Médiévales Cuisine à la cour de l'empereur de Chine : les aspects culinaires du
Médiévales Cuisine à la cour de l'empereur de Chine : les aspects culinaires du Yinshan Zhengyao de Hu Sihui Madame Françoise Sabban Citer ce document / Cite this document : Sabban Françoise. Cuisine à la cour de l'empereur de Chine : les aspects culinaires du Yinshan Zhengyao de Hu Sihui. In: Médiévales, n°5, 1983. Nourritures. pp. 32-56; doi : 10.3406/medi.1983.934 http://www.persee.fr/doc/medi_0751-2708_1983_num_2_5_934 Document généré le 13/06/2016 Françoise SABBAN CUISINE A LA COUR DE L'EMPEREUR DE CHINE AU XIVe SIÈCLE Les aspects culinaires do Yinshan zhengyao de Hu Sihui * La longue histoire de l'acclimatation de produits alimentaires et de modes de consommation venus d'ailleurs démontre combien sont malléables les besoins et les désirs d'ordre alimentaire, alors qu'ils paraissent constituer pour chacun de nous un système étanche, sourd à toute influence. En vérité, dans le domaine alimentaire, la fermeture sur soi et l'ouverture sur le monde constituent les termes d'un mouvement alternatif dont il est difficile de comprendre les mécanismes. Un des buts de cet article est d'illustrer ces phénomènes à travers l'œuvre culinaire de Hu Sihui. L'homme ne se laisse pas saisir facilement, puisqu'il est tantôt considéré comme chinois, tantôt comme mongol (n'oublions pas qu'à cette époque la dynastie des. Yuan (mongole) (1214-1368) règne sur la Chine). Tout ce qu'on peut dire, c'est que s'il était mongol c'est un de ces exemples de personnalité non-Han ayant assimilé la culture chinoise, étant parvenu au plus haut sommet dans un domaine scientifique : la diététique; s'il était chinois, il a fait montre d'une souplesse, d'une intelligence aux autres et d'une ouverture au monde peu commune. La tradition chinoise se moque de son identité exacte. Elle fait sienne son œuvre, la considérant comme un maillon important de l'histoire de la diététique chinoise ; certaines de ses ordonnances sont encore mentionnées, sans aucun changement, dans des livres de diététique récemment publiés (1). En revanche, la partie de son ouvrage intitulée « Recueil de mets précieux et extraordinaires » qui nous intéresse ici, et qui est manifestement un traité culinaire plus que diététique * La version finale de cet article doit beaucoup à Odile Redon, nous l'en remercions vivement ; nous remercions également Françoise Aubin et André G. Haudricourt dont l'aide et les conseils nous ont permis de clarifier certains points de notre texte. 1. HU Zhenzhu, et al., Jiating shiliao shouce (Manuel de diététique familiale), Tianjin, Tianjin kexue jishu chubanshe, 1982, 517 p. est ignorée de cette même tradition. Or, c'est essentiellement grâce à ce traité que Hu Sihui contribue à faire de son ouvrage la réplique chinoise aux conceptions arabes, indiennes et européennes de la cuisine à cette époque. Si les aspects culinaires du Yinshan zhengyao (Les justes principes du boire et du manger) ont été peu étudiés, cet ouvrage n'en a pas moins attiré l'attention des chercheurs pour son rôle dans l'histoire des sciences en Chine (2) et pour les curiosités de son lexique, qui contient une cinquantaine de termes empruntés au mongol, au turc et à l'arabe (3). La compilation de cet ouvrage, présenté à l'empereur en 1330, a été effectuée par Hu Sihui dont on ne sait rien sinon qu'il assumait la charge de diététicien impérial sous le règne de Wen Zong (Tuq Temur 1328-1339). Certains pensent qu'il était mongol et lui restituent le nom mongol Hoshoi (4). Chinois ou Mongol, l'auteur de ce traité est très marqué par son appartenance à la cour, et c'est une des raisons de l'aspect « cosmopolite » de son texte, qui n'est quelquefois pas considéré comme un témoignage proprement chinois des habitudes alimentaires sous les Yuan (5). Cependant, si le texte de Hu Sihui est le reflet de normes officielles et de certaines extravagances princières en matière d'alimentation, il est aussi le miroir d'habitudes et de manières courantes à l'époque, comme le précise d'ailleurs l'auteur de la notice bibliographique du Siku (6). Les textes culinaires européens du Moyen Age offrent d'ailleurs cette même hétérogénéité ; ils contiennent à la 2. LU G.D., J. NEEDHAM, « A contribution to the History of Chinese Dietetics», (515, 1951, n° 42, pp. 15-17; J. NEEDHAM, LU G.D., «Hygiene and Preventive Medicine in Ancient China », Clerks and Craftsmen in China and the West, Cambridge University Press, 1962, p. 359; G. METAILIE, « Cuisine et santé dans la tradition chinoise », Communications, 1979, n° 31, pp. 126-127; F. MOTE, «Yuan and Ming», in: CHANG K.C. éd., Food in Chinese Culture, Anthropological and Historical Perspectives, New Haven and London, Yale University Press, 1979, p. 227 et note 18 p. 255. 3. Y.S. LAO, « Notes on Non-Chinese Terms in the Yiian Imperial Dietary Compendium Yin-shan cheng-yao », Bulletin of the Institute of History and Philology, Academia Sinica, 1969, vol. 39, pp. 399416 ; H. FRANKE, «Additional Notes on Non-Chinese Terms in the Yiian Imperial Dietary Compendium Yin-shan cheng-yao », Zentral Asiatische Studien, 4, 1970, pp. 7-lo. 4. L.C. GOODRICH, « Brief Communications », Journal of the American Oriental Society, 1940, n° 60, pp. 258-260; CH'EN Y, Western and Central Asians in China Under the Mongols, translated and annotated by Ch'ien Hsing-hai and L. Carrington Goodrich, Monumenta Serica Monograph XV, Los Angeles, Monumenta Serica at the University of California, 1966, p. 305. CH'EN Yiian, citant Goodrich (op. cit.), place Hu Sihui dans la liste qu'il dresse des personnalités mongoles ayant écrit un ouvrage en chinois sous les Yuan. 5. F. MOTE, op. cit., p. 227 : « The Yin-shan cheng-yao is undoubtedly important in the history of Chinese science, but it may be less typical of Chinese attitudes toward food and eating in relation to hygiene than some other works that have less importance in the history of science ». 6. Siku quanshu zongmu tiyao, zibu, pululei cunmu, Pékin, Zhonghua shuju chuban, 1965, pp. 1001-1002. Cet ouvrage bibliographique du XVIIIe siècle est le plus complet des traités de bibliographie chinoise. 34 fois des recettes très sophistiquées, influencées parfois par des usages étrangers (7) et des recettes sans prétention (8). Composé de trois volumes, abondamment illustré, le Yinshan zheng- yao est essentiellement un ouvrage de diététique qui fournit à ses lecteurs 236 recettes de plats, réputés pour leur vertu thérapeutique. Sur l'ensemble de ces recettes intégrées dans les diverses sections du livre, la série des 95 recettes comprise dans la « Collection des mets précieux et extraordinaires » apparaît plus comme un livre de recettes de cuisine que comme un recueil d'ordonnances médicales. La cuisine de Ha Sihui Nous concentrerons notre analyse sur ces 95 recettes de la « Collection de mets précieux et extraordinaires», dont le titre même est révélateur; il n'a apparemment rien à faire avec la dure contrainte d'un régime médical. De plus, un peu moins de la moitié de ces recettes (42) ne comporte aucune indication thérapeutique, comme si celles-ci ne figuraient là que pour le plaisir. Quant aux autres, la majorité d'entre elles (34) n'est que « fortifiante.» (bu). Et 19 recettes sur 95, seulement, comportent la spécification habituelle aux autres ordonnances du traité : « soigne » telle maladie (zhi). Ajoutons que pour l'ensemble de cette collection, le mode et le moment de la consommation ne sont jamais indiqués. Aucun ordre apparent ne semble régir cette collection de recettes, dans laquelle on ne trouve jamais la moindre allusion au service ni à la place des mets dans le repas, ce qui aurait pu nous aider à identifier les différents types de plats. Néanmoins, cet ensemble peut être découpé en quatre grandes catégories : viennent d'abord 35 recettes à base de bouillon, puis 11 recettes dont les principaux ingrédients sont des pâtes alimentaires (certaines semblent accommodées en potages, d'autres en sauce plus courte), ensuite 35 recettes diverses regroupant des viandes bouillies, des préparations frites, des mélanges de produits crus ou cuits, des viandes rôties ou des plats cuits à la vapeur ; enfin, 12 recettes de « pâtisserie » (au sens médiéval du terme, puisque ce sont des pâtes farcies, genre ravioli, petits pâtés ou galettes, cuites à la vapeur). Restent deux recettes placées en fin de recueil, qui n'entrent dans aucune de ces catégories : un bouillon concentré de jarret de mouton (po'erbitang) et un suc de gigot de mouton cuit à l'étouffée 7. J.L. FLANDRIN, « Internationalisme, nationalisme et régionalisme dans la cuisine des XIV* et XVe siècles : Le témoignage des livres de cuisine », Manger et Boire au Moyen Age, IIe Colloque International du Centre d'Etudes Médiévales de Nice oct. 82, à paraître dans les Actes du Colloque O. REDON, « Façons de préparer et manger la viande en Toscane au XIVe siècle », Manger et Boire au Moyen Age, II* Colloque International du Centre d'Etudes Médiévales de Nice, oct. 82, à paraître dans les Actes du Colloque. 35 (mihanaqueliesun). Ces deux préparations comportent une mention thérapeutique et sont censées avoir une action régénératrice sur l'organisme. Hu Sihui se montre parfois très elliptique dans la formulation de certaines recettes. On a l'impression que la brièveté de son style traduit un souci d'aller au plus vite comme si toutes les opérations culinaires étaient si uploads/Litterature/ cuisine-a-la-cour-de-l-x27-empereur-de-chine.pdf
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- Publié le Apv 30, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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