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53, rue Erlanger 75016 PARIS DE L’EVANGILE DE THOMAS A L’EVANGILE DE JUDAS Les écrits apocryphes chrétiens Compte-rendu1 de la conférence de Jean-Daniel DUBOIS - 15 novembre 2014 Deux volumes de la collection « la Pléiade », destinés au public francophone, sont consacrés aux « Ecrits apocryphes chrétiens »2 : c’est dire leur importance. Mais que signifie ce titre ? Comme nous allons le voir, le mot « apocryphe » a pris à notre époque (depuis le début du XXe siècle), une signification différente de celle qui lui avait été attribuée par les chrétiens des deuxième et troisième siècles. De l’Antiquité à nos jours, une définition qui a changé A l’origine, le terme « apocryphe » vient d’un mot grec signifiant caché. Son emploi par des auteurs chrétiens est lié à la fixation de la liste des écrits canoniques, liste qui, très progressivement, mit deux à quatre siècles à s’établir. Le mot « apocryphe » servit alors à désigner des livres qui, bien que circulant parmi les chrétiens, ne furent pas admis dans cette liste parce que jugés non conformes à l’orthodoxie, autrement dit hérétiques. Ainsi, pour Irénée de Lyon, dans son ouvrage « Contre les hérésies », les écrits attribués aux hérétiques sont qualifiés d’apocryphes ou de bâtards. A noter que cet ouvrage d’Irénée de Lyon est pour nous une source importante de connaissance des apocryphes. Un peu plus tard, Eusèbe de Césarée distinguera les Livres « reçus » (la liste canonique), les livres « contestés », et les livres « inauthentiques et bâtards », c’est-à-dire les apocryphes, inauthentiques signifiant tout simplement hérétiques. Il faut attendre le XXe siècle pour que ce mot d’apocryphe prenne une autre signification. En effet, en s’intéressant plus en détail aux divers milieux qui ont produit ces écrits dits « apocryphes »3, on s’aperçut que les premières générations du christianisme n’ont pas élaboré une doctrine orthodoxe en quelques années ; et que, pendant au moins deux ou trois siècles, si ce n’est plus, il a existé au sein du christianisme naissant une très grande diversité de courants et d’opinions. En témoigne une très abondante littérature remontant à cette époque et qui, depuis le XXe siècle, a fait l’objet d’études approfondies. 1 Le compte-rendu ci-après a été établi par Jean-Luc Wolfender qui s’est fondé, outre quelques notes prises en conférence, sur le livre de Jean-Daniel Dubois : Jésus apocryphe ( collection Jésus et Jésus-Christ n° 99, ed. Mame-Desclée, 2011). Jean-Luc Wolfender disposait également des textes de l’Evangile de Thomas, de l’Evangile de Marie et de l’Evangile de Judas 2 Ecrits apocryphes chrétiens (Coll La Pléiade) (Ed Gallimard) tome 1, sous la direction de François Bovon et Pierre Geoltrain ( 1977) tome 2, sous le direction de Pierre Geoltrain et Jean-Daniel Kaestli (2005) 3 En 1934 Walter Bauer, éminent spécialiste du Nouveau Testament, proposa une thèse selon laquelle parler des hérésies comme issues d’une orthodoxie première était historiquement insoutenable. Il tenta de montrer que les hérésies pré-existaient à l’orthodoxie 2 En outre, juste après la seconde guerre mondiale, deux découvertes majeures sont venues enrichir considérablement les sources dont on disposait et ont bouleversé nos connaissances sur le sujet : en 1945, les manuscrits de Nag Hammadi, dont beaucoup sont d’origine gnostique en 1947, les manuscrits de Qumrân, encore dits « Manuscrits de la Mer morte », dont il sera question à la prochaine conférence. Compte tenu de tous ces éléments, finalement, à compter de 1983 et à la suite de tous les travaux entrepris, l’accord s’est fait sur la signification à donner à ce terme d’apocryphe : « textes anonymes ou pseudépigraphes d’origine chrétienne, qui entretiennent un rapport avec les livres du Nouveau Testament et aussi de l’Ancien Testament parce qu’ils sont consacrés à des événements racontés ou évoqués dans ces livres ou parce qu’ils sont consacrés à des événements qui se situent dans le prolongement d événements racontés ou évoqués dans ces livres, parce qu’ils sont centrés sur des personnages apparaissant dans ces livres, parce que leur genre littéraire s’apparente à ceux des écrits bibliques » définition qui montre qu’en définitive, il ne faut pas considérer les écrits apocryphes comme véritablement en rapport avec la constitution et la clôture du canon des Ecritures. A noter en plus que, souvent les titres de ces livres relèvent de la pseudépigraphie, procédé courant dans l’Antiquité, consistant, pour renforcer l’autorité d’un texte, à l’attribuer à un personnage célèbre, en l’occurrence ici à tel ou tel apôtre (ainsi en est-il d’ailleurs des quatre évangiles canoniques). Quel et le contenu de ces écrits apocryphes chrétiens ? Sous le titre d’évangiles (par exemple évangile de Pierre) ou d’actes de tel ou tel apôtre, ou encore sous des titres divers, ils nous renvoient à divers sujets bibliques et notamment (mais pas seulement) : aux récits de l’Enfance de Jésus, Ils concernent soit la nativité, soit la prime jeunesse de Jésus. Il en sera question dans la dernière conférence sur l’influence des apocryphes en matière d’art, avec Jacques-Noël Pérès aux récits de l’Enfance de Marie, Ils sont à l’origine de bien des éléments ayant fondé le culte marial aux récits de la Passion, On y retrouve le schéma de ce récit tel qu’on le trouve dans les quatre évangiles canoniques à des Actes des Apôtres, relatant leurs voyages et leurs activités missionnaires ou encore des apocalypses attribuées à ces apôtres 3 Un certain nombre de ces textes sont d’inspiration gnostique. Comme on vient de le dire, les découvertes de Nag Hammadi ont considérablement enrichi le fonds de documents gnostiques maintenant connus. Elles ont de plus donné accès à des documents nouveaux provenant directement des gnostiques anciens jusqu’alors connus seulement de manière indirecte. Que faut-il donc entendre par ce mot de gnostiques ? Le terme désigne les « connaissants », ceux qui ont la gnose (la connaissance ; en grec gnosis) des secrets merveilleux qui traitent de la création du monde, des mondes célestes et de leurs habitants, ou des mystères du corps humain, et qui permettent d’obtenir le salut à la fin des temps. Les gnostiques interviennent habituellement dans des cercles ésotériques où l’initiation assure la transmission des connaissances à ceux qui peuvent les recevoir. Cette désignation de gnostiques a été forgée par les Pères de l’Eglise qui les ont combattus dès le milieu du IIème siècle, en raison de leur irruption au sein de communautés chrétiennes. L’irruption de ces groupes gnostiques correspond d’abord au moment où le christianisme a du se forger une identité propre indépendante des structures sociales du judaïsme ; elle correspond également aux premiers essais de rencontre du christianisme avec la philosophie antique. Il y a eu d’ailleurs plusieurs écoles de gnostiques, rassemblés en communautés ressemblant à des cercles de philosophes, chaque groupe désigné souvent à partir du nom de son chef d’école. Indiquons ici qu’un volume récent de la Pléiade est consacré à l’ensemble des écrits gnostiques (Les écrits gnostiques, J.-P. Mahé P.-H. Poirier , Gallimard 2007). En annexe, on trouvera par ailleurs la liste des découvertes de Nag Hammadi. Un aperçu sommaire sur les croyances gnostiques Nous pensons utile de résumer ici, très brièvement et de façon simplifiée, quelques points essentiels de la théologie et de la christologie des gnostiques4. Le Dieu de l’Ancien Testament n’est pas pour eux le dieu suprême. Au-dessus de lui, existe un monde de lumière parfait, éternel, le « Royaume », gouverné par celui qui est le véritable Dieu suprême, et peuplé d’esprits (des « éons »). Mais certains de ces esprits ont chuté dans la matérialité, dominée par l’Esprit mauvais, et donc dans le mal. Le dieu de l’Ancien Testament est de ceux-là. Lui-même soumis au mal, il n’est que le créateur du monde matériel qui fait une large place au mal. Il ne mérite aucune vénération. Les hommes sur terre sont des esprits qui ont aussi subi cette chute et se trouvent ainsi emprisonnés dans un corps charnel et périssable. Ils ne peuvent qu’aspirer à en être libérés pour remonter dans le monde parfait de la Lumière. 4 Paragraphe dont Jean-Luc Wolfender a pris l’initiative 4 Encore faut-il qu’ils en apprennent le chemin, et donc le secret. Ce qui a conduit les gnostiques proches du christianisme à une certaine compréhension du personnage et de la venue sur terre de Jésus. Pour eux Jésus n’est pas le Fils de Dieu. Il ne saurait être le fils du Dieu de l’Ancien Testament. Il est l’envoyé (ou le messager) du Dieu suprême venu pour enseigner aux hommes – du moins à ceux à qui il délivrera son enseignement secret – comment retourner au monde parfait de la Lumière, après qu’ils aient été délivrés de leur corps terrestre. Sauveur gnostique venu sur terre, Jésus a lui-même « revêtu » un corps charnel, un corps fait de matière mauvaise et périssable. Etait-ce pour lui une réelle humanité ou une simple apparence humaine ? Les écoles gnostiques divergent sur ce point et donc aussi sur le fait de dire s’il a souffert sur la croix. Mais quoi qu’il en soit, la mort de Jésus est considérée comme uploads/Litterature/ cycle-2014-2015-1-dubois-apocryphe.pdf
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- Publié le Aoû 12, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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