RÉEL, SYMBOLIQUE, IMAGINAIRE : DU REPÈRE AU NŒUD Vincent Clavurier ERES | « Ess
RÉEL, SYMBOLIQUE, IMAGINAIRE : DU REPÈRE AU NŒUD Vincent Clavurier ERES | « Essaim » 2010/2 n° 25 | pages 83 à 96 ISSN 1287-258X ISBN 9782749213163 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-essaim-2010-2-page-83.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour ERES. © ERES. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Mais cette identification ne va pas de soi : si R, S et I sont représentés par ou identifiés à des ronds de ficelle, pourquoi précisément à ceux du borroméen ? Autrement dit, pour quelle raison l’articulation entre les ronds de ficelle RSI est-elle figurable du borroméen ? Qu’est-ce qui justifie le remplacement d’une relation non déterminée de RSI par la relation borroméenne hyperdéterminée ? Le parcours qui suit est une tentative pour répondre à cette question. On soutiendra d’abord l’idée qu’une logique du repérage préside à l’apparition et à l’usage du ternaire à partir de 1953 et qu’il s’agit selon cette logique de constituer pour la clinique un repère à trois coordonnées. On explicitera alors les problèmes que pose la présentation de RSI sous la forme d’un repère trivarié, dont justement celui de l’articulation des registres. Nous isolerons ensuite les gains théoriques offerts par le nœud borroméen comme support de RSI par rapport à la présentation précédente. Enfin, il s’agira d’identifier certaines difficultés propres à la présentation borroméenne à trois consistances. Quelle articulation entre réel, symbolique et imaginaire ? Lacan introduit ce ternaire dans le champ analytique lors de la conférence intitulée « Le symbolique, l’imaginaire, le réel », prononcée le 8 juillet 1953 pour ouvrir les activités de la Société française de psycha- Essaim 25.indd Sec5:83 Essaim 25.indd Sec5:83 12/11/10 11:09:40 12/11/10 11:09:40 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - Bernabeu Rémy - 217.128.117.14 - 21/07/2020 20:07 - © ERES Document téléchargé depuis www.cairn.info - - Bernabeu Rémy - 217.128.117.14 - 21/07/2020 20:07 - © ERES 84 • Essaim n° 25 nalyse 1. Il présente dans cette conférence « la confrontation de ces trois registres qui sont bien les registres essentiels de la réalité humaine, registres très distincts et qui s’appellent : le symbolisme 2, l’imaginaire et le réel ». Le terme utilisé pour désigner S, I et R (pas encore réduits à des lettres) est donc celui de « registre ». Le Littré le définit comme un « livre où l’on inscrit les actes, les affaires de chaque jour » (les registres du greffe, de l’état civil par exemple). On retrouve le mot dans différentes expressions : « Faire registre », « tenir registre », qui désignent le fait d’enregistrer et de noter. Le terme vient du latin de basse époque regesta 3 « registre, livre, catalogue », à partir du participe passé de regerere « rapporter, inscrire, consigner ». On est donc dans le domaine (le registre !) de l’écrit, de l’inscription : faire registre (tenir les comptes) ; registrer (enregistrer, inscrire), et l’usage du mot est ancien : « Afin que les honorables emprises […] soient notablement regis- trées et mises en mémoire perpétuelle 4. » Avec la désignation de RSI comme ternaire de registres, on a donc l’idée d’une notation différenciée, d’un système de notations : il y a trois livres de notations différents, trois livres où l’on note des choses qu’on pense appartenir à des ordres distincts. Lors de la conférence de 1953, Lacan utilise également le terme plus philosophique de « catégorie conceptuelle » pour désigner l’un des regis- tres (l’imaginaire). Ce terme désigne classiquement ce qui vient subsumer un certain nombre de phénomènes (extension), leur assigner une identité commune au moyen du concept (intension, compréhension). Mais même si l’on distingue conceptuellement ces trois registres, la relation qu’ils entre- tiennent les uns avec les autres ne cessera d’être reprise et questionnée par Lacan : « Présenter séparément ces trois dimensions répond à un souci didactique. Il est cependant apparu régulièrement que l’on ne pouvait parler d’une de ces dimensions séparément des autres et que l’opérateur de chacun est relatif aux autres […]. De fait, il y a une nécessité à bâtir les “jointures” des trois dimensions et c’est ce que tente à chaque fois Lacan avec l’écriture de ses schémas (schéma L, schéma R), graphes et autres figures, qui constituent comme les lignes de fracture du cristal RSI 5. » Sans doute ces différentes tentatives de donner aux trois registres une articu- lation ne satisfont pas totalement Lacan puisqu’en 1975, soit vingt-deux ans après avoir introduit les termes et trois ans après avoir découvert le 1. Cf. version JL, site Internet de l’ELP. 2. Symbolisme et symbolique semblent utilisés indifféremment dans cette conférence. 3. O. Bloch et W. Von Wartburg, Dictionnaire étymologique de la langue française, Paris, PUF, 1994 [1932]. 4. J. Froissart (1360), Dictionnaire du moyen français, Larousse, 1992. 5. E. Porge, Jacques Lacan, un psychanalyste, Toulouse, érès, 2000, p. 122. Essaim 25.indd Sec5:84 Essaim 25.indd Sec5:84 12/11/10 11:09:40 12/11/10 11:09:40 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - Bernabeu Rémy - 217.128.117.14 - 21/07/2020 20:07 - © ERES Document téléchargé depuis www.cairn.info - - Bernabeu Rémy - 217.128.117.14 - 21/07/2020 20:07 - © ERES Réel, symbolique, imaginaire : du repère au nœud • 85 borroméen qui va finalement les tenir ensemble, il affirme que le lien entre les trois registres est « énigmatique 6 ». Cette question de l’articulation entre les registres ne surgit pas expli- citement dans la conférence de 1953, mais Lacan en donne tout de même à l’époque une figuration : il représente SIR sous forme d’un triangle dont chaque registre est un sommet. Cette figuration lui sert pour illustrer une circulation de l’analysant entre ces termes au cours de son analyse, pour repérer le trajet du sujet dans la cure. R, S et I servent alors de balises, de repères pour identifier les moments du trajet. En ce sens, puisqu’il s’agit de moments de la cure, les « jonctions entre les trois dimensions ne sont pas à concevoir seulement sur un plan spatial mais aussi temporel, en particulier en fonction du maniement du transfert 7 ». On le voit, qu’il soit spatial ou temporel, RSI sert d’emblée à effectuer un repérage, une façon de situer un phénomène, d’en donner les coordonnées. RSI semble fonctionner ici comme un repère pour la clinique. RSI : un repère lacanien ? L’hypothèse est la suivante : de même qu’il existe des repères carté- siens à partir desquels nous pouvons lire et écrire le monde des corps et des figures, il existe des repères lacaniens qui définissent une manière de lire et d’écrire le monde de la clinique, et RSI est l’un d’eux. On peut s’appuyer pour étayer cette hypothèse sur une affirmation de Lacan, qui déclare en 1960 que la distinction entre R, S et I est méthodique, qu’elle relève d’une méthode : « Cette force [du délire] est celle [que Freud] a désignée sous le nom de narcissisme et qui comporte une dialectique secrète où les psychanalystes se retrouvent mal […] (c’est pour la faire concevoir que j’ai introduit, dans la théorie, la distinction proprement méthodique, du symbolique, de l’imaginaire et du réel 8). » Or les deux termes promus dans cette citation sont éminemment cartésiens : « distinction » et « méthode » sont des éléments majeurs dans l’œuvre de Descartes 9. C’est pourquoi, conformément à la veine cartésienne du Discours, le terme « méthodique » me semble avoir dans cette citation de Lacan le sens de « mathématique ». Et c’est le travail de Descartes dans le champ de la géométrie auquel on peut faire appel, et particulièrement un des trois essais qui suit le Discours 6. Cf. J. Lacan, Le Séminaire, Livre XXIII, Le sinthome, séance du 18.11.1975, cité par E. Porge, « Du déplacement au symptôme phobique », Littoral, n° 1, juin 1981, p. 35. 7. E. Porge, op. cit., p. 124. 8. J. Lacan, Conférence donnée à la faculté universitaire Saint-Louis, à Bruxelles, le 10 mars 1960. Disponible sur le uploads/Litterature/ cristal-rsi-pdf.pdf
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- Publié le Oct 27, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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