Sources • 1 Collection dirigée par Patricia ROCHWERT-ZUILI Publié avec le conco
Sources • 1 Collection dirigée par Patricia ROCHWERT-ZUILI Publié avec le concours de l’Université Paris-Sorbonne (École doctorale IV et CLEA, EA 4083) Couverture : Antonio GISBERT, Jura de Fernando IV en las cortes de Valladolid, 1863. Crédits : Congreso de los Diputados, Madrid. Paris, SEMH-Sorbonne, 2010 CRÓNICA DE CASTILLA Édition et présentation de PATRICIA ROCHWERT-ZUILI Les Livres d’e-Spania À Marc, à Glenn et à William INTRODUCTION 6 Peu étudiée1 et jusqu’à ce jour inédite, du moins, dans sa totalité2, la Chronique de Castille connut pourtant un succès et une postérité considérables. Les dix-neuf manuscrits que l’on conserve encore aujourd’hui, datés, pour la plupart, du XVe siècle3, témoignent de l’intérêt que l’œuvre suscita auprès d’un large public4. Composée sous le règne de Ferdinand IV (1295-1312), elle fut presque aussitôt traduite en galicien5 et choisie, notamment, par le comte portugais Pierre de Barcelos comme principale source du Livre des lignages (1343) et de la Chronique de 13446. De même fut-elle une référence privilégiée pour les historiographes castillans, qui se firent l’écho d’un modèle qui allait se perpétuer jusqu’au début du XVIe siècle7. 1 Les études consacrées au texte dans son ensemble sont en effet peu nombreuses. La plupart portent sur les traits romanesques de l’œuvre et sur la matière cidienne, qui occupe une part importante du récit. Toutes s’accordent néanmoins sur un point : l’émergence, au sein du discours historiographique, d’une idéologie profondément aristocratique. Parmi les travaux les plus importants, on citera Diego CATALÁN, « Poesía y novela en la historiografía castellana de los siglos XIII y XIV », in : D. CATALÁN, La Estoria de España de Alfonso X. Creación y evolución, Madrid : Seminario Menéndez Pidal y Universidad Autónoma de Madrid, 1992, p. 139- 156 ; id., « Monarquía aristocrática y manipulación de las fuentes : Rodrigo en la Crónica de Castilla. El fin del modelo historiográfico alfonsí », in : Georges MARTIN (éd.), La historia alfonsí : el modelo y sus destinos (siglos XIII-XIV), Madrid : Casa de Velázquez, 2000, p. 75-94 ; Samuel G. ARMISTEAD, « La ‘Crónica de Castilla’ y las ‘Mocedades de Rodrigo’ », in : Inés FERNÁNDEZ-ORDÓÑEZ (coord.), Alfonso X el Sabio y las crónicas de España, Valladolid : Universidad de Valladolid, 2000, p. 159-172. Fernando Gómez Redondo qui, dans sa somme consacrée à la prose castillane médiévale s’intéresse pourtant de près à la signification des œuvres produites sous le règne de Sanche IV et celui de ses successeurs, ne fait qu’une brève présentation de la Chronique de Castille (cf. F. GÓMEZ REDONDO, Historia de la prosa medieval castellana, 4 t., Madrid : Cátedra, 1999, 2, p. 1230-1231). 2 Il existe une édition partielle de l’œuvre, limitée aux règnes de Ferdinand Ier (1035-1065), de Sanche II (1065- 1072) et d’Alphonse VI (1072-1109), où l’on peut suivre la geste du Cid : Juan VELORADO, Crónica del famoso cauallero Cid Ruy Diez Campeador, Burgos, 1512, (cf. fac-similé d’Archer M. HUNTINGTON, New York : De Vinne Press, 1903). Selon Diego Catalán, cette édition aurait été réalisée à partir d’un manuscrit appartenant à la première famille de la tradition manuscrite de la Chronique de Castille, le manuscrit Esp 326 (ms. B) de la Bibliothèque Nationale de France (D. CATALÁN, De Alfonso X al conde de Barcelos. Cuatro estudios sobre el nacimiento de la historiografía romance en Castilla y Portugal, Madrid : Gredos, 1962, p. 326- 328). On peut également consulter l’édition de V. A. HUBER (éd.), Chronica del famoso cavallero Cid Ruy Diez Campeador, Marburg, 1844, réalisée à partir de l’édition de Burgos de 1593 de l’œuvre de Velorado (D. CATALÁN, De Alfonso X…, note 21 p. 328). La seule édition complète de la Chronique de Castille dont on disposait jusqu’ici était celle de sa traduction galicienne : Ramón LORENZO (éd.), La traducción gallega de la « Crónica general » y de la « Crónica de Castilla », Edición crítica anotada, con introducción, índice onomástico y glosario, 2 t., Orense : Instituto de estudios orensianos « Padre Feijóo », 1975. 3 Sur ce point, voir la troisième partie de l’introduction. 4 En regard des autres traditions manuscrites des chroniques générales castillanes de cette période, et notamment de celle de la célèbre Histoire d’Espagne, composée dans les ateliers alphonsins en 1270, la tradition de la Chronique de Castille compte en effet un nombre plus important de manuscrits (vid. D. CATALÁN, De Alfonso X…, p. 440-447). 5 Cf. R. LORENZO (éd.), La traducción gallega…, 1, p. XLVI. Voir aussi Luís Filipe LINDLEY CINTRA (éd.), Crónica geral de Espanha de 1344 (Edição crítica do texto português por...), 3 t., Lisboa : Academia Portuguesa da História, 1951-1961, 1, 1951, p. CCXXXI et CCCXXIX ; D. CATALÁN, De Alfonso X..., p. 354. 6 Vid. L. F. LINDLEY CINTRA, op. cit., p. CCXLV-CCLI. Notons aussi que la Chronique de Castille fut utilisée par don Juan Manuel pour la composition de la Chronique abrégée (1320-1325). 7 Là-dessus, voir notamment Samuel G. ARMISTEAD, « La ‘Crónica de Castilla’ y las ‘Mocedades de Rodrigo’ », note 4 p. 160. Parmi les œuvres sur lesquelles la Chronique de Castille eut quelque influence, l’auteur cite l’Atalaya de las Crónicas d’Alfonso Martinez de Toledo (1443), la Refundición toledana de la Crónica de 1344 (≈1460), le Compendio historial de las Crónicas de España de Diego Rodriguez de Almela 7 Un tel engouement et un tel destin s’expliquent sans doute par l’accueil sans précédent qui fut réservé, dans le texte, au récit des exploits de celui qui fut et demeure le seul héros de la Castille : Rodrigue Diaz de Vivar, dit le Cid. On y découvre le jeune Rodrigue auprès du roi Ferdinand Ier, on suit sa prodigieuse ascension sous les règnes de Sanche II et d’Alphonse VI, et l’on assiste à sa mort et aux miracles qui entourent son corps, exposé pendant dix ans au monastère de Saint-Pierre de Cardeña. Inspirée en grande partie de deux chansons – la Chanson de Rodrigue et la Chanson de mon Cid – cette matière narrative constitue donc l’un des principaux attraits de l’œuvre, qui marque ainsi un tournant dans la production historiographique de cette période8. En effet, bien qu’elle suive le fil de la tradition historiographique alphonsine, la Chronique de Castille s’en distingue en prenant les traits d’un récit romanesque9 où se déploie, dans toute son ampleur, une idéologie profondément chevaleresque. Cela pourrait sembler paradoxal compte tenu du type de texte auquel on a affaire. Il faut y voir l’influence d’un contexte où la royauté, portée au pouvoir par des groupes sociaux en pleine ascension, dut composer avec les nouvelles puissances qui l’entouraient. Dès lors, la chronique ne s’adressa plus uniquement au futur prince ; elle fut aussi destinée aux élites. Pour mieux comprendre les enjeux de la Chronique de Castille, revenons donc sur ses origines et identifions avec précision les voix et les aspirations de ceux dont elle porte l’empreinte. (1476-1478), la Crónica abreviada de España de Mosén Diego de Valera (avant 1481), la Suma breve de todos los reyes que ha avido en León y en Castilla (1497) et le Novenario estorial de Diego Fernandez de Mendoza (1501). On pourrait ajouter à cette liste la Suma de Reyes du grand dépensier de la reine Aliénor d’Aragon dont la version primitive fut rédigée dans les années 1402-1405 (cf. Jean-Pierre JARDIN, La Suma de Reyes du grand dépensier de la reine Aliénor d’Aragon, première femme de Jean Ier de Castille, ENS, 2006, http://w4.ens- lsh.fr/e-textes/notice.xsp?id=editions-critiques.2006.jardin-jp-principal&id_doc=editions-critiques.2006.jardin- jp&isid=editions-critiques.2006.jardin-jp&base=documents&dn=1. 8 Notons, cependant, que l’intégration de récits d’origine poétique ou légendaire n’est pas une particularité de la Chronique de Castille ni des chroniques castillanes antérieures. Elle est héritée des sources latines de l’historiographie alphonsine, notamment, du Chronicon mundi composé par Luc de Túy en 1236 et du De rebus Hispaniae composé par Rodrigue Jiménez de Rada dans les années 1243-1246. Sur ce point, voir Inés FERNÁNDEZ-ORDÓÑEZ, « El tema épico-legendario de Carlos Mainete y la transformación de la historiografía medieval entre los siglos XIII y XIV », in : L’histoire et les nouveaux publics dans l’Europe médiévale (XIIIème-XVème siècles), Actes du colloque organisé par la Fondation Européenne de la Science à la Casa de Velázquez, Madrid, 23-24 avril 1993, Publications de la Sorbonne, 1997, p. 89-112, p. 89 : « La mención de relatos o versiones de hechos históricos de procedencia poética o legendaria no había sido invención de los historiadores que trabajaron para el rey Sabio, sino herencia de las fuentes latinas que éstos emplearon como eje fundamental ». 9 Vid. D. CATALÁN, La Estoria de España de Alfonso X..., p. 146-156. 8 1. TRADITION HISTORIOGRAPHIQUE 1.1. L’héritage féminin Si les passages retraçant la geste du Cid et de ses compagnons d’armes occupent une grande part du récit au point d’en occulter parfois ceux qui rapportent les exploits de la royauté, ils ne constituent néanmoins qu’une partie de l’armature de la Chronique. Héritière d’une tradition qui s’était imposée en Castille au XIIIe siècle, la Chronique de Castille est « un véritable feuilleté »10, un assemblage de textes destinés à rendre compte, à travers des supports de natures diverses, uploads/Litterature/ cronica-de-castilla.pdf
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- Publié le Mar 27, 2022
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