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apprentissage de la lecture Déchiffrer pour comprendre : une question clé de l’apprentissage de la lecture mardi 28 juin 2016, par Janine Reichstadt L’enquête Lire et écrire (désignée ici ELE) coordonnée par Roland Goigoux, vient de faire l’objet d’un rapport dont la richesse et la précision de l’observation des pratiques d’enseignement de la lecture constitue un atout majeur pour développer et approfondir nos connaissances en la matière. L’échantillon est important : il concerne 2507 élèves répartis dans 14 académies et131 classes où les enquêteurs se sont rendus pendant trois semaines différentes au long de l’année scolaire 2013-2014, munis de grilles d’observations et d’outils de mesure très substantiels. Le rappel des intentions à l’origine de cette recherche l’indique clairement : « Nous voulions identifier les caractéristiques didactiques de celles [les manières de faire des enseignants] qui s’avèrent les plus efficaces et les plus équitables. (…) Nous pensions que nos résultats pourraient alimenter la réflexion sur le pilotage du système scolaire (…) et sur les contenus de la formation initiale et continue des enseignants. » (p.22) Ainsi, l’ambition de connaissance de cette enquête se double ouvertement de la perspective de produire des effets importants sur l’enseignement de la lecture y compris au niveau institutionnel, ce qui situe bien la hauteur des enjeux de l’entreprise. Jean-Pierre Terrail le souligne [1], l’enquête ELE vient conforter les enseignements d’autres enquêtes et notamment ceux du National Reading Panel (USA, 1999), qui insistent sur l’importance décisive de la maîtrise du code dans l’accès à la compréhension. Après plusieurs décennies de volonté de refuser d’admettre ce lien étroit, le voir réaffirmé au travers d’une enquête sérieuse riche d’enseignements, crée une situation inédite qui fait appel à la poursuite de la réflexion sur des points saillants des principes méthodologiques en jeu dans les apprentissages. Quel apprentissage efficace du déchiffrage ? Insister sur le fait que lire c’est comprendre ne règle pas, sans examen serré, la question de la voie efficace pour y parvenir. Aussi bien les chercheurs que les enseignants reconnaissent aujourd’hui la nécessité d’apprendre à déchiffrer aux apprentis lecteurs : le rôle du code dans la lecture a retrouvé la reconnaissance d’une importance que la rénovation des années 1970 a failli lui faire perdre. Et pourtant il n’est pas possible de se satisfaire du flou qui règne encore sur certains principes incontournables sans lesquels l’enseignement du déchiffrage n’est pas en mesure de construire les capacités lectorales des élèves tendus vers la compréhension. De la déchiffrabilité des textes L’enquête ELE s’est livrée à une mesure source d’enseignements particulièrement instructifs qui touche à la déchiffrabilité des textes donnés à lire aux élèves. « Nous avons appelé « rendement effectif » le pourcentage de graphèmes déchiffrables des textes supports à l’enseignement de la lecture utilisés en dixième semaine. » (p.99) Dans les classes observées par l’enquête, les textes proposés alors aux élèves comportent en moyenne 43% de graphèmes déchiffrables, un pourcentage qui recouvre des écarts très importants puisque cette déchiffrabilité varie de 11% à 76%. Cela conduit le rapport à remarquer que d’un pourcentage à un autre « L’activité intellectuelle demandée aux élèves, qu’elle soit individuelle ou collective, n’est donc pas du tout la même. » (p.393) Si 43% est très en deçà d’un minimum nécessaire pour tout le monde, ce taux est particulièrement pénalisant pour les élèves initialement faibles dont les progrès ont besoin de rendements effectifs supérieurs ou égaux à 57 %. Après un tel rapprochement entre la déchiffrabilité des textes et l’activité intellectuelle des élèves, il va être difficile de continuer à réduire le déchiffrage à une activité de bas niveau, confinée dans des automatismes de peu de sens, ennuyeux, trop éloignés des ambitions que l’école se doit d’avoir pour ses jeunes apprentis lecteurs. Mais insister sur le rapport entre la déchiffrabilité des textes et l’activité intellectuelle des élèves ne nous donne pas encore la clé des voies d’accès au déchiffrage des textes déchiffrables. Quand deviner s’invite dans les manuels L’enquête ELE le confirme, la très grande majorité des manuels utilisés par les enseignants renvoie à la logique de l’approche « intégrative » qui inclut un travail du décodage très différent de celui de l’approche syllabique. A cet égard, le Guide pédagogique accompagnant le manuel A l’école des albums qui reçoit une mention spéciale dans l’enquête en raison de son tempo rapide (défini ci-après), est clair sur les recommandations qu’il adresse aux enseignants. Il s’agit d’apprendre aux élèves l’utilisation, de façon simultanée ou séparée selon les cas, de quatre stratégies de décodage : 1/ la reconnaissance d’un mot déjà rencontré ; 2/ le déchiffrage total ou partiel du mot ; 3/ la compréhension du mot grâce au contexte et sa vérification par tâtonnement en recherchant des indices pour vérifier des hypothèses ; 4/la reconnaissance d’un mot dit « masqué » (mot dérivé ou mot ayant subi une variation morphologique). Le manuel qui s’appuie sur ces recommandations procède par entrée phonémique, il va explicitement des phonèmes vers les graphèmes. Aussi, après le repérage du phonème du jour à partir de dessins, et le graphème présenté, des combinaisons syllabiques sont enseignées, suivies de mots déchiffrables, mais les phrases et les textes offerts à la lecture contiennent beaucoup de mots dont l’identification devra faire appel à de la reconnaissance globale, à des hypothèses à partir du contexte, à de la devinette. Le taux de déchiffrabilité des supports de lecture d’À l’école des albums est de 52% : l’étude des correspondances graphophonologiques sont loin de reposer sur cette systématicité essentielle de l’approche syllabique que nous expliciterons plus loin. Brouillée par l’introduction de stratégies qui lui sont étrangères, l’étude de ces correspondances devient parfaitement équivoque. Force est de constater que l’ensemble des manuels « intégratifs » sont dans la même équivocité. Du côté de la formation des maîtres Il n’y a pas que les manuels et les guides pédagogiques qui proposent des démarches conduisant les élèves à deviner, des lieux de formation des enseignants importants le font également. Il importe de le rappeler ici afin de bien se représenter les enjeux majeurs sur lesquels repose la réflexion des pratiques enseignantes. Télé Formation Lecture (TFL) est un site [2] fondé par Alain Bentolila. Créé à partir d’un partenariat entre l’Université Paris V et l’IUFM de Créteil, il est destiné aux formateurs, aux enseignants et aux étudiants. Un espace vidéo permet de visualiser de nombreuses séances d’apprentissage de la lecture au CP, se présentant comme autant d’exemples de pratiques pouvant être valablement suivies. L’avantage de ces vidéos accompagnées de commentaires explicatifs est de permettre de bien se représenter la façon dont concrètement l’identification des mots en vient à recourir au contexte et à la devinette. Qu’on en juge. Le texte d’un article de magazine sur le carnaval est reproduit au tableau. Après un temps de lecture silencieuse le tableau est refermé et les élèves doivent dire ce qu’ils ont réussi à lire, à comprendre, ce dont ils se souviennent. Le tableau est rouvert et suit une « Deuxième lecture et pêche aux mots lus ». Le commentaire qui accompagne la vidéo indique explicitement que les élèves « pêchent » dans le texte les mots, les expressions et les morceaux de phrases qu’ils savent lire, la tâche de l’enseignante étant d’encadrer ces mots désignés par quelques élèves venus au tableau. Pour chaque vidéo le commentaire renvoie à des notions analysées par ailleurs sur le site. Ici nous pouvons aller vers « Reconnaissance logographique - Reconnaissance orthographique - Stratégie de lecture ». Une vidéo suivante montre le travail sur tout ce qui n’a pas été lu et pose problème. Ainsi, les mots non lus dits difficiles « sont devinés par le sens de la phrase ou analysés au cas par cas en cherchant les syllabes. » Le renvoi aux notions analysées par ailleurs dirige vers « Contexte » - « Stratégie de lecture » - « Construction du sens ». La vidéo intitulée « Arrêt sur un mot qui pose problème » est accompagnée de ce commentaire : « L’enseignante relit elle-même tout ce qui a été découvert et, grâce au sens, elle fait deviner les mots qui restaient à lire, tous collaborent. Elle rectifie les confusions. Si un mot n’est pas deviné par le sens, l’enseignante s’arrête et conduit le travail d’analyse. Travail entre ce que l’on voit et ce qui s’entend. » Vient ensuite une « 3e relecture avec le ton ». « Cette fois, les élèves suivent des yeux le texte lu par la maîtresse. Par sa lecture orale l’enseignante donne le ton et aide à la compréhension. Elle pose des questions pour vérifier si le sens du texte est compris. » La notion à consulter est « Lecture à voix haute » faite par l’enseignante. Lors de la transcription écrite d’un mot dicté les élèves sont invités à écrire les lettres du mot en se référant aux mots-clés affichés et utilisés toute l’année. Ils peuvent ainsi se référer au « b » de bonbon et au « ê » de pêche pour écrire « bê » de « bêtise ». De même que uploads/Litterature/ dechiffrage-pour-comprendre.pdf

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