L’intertextualité. Territoire, notions et pratiques A la question « Qu’est-ce q
L’intertextualité. Territoire, notions et pratiques A la question « Qu’est-ce que l’intertextualité ? », on pourrait synthétiquement répondre par : 1. – un territoire constitutif de la littérature (au début un élément) ; 2. – une dynamique textuelle ; 3. – un système de relations. Mais comme personne ne pourra se contenter de cela, on développera plus loin ces aspects. Un peu d’histoire La notion d’intertextualité, proposée par Julia Kristeva, émerge dans le discours critique à la fin des années ’60 et s’impose rapidement, au point de devenir le passage obligé de toute analyse littéraire. Si comme notion elle apparaît comme essentiellement moderne, l’intertextualité recouvre des pratiques d’écriture aussi anciennes qu’importantes pour l’évolution des Lettres. C’est devenu monnaie courante que de dire que nul texte ne peut s’écrire indépendamment de ce qui lui précède et que tout texte porte en lui, de manière plus ou moins visible, les traces d’un héritage et d’une tradition. De manière simplifiée, l’intertextualité est le « mouvement » par lequel un texte réécrit un autre texte, et l’intertexte – l’ensemble des textes qu’une œuvre répercute (porte en elle et transmet), qu’ils se réfèrent à ces textes in absentia (l’allusion en est une modalité), ou qu’ils l’inscrivent in præsentia (la citation en est la formule la plus usitée). C’est une catégorie littéraire générale, très généreuse, qui englobe des formules diversifiées, comme la parodie, le plagiat, le collage, la citation, l’allusion, etc., tout se rapportant, de manière ou d’autre, à cette pratique de plus en plus étudiée actuellement, que l’on appelle réécriture. L’intertextualité renvoie aux éternelles questions et pratiques de l’imitation et de la transformation de la tradition (plus ou moins éloignée) par les auteurs et les œuvres qui la reprennent. Son statut le plus sûr c’est celui de territoire constitutif de la littérature. A l’époque de la Renaissance, comme au Classicisme, elle vivait des temps florissants, étant donné le fait que l’imitation constituait le principe central de ces poétiques. Au XIXe siècle elle sera très peu valorisée, le principe de l’imitation étant remplacé par celui de création. Le XXe siècle a développé une théorie de l’intertextualité, tout en ayant systématisé les pratiques intertextuelles. En grandes lignes, les phénomènes intertextuels peuvent être interprétés comme une forme de saturation de la littérature. Si tout a été dit, il ne reste aux écrivains que de le dire autrement, travailler non plus sur le sujet, mais sur la manière dont on l’expose. Déjà au XVIIe siècle La Bruyère le constatait amèrement : « Tout est dit, et l’on vient trop tard depuis plus de 7 mille ans qu’il y a des hommes et qui pensent » (in Les Caractères). Le propre de l’intertextualité n’est pas de révéler un phénomène nouveau, mais de proposer une nouvelle manière de penser et d’appréhender des formes de rencontre explicite ou implicite entre deux textes. Dans Seméiotiké (1969), Julia Kristeva explique l’intertextualité comme une « permutation de textes ». Dans un texte, plusieurs énoncés pris à d’autres textes peuvent se croiser, augmenter en importance par influence, ou se neutraliser. Le texte devient ainsi une combinatoire, le lieu d’un échange constant entre des fragments que l’écriture redistribue, en construisant un texte nouveau, à partir de fragments / textes antérieurs détruits, déconstruits, niés ou repris, revalorisés. Ainsi vue, l’intertextualité, plus qu’un mouvement par lequel un texte reprend un autre, antérieur, doit être considérée comme un processus qui met en œuvre une dynamique textuelle (avec tous les niveaux de développement de la signification). Il ne s’agit pas d’une simple imitation ou modification de texte, mais de la transposition d’un système de signes (ou de plusieurs, selon le cas) en un autre, nouveau. L’intertextualité est inséparable d’une conception du texte comme « productivité ». Dans Théorie du texte, Roland Barthes affirme que « tout texte est productivité », c’est-à-dire le théâtre d’une production où se rejoignent le producteur du texte (l’écrivain) et son lecteur. Même si fini (fermé), le texte n’arrête pas d’ouvrir sur l’autre, de susciter chez lui (le lecteur) des suggestions, des idées, de nouvelles manières d’interprétation et de décodage, de mise en relation avec d’autres textes ou systèmes d’interprétation. Pour Barthes, « tout texte est un intertexte », dans le sens où il relève (de manière plus ou moins visible) d’autres textes, d’une culture, de formules, modèles rythmiques, codes, langages, etc. Dans la conception de Genette (Introduction à l’architexte, Seuil, 1979), l’intertextualité n’est pas un élément central de la littérature, mais, à l’intérieur de celle-ci, une relation parmi d’autres ; elle intervient au cœur d’un réseau qui définit la littérature dans sa spécificité. L’étude des « catégories transcendantes » auxquelles renvoie chaque texte (types de discours, modes d’énonciation, genres littéraires, etc.) définit pour Genette l’objet de la poétique ; l’objet n’en est pas le texte considéré dans sa singularité, mais la transtextualité, c’est-à-dire tout ce qui met un texte en relation manifeste et secrète avec d’autres textes. La transtextualité selon Genette c’est « cette transcendance textuelle qui renvoie à tout ce qui dépasse un texte donné », l’œuvre sur l’ensemble de la littérature, dans ses relations avec d’autres œuvres. La transtextualité inclut cinq types de relations : l’architextualité, la paratextualité, la métatextualité, l’intertextualité et l’hypertextualité. - l’architextualité est définie par la relation qu’un texte entretient avec la catégorie générique à laquelle il appartient (Le Rouge et le Noir avec le roman réaliste) ; - la paratextualité – relation que tout texte entretient avec son paratexte (préfaces, notes, titre, illustrations, etc.) ; - la métatextualité – relation de commentaire qui unit un texte à un autre, dont il parle ; c’est par excellence la relation critique ; - l’intertextualité – une relation de coprésence entre deux ou plusieurs textes. Sous la forme la plus explicite et littérale, il s’agit de la citation (l’épigraphe appartient à cette pratique). Sous une forme moins explicite, il s’agit du plagiat, emprunt non-déclaré, mais littéral. Sous une forme encore moins explicite et moins littérale, c’est l’allusion (où l’on suppose la perception d’un rapport entre ce texte-là et un autre, auquel des éléments du premier renvoient). - l’hypertextualité définit toute relation unissant un texte B (txt d’arrivée ou hypertexte) à un texte A (txt de départ ou hypotexte), dont le premier dérive ; les exemples les plus évidents sont la parodie et le pastiche. M. Riffaterre accorde une grande liberté et affuble d’ambiguïté l’intertextualité, en la décrivant comme « la perception par le lecteur de rapports entre une œuvre et d’autres, qui l’ont précédée ou suivie ». Elle apparaît ici plutôt comme effet de lecture qu’objet d’écriture - telle qu’on l’envisage la plupart des fois. Typologie de l’intertextualité A partir des relations qui se tissent entre les textes, une typologie de l’intertextualité a pu être établie. Deux grandes catégories de relations ont été identifiées : les relations de coprésence et les relations de dérivation, chacune de ces catégories fournissant des pratiques intertextuelles par nous connues. Les relations de coprésence amènent à des pratiques scripturales comme : la citation, la référence, le plagiat, l’allusion. Les relations de dérivations ont pour résultat des textes comme : la parodie, le pastiche, le travestissement burlesque. Les relations de coprésence 1. La citation apparaît comme la forme emblématique de l’intertextualité, rendant évidente l’insertion d’un texte dans un autre. Elle est considérée comme la forme minimale de l’intertextualité. Si le repérage de la citation va de soi (les guillemets, les blancs, les italiques, le titre du texte et le nom de l’auteur), le lecteur doit s’interroger sur la signification de ce geste scriptural, sur le rôle de l’insertion des fragments cités dans un contexte nouveau. Un bel exemple de citation que j’aime rappeler à cette occasion appartient à Stendhal. Ce serait un très agréable exercice culturel et spirituel pour nous (si l’on avait le temps dans le cadre de l’ITL) que de regarder de près et d’analyser le rôle de la citation dans Le Rouge et le Noir, sous la forme de l’épigraphe qui annonce chaque chapitre. La fonction canonique de la citation est celle de l’autorité (conférée par l’auteur ou le texte cités), fonction qui permet de renforcer l’effet de vérité d’un discours, en l’authentifiant. Un autre rôle traditionnel serait celui d’ornement du discours. Une citation peut être intégrée à la thématique d’un texte, à l’écriture, au style. Elle peut, certainement, enrichir un texte par la complexité des relations qui se tissent entre le texte cité et le texte citant, ouvrant sur un horizon plus large. 2. La référence – Elle est, comme la citation, une forme explicite d’intertextualité, avec la différence qu’elle n’expose pas l’autre texte, mais y renvoie. Une relation est établie avec un autre texte in absentia. Pour Balzac, la référence est la modalité privilégiée de multiplier les échos et relations entre différents romans de La Comédie humaine. Cette relation rappelle aussi l’idée de cohérence et d’unité de cet ensemble inégalable de la littérature. La référence peut aussi établir un jeu complexe de relations entre la fiction et la réalité, entre le narrateur, l’auteur et le lecteur d’un texte. 3. Le plagiat – De manière uploads/Litterature/ curs-l-intertextualite.pdf
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- Publié le Fev 14, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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