118 ALEA V. 5 N. 1 JAN/JUN 2003 p. 118-147 L’immanence esthétique Dans le texte

118 ALEA V. 5 N. 1 JAN/JUN 2003 p. 118-147 L’immanence esthétique Dans le texte superbe qu’il lui consacra, en 1861, Baudelaire créditait Victor Hugo de tout ce qu’on peut attendre, radicale- ment, d’une esthétique romantique: “exprimer par la poésie ce que j’appellerai le mystère de la vie”*. L’année suivante, Théophile Gautier rendait hommage à Hugo dessinateur dans des termes fort comparables: “La vie cachée sous les formes se révèle à lui dans son activité mystérieuse”*. Et Nietzsche, un peu plus tard: “C’est un être de la nature (un naturaliste, dit Flaubert): il a la sève des arbres dans les veines”*. La rythmique de Hugo – qu’il tienne sa plume dans un sens ou dans l’autre, qu’il décrive une tempête pour un roman ou qu’il submerge son papier d’encre brune pour un dessin – serait-elle donc l’écho fidèle d’une psyché “barométrique” ou “sismographique” ou esthésique ayant trop bien capté le pouls de la physis universelle? De cette faculté d’absorption de la vie extérieure, unique par son ampleur, et de cette autre faculté puissante de méditation est résulté, dans Victor Hugo, un caractère poétique très particulier, interrogatif, mystérieux et, comme la nature, immense et minu- tieux, calme et agité. […] De là ces turbulences, ces accumula- tions, ces écroulements de vers, ces masses d’images orageuses, emportées avec la vitesse d’un chaos qui fuit; de là ces répétitions fréquentes de mots, tous destinés à exprimer des ténèbres captivantes ou l’énigmatique physionomie du mystère. Ainsi Victor Hugo possède non seulement la grandeur , mais l’universalité. Que son répertoire est varié! et, quoique toujours un et compact, comme il est multiforme! […] En tout il met la pal- pitation de la vie. S’il peint la mer, aucune marine n’égalera les siennes. Les navires qui en rayent la surface ou qui en traversent les bouillonnements auront, plus que tous ceux de tout autre peintre, cette physionomie de lutteurs passionnés, ce caractère de volonté et d’animalité qui se dégage si mystérieusement […]. La force l’enchante et l’enivre; il va vers elle comme vers une parente: attraction fraternelle. Ainsi est-il emporté irrésistiblement vers tout symbole de l’infini, la mer , le ciel; […] il se meut dans l’immense. […] Germinations, éclosions, floraisons, éruptions successives, simultanées, lentes ou soudaines, progressives ou complètes…* 119 Georges Didi-Huberman · A IMANÊNCIA ESTÉTICA A imanência estética Georges Didi-Huberman No magnífico texto que lhe dedicou, em 1861, Baudelaire cre- ditava a Hugo tudo o que se pode esperar, radicalmente, de uma estética romântica: “exprimir por meio da poesia o que chamarei de o mistério da vida”*. No ano seguinte, Téophile Gautier homenageava Hugo desenhista em termos bastante comparáveis: “A vida oculta sob as formas a ele se revela em sua atividade misteriosa”*. E Nietzsche, um pouco mais tarde: “É um ser da natureza (um naturalista, disse Flaubert): tem a seiva das árvores nas veias”*. A rítmica de Hugo – que use sua pena num sentido ou noutro, seja descrevendo uma tempestade para um romance ou mergulhando seu papel em tinta marrom para um desenho – seria então o eco fiel de uma psyché “barométrica” ou “sismográfica” ou estésica que teria captado bem demais o pulso da physis universal? Dessa faculdade de absorção da vida exterior, única por sua am- plitude, e dessa outra poderosa faculdade de meditação, resultou, em Victor Hugo, um caráter poético bastante particular, inter- rogativo, misterioso e, como a natureza, imenso e minucioso, cal- mo e agitado. [...] Daí estas turbulências, estes acúmulos, estes desabamentos de versos, estas massas tempestuosas, que se vão com a velocidade de um caos que foge; daí estas freqüentes repe- tições de palavras, todas destinadas a expressar trevas cativantes ou a enigmática fisionomia do mistério. Assim, Victor Hugo possui não apenas a grandeza mas a uni- versalidade. Como seu repertório é variado! e, embora sempre uno e compacto, como é multiforme! [...] Em tudo ele põe a pal- pitação da vida. Se pinta o mar, nenhuma marinha igualará as suas. Os navios que lhe riscam a superfície ou que lhe atravessam os turbilhões terão, mais do que os de qualquer outro pintor, esta fisionomia de lutadores apaixonados, este caráter de vontade e de animalidade que se destaca tão misteriosamente [...]. A força o encanta e embriaga; ele se dirige a ela como a um parente: atração fraterna. Assim ele é levado irresistivelmente para todo símbolo do infinito, o mar, o céu; [...] ele se move no imenso. [...] Germi- nações, eclosões, florações sucessivas, simultâneas, lentas ou sú- bitas, progressivas ou completas...* * (Baudelaire, C. “Victor Hugo” (1861). Em: C. Pi- chois (ed.). Œuvres com- plètes, II. Paris: Gallimard, 1976: 131.) * (Gautier, T. “Dessins de Victor Hugo” (1862). Em: F. Court-Pérez (ed.). Victor Hugo. Paris: Honoré Cham- pion, 2000: 209, grifo meu.) * (Nietzsche, F. apud Mau- rel, J. Victor Hugo philoso- phe. Paris, PUF, 1985: 11.) * (Baudelaire, C. “Victor Hugo”. Op. cit.: 134-8.) 120 ALEA VOLUME 5 NÚMERO 1 JANEIRO – JUNHO 2003 Comme toujours, Baudelaire touche ici à l’essentiel: l’apparente contradiction de l’art hugolien – la dispersion et la multiformité d’une part, le “un compact” d’autre part – doit justement se comprendre en fonction d’une grande tentative pour dépasser les oppositions classiques entre l’universel et le singulier, le mouvement centrifuge du divers et le mouvement centralisa- teur de l’unité. “En tout il met la palpitation de la vie”, écrit Baudelaire: comprenons, d’abord, que Hugo prend tout, prend “le tout” – dans son infinie variété – pour champ de son travail poétique; mais que, en tout, à travers tout, bat cette palpitation caractéristique qu’il faut nommer la vie. L’art poétique de Hugo, le rythme de ses vers, le thème de ses romans, la structure de sa pensée, l’énergie de des dessins, tout cela appelle donc – ou s’origine dans – une philosophie de la vie. Une Naturphilosophie guide constamment l’esthétique de Hugo, jusque dans ses images les plus supposément éloignées de la réalité. En cela, il est le romantique par excellence, et Baudelaire a bien raison de placer toute la tentative hugolienne sous le signe de ce qu’il nomme “l’inépuisable fonds de l’universelle analogie”, à propos de quoi surgissent les noms de Byron et de Swedenborg, mais aussi de Goethe et de Lavater*. Baudelaire lui-même défendait une théorie de l’imagination – et de cette “faculté d’absorption de la vie extérieure” dont il crédite ici le poète des Contemplations – opposée à toute triviale “fantaisie” subjective: “L’Imagination est une faculté quasi divine qui perçoit tout d’abord […] les rapports intimes et secrets des choses, les correspondances et les analogies”*. Il avait, depuis longtemps, promu l’imagination comme une faculté “scientifique”, une objectivation des ressemblances au sein de cette “analogie universelle” qu’il devait rencontrer partout dans l’œuvre de Victor Hugo: Il y a bien longtemps que je dis […] que l’imagination est la plus scientifique des facultés, parce que seule elle comprend l’analogie universelle, ou ce qu’une religion mystique appelle la corres- pondance. Mais quand je veux faire imprimer ces choses-là, on me dit que je suis fou, – et surtout fou de moi-même, – et que je ne hais les pédants que parce que mon éducation est manquée. – Ce qu’il y a de bien certain cependant, c’est que j’ai un esprit philosophique qui me fait voir clairement ce qui est vrai, même en zoologie, bien que je ne sois ni chasseur , ni naturaliste.* Victor Hugo fut bien plus “naturaliste” encore que Baudelaire, même si sa passion pour les sciences naturelles – notamment pour les trésors langagiers de leurs différents jargons techniques – 121 Georges Didi-Huberman · A IMANÊNCIA ESTÉTICA Como sempre, Baudelaire toca aqui no essencial: a aparente con- tradição da arte de Hugo – a dispersão e a multiformidade, de um lado, o “uno compacto”, de outro – deve justamente ser com- preendida em função de uma grande tentativa de ultrapassar as oposições clássicas entre o universal e o singular , o movimento centrífugo do diverso e o movimento centralizador da unidade. “Em tudo ele põe a palpitação da vida”, escreve Baudelaire: com- preendamos, em primeiro lugar , que Hugo toma tudo, toma “o tudo” – em sua infinita variedade – como campo de seu trabalho poético; mas que, em tudo, através de tudo, bate esta palpitação característica que é preciso chamar de a vida. A arte poética de Hugo, o ritmo de seus versos, o tema de seus romances, a estrutu- ra de seu pensamento, a energia de seus desenhos, tudo isso faz apelo a – ou tem sua origem em – uma filosofia da vida. Uma Naturphilosophie guia constantemente a estética de Hugo, até em suas imagens mais supostamente afastadas da realidade. Nisso ele é o romântico por excelência, e Baudelaire tem razão em pôr toda a tentativa hugoliana sob o signo do que ele chama de “o inesgotável fundo da analogia universal”, evocando os nomes de Byron e de Swedenborg mas também os de Goethe e de Lavater*. O próprio Baudelaire defendia uma teoria da imaginação – e desta “faculdade de absorção da vida exterior” que ele creditava ao uploads/Litterature/a-imane-ncia-este-tica.pdf

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