L'antiquité classique Du « Miracle grec » au « Miracle chrétien », classiques e
L'antiquité classique Du « Miracle grec » au « Miracle chrétien », classiques et primitifs dans l'art antique (6 planches) W. Deonna Citer ce document / Cite this document : Deonna W. Du « Miracle grec » au « Miracle chrétien », classiques et primitifs dans l'art antique (6 planches). In: L'antiquité classique, Tome 6, fasc. 2, 1937. pp. 181-230; doi : 10.3406/antiq.1937.3051 http://www.persee.fr/doc/antiq_0770-2817_1937_num_6_2_3051 Document généré le 15/03/2016 DU « MIRACLE GREC » AU « MIRACLE CHRÉTIEN » CLASSIQUES ET PRIMITIFS DANS L'ART ANTIQUE par W. Deonna. Avant-propos Mon intention est de mettre en évidence, dans une recherche d'ensemble que j'intitule: Du «miracle grec» au «miracle », deux conceptions artistiques qui s'opposent dans l'antiquité et qui se perpétuent à travers les siècles jusqu'à nous avec des vicissitudes diverses. Elle prévoit les points suivants : 1 . — Le « miracle grec ». Par un examen analytique des monuments, constatation des profondes différences qui séparent l'art grec des autres arts antiques : Les caractères originaux de l'art grec. 2. — Raisons qui les expliquent : Classiques et primitifs dans l'art antique. 3. — Contact dans l'antiquité entre ces deux conceptions, conflits où la victoire demeure tantôt à l'une, tantôt à l'autre : a) Ce que la Grèce doit à l'étranger, b) L'hellénisation du monde antique, c) Les réactions indigènes du primitivisme. 4. Destinées ultérieures de ces deux conceptions dans l'art : Le primitivisme dans l'art chrétien et la renaissance des classiques ; le « miracle chrétien ». L'étude que voici n'est qu'un fragment de cette vaste enquête (*), et ne traite qu'une partie du point n° 2 (2) ; celle des autres points, 1, 3, 4, formera la matière d'autres publications. (1) Un résumé de cette enquête a paru sous le titre « L'esprit grec et primitif en art », dans la Revue philosophique, 1936, p. 296. (2) On trouvera d'autres chapitres de la même partie dans le Journal de et la Revue internationale de sociologie, 1937. 12 182 w. deonna 1. — L'originalité de l'art hellénique et ses raisons Sur les Grèces diverses du temps et de l'espace (■·), rayonne la Grèce unique et éternelle, celle qui a découvert un jour des notions entièrement nouvelles, qui les a appliquées dans toutes les de sa pensée, et qui les a imposées au monde antique et moderne. Quoiqu'en disent certains lettrés qui refusent aux modernes la possibilité de connaître l'âme de la Grèce antique et de la les formes de son art ne nous paraissent nullement La beauté spiritualiste de la frise des Panathénées nous émeut, comme la beauté plus matérielle du Discobole de My- ron, du Doryphore de Polyclète, parce que ces œuvres réalisent des principes esthétiques et techniques qui ne sont plus seulement ceux des Grecs, mais qui sont devenus les nôtres, reçus de l'Hellade en héritage. Un intervalle de plus de deux mille ans sépare de Cnide de telle statue dressée dans nos parcs publics, dans nos expositions, mais il n'y a entre elles aucun abîme mental. La seconde est la descendante directe de la première. Au contraire, nous éprouvons souvent une impression de devant les œuvres de l'Egypte, de la Mésopotamie, des Hittites. Nous pouvons percevoir en certaines le reflet d'une beauté universelle, d'une commune humanité ; mais beaucoup d'entre elles échappent à notre compréhension, parce qu'elles des pensées trop différentes des nôtres, parce qu'elles en un langage figuré que l'érudition seule nous permet d'entendre, parce qu'elles appliquent des principes spirituels et matériels que nous avons abandonnés et auxquels nous ne plus qu'incidemment. * * * (1) Deonna, Les visages divers de la Grèce, L'Acropole, X, 1935, p. 57. (2) Ibid. DU « MIRACLE GREC » AU « MIRACLE CHRÉTIEN » 183 Cette même impression, le Grec de l'époque classique l'éprouvait lui aussi, quand il voyageait hors de ses frontières, et qu'il entrait en contact avec les arts étrangers. La réciproque était vraie. le Mesopotamien ne pouvaient que s'étonner à la vue des de l'art grec, statues, reliefs, peintures, tout autrement conçus que les leurs. Ëtonnement que tous les peuples non-helléniques partager indistinctement. Si divers en effet qu'ils soient par leurs origines, leurs races, leur vie sociale, si divers au premier abord que paraissent leurs arts, ils se ressemblent sur ce point : ils acceptent en art des principes qui sont chez eux tous à peu de chose prèo les mêmes, et auxquels ils demeurent immuablement fidèles à travers les siècles, malgré les variantes de styles, alors que ces principes ne sont plus ceux de la Grèce classique. L'art des uns paraissait aux autres aussi différent que celui de l'Extrême- Orient le paraît aujourd'hui à un Européen, et vice-versa. J'ai déjà relevé quelques-unes de ces oppositions (1), et j'y ultérieurement en un exposé plus développé, en les pour limiter le sujet, surtout dans la plastique et dans la représentation du corps humain. Ailleurs, c'est la raideur des inertes, figées dans la frontalité, la monotonie de leurs attitudes et de leurs thèmes (2) ; en Grèce, c'est la variété des attitudes que la vie permet à un être au repos, la diversité des sujets. Ailleurs, c'est l'ignorance de la statue en mouvement qui est laissé, et sous des formes conventionnelles, à quelques figurines et au ; en Grèce, c'est la multiplicité des actions, des plus simples aux plus compliquées, des plus lentes aux plus violentes, celles des Discoboles, des pugilistes, des combattants (3). Ailleurs, on ne connaît que des groupes unis par des procédés naïfs ; en Grèce, des groupes qui fixent, sous leur apparence vraie, toutes les possi- (1) Deonna, L'art en Grèce, coll. L'Évolution de l'Humanité, 1924. — id., La place de la Grèce dans l'histoire de l'art antique. Les caractères originaux de la statuaire grecque, L'Acropole, 1931, p. 161, 241. (2) Deonna, L'attitude du repos dans la statuaire de la Grèce archaïque et la loi de frontalité, Rev. arch., 1931, II, p. 42. (3) Deonna, La conquête du mouvement par la statuaire de la Grèce archaïque, Genava, XIII, 1935, p. 80. i 84 W. DEONNA bilités de la réalité. Hostile hors de Grèce à la nudité intégrale, sauf en des cas spéciaux, l'artiste méconnaît la nudité idéale que le Grec érige en principe essentiel de la beauté ; le premier n'a par suite du corps humain qu'une connaissance imparfaite et souvent erronée ; le second donne une traduction précise de son ossature et de sa musculature. Hors de Grèce, le vêtement transparent dévoile le corps ou, opaque, il le dissimule, conventions qui n'ont aucune intention esthétique ; les étoffes sont lisses ou sillonnées de quelques traits rigides et géométriques qui imitent les plis. grec comprend la beauté de la draperie, seule ou associée à ce corps dont elle souligne la nudité ; celle des tracés si divers qu'elle forme sur lui, et qu'il traduit avec une vérité croissante. Ailleurs, ce sont des êtres souvent à peine différenciés entie eux par leur âge, leur sexe, leur rang social, leur origine ethnique, les traits propre^ de leurs visages, les émotions qu'ils éprouvent ; à cette l'artiste grec substitue l'interprétation des multiples et subtiles qui particularisent l'individu dans toutes les possibilités de sa vie physique et spirituelle. A une stéréotypée et abstraite, il substitue une humanité vivante et complexe. Les arts de projection, dessin, relief, ne montrent pas moins que ceux du volume. La construction du corps humain y est régie par des lois arbitraires qui suppléent au raccourci et à la perspective, alors qu'en Grèce une autre vision supprime en pensée le fond sur lequel le corps est plaqué, et place celui-ci tel qu'il paraît dans l'air, déformé par ses attitudes, sa proximité ou son éloignement, par le raccourci et la perspective. Ce ne sont que des teintes plates ; en Grèce, le modelé, le clair-obscur, qui donnent aux corps leurs volumes, leurs positions, utilisent les ressources de la lumière et les baignent dans l'atmosphère. Du reste, la plastique hellénique agit de même5 et elle transforme le modelé superficiel en un modelé de plus en plus profond, ajoute aux deux dimensions la troisième, c'est à dire le volume. Coordonner les éléments d'une composition, que ce soit celle d'un corps isolé ou d'une scène à multiples acteurs, est un problème dont on ne se soucie guère hors de Grèce, n'appliquant que des notions élémentaires de répétition, d'alternance, d'opposition Le Grec acquiert une science subtile de la composition, tant dans le corps isolé- où le préoccupent l'étude des rythmes des valeurs mutuelles entre la nudité et la draperie, DU « MIRACLE GREC » AU « MIRACLE CHRETIEN » 185 que dans les corps groupés, où il assouplit les règles instinctives par des nuances infinies. On pourrait poursuivre par bien d'autres exemples cette opposition. Une étude comparative, une analyse minutieuse des monuments est indispensable à qui veut comprendre de l'art grec, la position qu'il a prise vis à vis des autres Ç). * * * Elles sont cependant trop souvent négligées. Bien des hellénistes se bornent à noter des différences sans les préciser suffisamment, et à parler en termes vagues du uploads/Litterature/ deonna-du-miracle-grec-au-miracle-chretien-classiques-et-primitifs-dans-l-art-antique 1 .pdf
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- Publié le Dec 18, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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