Espérance du vers 16. c) L'absence de ponctuation donne au poème une réelle modernité en jouant sur les sens avec les enjambements et seule l’orthographe permet en définitive de comprendre le sens (cf. vers 2 et 9). d) L’effet de paronomase entre les vers 15 et 16 avec la prononciation en diérèse de « vi/o/lente » met en parallèle vie et violence en insistant sur l’immobilisme affreux du poète, qui malgré tout ne supporte plus la lenteur de cette vie qui s’écoule en douleur. 3) Une chanson nouvelle a) La musicalité du poème en vers libres donne à entendre une véritable chanson, sous le signe de Verlaine avec les vers impairs des distiques « et pour cela préfère l’impair plus vague et plus soluble dans l’air ». b) Les allitérations en [L] donnent à entendre l'eau qui coule et fuit pour s’éparpiller dans l’air. D’autre part, les assonances confèrent à l’ensemble, tout comme les répétitions de mots, un côté répétitif dans la plainte proche de la forme incantatoire. Le poète devient un magicien du désespoir où l’Espérance semble figée à jamais. c) Le temps passe, la Seine coule et les amours fuient. Le poète, dans une opposition oxymorique, demeure néanmoins. La mort est omniprésente et dans cette opposition entre immobilité du poète et écoulement du temps, la tonalité élégiaque ressort tout particulièrement pour conférer à l’ensemble une « rythmique » de la plainte (vous pouvez faire écouter sur Daily Motion ou You Tube les interprétations réalisées par Léo Ferré, Marc Lavoine et Apollinaire lui-même du Pont Mirabeau). II. Pour faire le point Ce poème-chanson, incantation à sa façon sur le thème convenu de la fin d'un amour et du passage du temps, se présente finalement comme une œuvre véritablement originale où l'élégie et le lyrisme se manifestent à travers une forme surprenante. Malgré l'expression douloureuse des jours de bonheur soulignée par la permanence du moi et la lenteur de la vie, l'espérance est là qui cherche à se manifester. Le Pont Mirabeau, purifié de tout détail secondaire, de toute éloquence apparaît alors comme un chef-d'œuvre où la valeur humaine et la pureté rénovent la tradition lyrique des poètes de la Pléiade à Verlaine. III. De l'écrit à l'oral a) Sur l’héritage romantique d’Apollinaire, nous nous reporterons aux pages 174 et 175 de l’édition Folioplus classiques d’Alcools. b) Le « J’émerveille » d’Apollinaire sera étudié dans la même édition aux pages 178 et 179. c) La tristesse est abordée mais comme le disait également Apollinaire « J’ai des joies aussi que je chante »... Reportez-vous aux pages 178 et suivantes de l’édition Folioplus classiques pour étudier la dimension du souvenir et autobiographique dans Alcools. d) Le poète démiurge donnant naissance à la création d’un nouveau monde est abordé aux pages 182 et suivantes. n 1 CORRIGÉS I. Pour guider votre analyse 1) Une atmosphère particulière a) Dès les premiers mots, nous sommes plongés in medias res dans un cadre à la fois joli mais rendu menaçant par la présence des colchiques, fleurs vénéneuses, appelées aussi « tue-chien ». Les vaches, les fleurs, les enfants et leurs harmonicas, le « vent dément », le gardien du troupeau... tout donne à entendre une musique douce mais qui se teinte progressivement de danger et de mort : l’empoisonnement. Pour finir, le « pré joli » prend des allures dissonantes puisqu’il est qualifié de « mal fleuri » à la fin du poème. b) Par le décompte des strophes [7/5/3], nous pouvons être sensibles à un effet de rétrécissement et de repliement sur soi ; une boucle qui commençait par l’automne au v. 1 et se termine par l’automne au v. 15. Quant au cadrage, il y a bien effet de zoom au ralenti (rendu sensible par les adverbes) sur les colchiques à la strophe 1 en particulier et sur le pré tout entier tout au long du poème. Cela rappelle l’enfermement et la solitude du poète, mal-aimé et malheureux. c) La saison des colchiques est l’automne, saison associée à la fin, lente et monotone, qui conduit vers la mort finale et irréversible (« Pour toujours », v. 15). Dans le recueil, c’est surtout Automne malade et Signe où la faiblesse se rappelle doucement à la nature et au poète... « Les feuilles/ Qu’on foule » aboutissent à l’issue fatale. 2) Le mythe de la femme aimée a) Le titre du poème indique bien que ce sont à des fleurs « couleur de cerne et de lilas » que la femme aimée est comparée et en particulier aux yeux, miroir de l’âme (anaphore aux v. 5 et 7), mais aussi aux paupières (v. 11). b) Les colchiques sont des plantes des prés dont la particularité est d’être dangereuses dès qu’on les ingère. Cette fleur, venue de Colchide où Médée la magicienne et célèbre empoisonneuse de la mythologie habitait, a bien une connotation négative. c) Dans ce poème de fin d’amour où la démence s’associe à la mort, Éros représente un danger de mort (Thanatos) pour la vie du poète : « Et ma vie pour tes yeux / Lentement s’empoisonne » (v. 7) 3) Une relecture du mythe a) Le poème de Ronsard chantait la jeunesse, la beauté et la fraîcheur de la femme aimée. ici, Apollinaire opère une relecture et une réécriture du poème : « la femme aimée » est présentée comme dangereuse et fatale. b) Un sonnet compte 14 vers et se compose d’alexandrins. ici, les v. 2 et 3 (6 et 6 syllabes) ne formaient à l’origine qu’un seul vers. Cela aurait pu faire de ce poème un sonnet, mais par son originalité, il y a bien une revisitation de cette forme classique et une modification significative donnant lieu à ce qui ressemblerait à un chiasme sonore et sémantique dans lequel Apollinaire insiste sur l’empoisonnement lent et définitif des vaches. D’autre part, le décompte irrégulier des syllabes (v. 9 et 11), sortes d’altérations métriques, éloigne le poème de la régularité des alexandrins et donne à entendre la forme d’un vers libéré de toute contrainte. c) Si l’on se réfère au genre du « blason », le poète y célèbre une partie du corps de la femme aimée. ici, nous avons affaire à ce qui serait de l’ordre du « contre-blason », où il s’agit d’une célébration funeste et malheureuse. II. Pour faire le point Fondé sur la comparaison de la femme et de la fleur, Les Colchiques apparaît bien comme une relecture du thème : les yeux de la femme aimée, tels les colchiques vénéneux qui lentement empoisonnent les vaches « y paissant », empoisonnent aussi la vie du poète. Loin du blason, il s’agit ici d’une contre-célébration de la femme. La vie est mise en danger et c’est la mort qui attend le poète au détour de ce joli pré automnal. Bien loin de la « Mignonne » que Ronsard comparait à la rose du matin, nous abordons ici les rivages de la Colchide, où Médée la magicienne sévissait. III. À vous d’écrire : écriture d’invention Ce travail nécessite d’avoir bien compris ce qu’était le genre du blason (genre somme toute assez simple si l’on comprend qu’il s’agit d’une célébration de la Dame quant à un élément de son anatomie : ici, la chevelure). Les élèves auront lu d’autres exemples de uploads/Litterature/ corriges-alcools 3 .pdf

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