375 Sebane Mounia Directrice du centre d’enseignement intensif des langues (CEI
375 Sebane Mounia Directrice du centre d’enseignement intensif des langues (CEIL) MC. Université de Mascara. Algérie Chercheure associée au CRASC de Oran Résumé : Les étudiants algériens des filières scientifiques ont des difficultés à construire des connaissances disciplinaires solides en langue française vu que toutes les matières scientifiques ont été dispensées au lycée et au collège uniquement en langue arabe. Face à ce constat d’échec, nous nous interrogerons dans le cadre de ce colloque, sur quel français enseigner à l’université algérienne dans les branches dites scientifiques et techniques: le « français sur objectif spécifique » (FOS), ou le « Français sur objectif universitaire » (FOU) ou bien encore le « Français langue étrangère » (FLE). Quel « Français » est le mieux adapté à la situation pour leur faciliter non seulement la construction des connaissances disciplinaires, mais l’acquisition de toutes les compétences nécessaires pour l’apprentissage d’une langue ? Mots–clés : Statut de la langue française, français langue de scolarisation, disciplines non- linguistique, contextualisation des apprentissages. Cet article est l’ébauche d’une réflexion que nous avons entamée au niveau du centre d’enseignement intensif des langues que je dirige au niveau de l’université de Mascara. Je vais décrire la situation linguistique qui prévaut en Algérie pour tenter de comprendre les difficultés auxquelles sont confrontés les étudiants à leur entrée à l’université et les raisons pour lesquelles ils fréquentent les CEIL. Statut de la langue française Le statut de la langue française en Algérie a fait l’objet d’âpres débats depuis l’indépendance du pays en 1962. Le français en tant que langue du colonisateur possède un statut très ambigu. D’une part, il est rejeté par le pouvoir politique et officiel et d’autre part, il est synonyme de réussite sociale et d’accès à la culture et au modernisme (Caubet, 1998). De plus, l’histoire mouvementée de la langue française en Algérie et ses effets sur l’école et l’université expliquent en partie l’échec de l’apprentissage de cette langue et dans cette langue (Abid, 2003). Tantôt langue seconde, tantôt langue étrangère, tantôt langue d’enseignement, quelque fois FOS / FOU : Quel « français » pour les étudiants algériens des filières scientifiques ? 376 même reniée ou ignorée totalement dans les régions les plus reculées du pays, selon les politiques des gouvernants ; la langue français change de statut sans pour autant que les méthodes d’apprentissage/enseignement et la formation des enseignants puissent s’adapter aux nouvelles donnes. Cependant le rôle assumé par la langue française fait de cette dernière une langue de scolarisation, d’information scientifique, de communication et de fonctionnement de plusieurs institutions de l’Etat, en contradiction avec la politique d’arabisation préconisée par le pouvoir politique en Algérie (Asselah- Rahal, 2000). En effet, la langue française est considérée comme langue de scolarisation jusqu’à l’avènement de l’école fondamentale en 1980. Malgré toutes les dispositions prises à l’encontre de l’enseignement de la langue française, cette langue n’a cependant pas disparu du système éducatif. Elle a résisté dans les cycles primaire, moyen et secondaire comme langue étrangère. Elle reste la langue d’enseignement à l’université dans les disciplines scientifiques comme la physique, la chimie, les sciences médicales, les sciences économiques et ou les disciplines techniques. Taleb Ibrahimi (1995) avance l’idée que l’école algérienne produit des « semi lingues », c’est-à-dire des élèves qui ne maîtrisent que partiellement les deux langues, à savoir l’arabe et le français (p. 61). Ce qui a mené aux difficultés d’apprentissage de la langue française et, via cette langue, aux difficultés d’apprentissage des différents domaines de connaissances. C’est cette situation qui provoque de grandes difficultés et de nombreux échecs chez les nouveaux bacheliers formés aux disciplines scientifiques en langue arabe dans le secondaire et en langue française à l’université. Beaucoup d’entre eux se trouvent démunis de tout le bagage linguistique et métalinguistique nécessaire à la compréhension et à l’apprentissage tout au long de leurs études. Ce qui entraine un grand taux d’échec dans ces filières. De plus, le niveau linguistique des étudiants qui accèdent à l’université est tout juste moyen voire débutant A1 selon le Cadre Commun de Référence des Langues (CECR). Cette faiblesse du niveau de compétences en langue pose d’énormes problèmes d’apprentissage chez les étudiants des filières scientifiques. Inévitablement, les lacunes langagières se répercutent sur l’apprentissage théorique de ces spécialités. Ces étudiants sont en effet confrontés à un moment donné de leur cursus, à des situations complexes comme lire de la documentation en langue française en vue de la préparation d’un cours ou d’un exposé dans cette langue, écouter un cours magistral, comprendre l’énoncé d’un problème ou bien résumer un cours. Mais également produire un écrit dans cette langue. Ils se trouvent donc dans l’incapacité de construire des connaissances dans leur domaine via cette langue. Ce sont ces mêmes étudiants désemparés qui arrivent en début d’année au centre d’enseignement intensif des langues (désormais CEIL) et qu’il faut former en urgence non seulement sur le plan linguistique mais également sur Le Français sur Objectifs Universitaires - 2011 pp. 375-380 377 le plan méthodologique. Nous nous trouvons confrontés à deux types de public d’universitaires : le premier est le public étudiant (venant du lycée et inscrit en graduation) et le public de professionnels (enseignants, étudiants en master et donc spécialiste dans le domaine mais pas en langue). D’où la problématique que nous posons : quel français serait le plus susceptible d’aider ces étudiants à surmonter leurs lacunes ? Est-ce le Français sur objectif spécifique (FOS), est-ce le français sur objectif universitaire (FOU) ? Rappels méthodologiques Le Français sur objectif spécifique (FOS) Le français sur objectif spécifique est une expression venue de l’anglais « English for spécific Purposes » (ESP). Il s’agit d’une situation particulière d’enseignement du français langue étrangère (FLE) à l’issue de laquelle l’apprenant doit être capable d’accomplir une activité qui requiert l’utilisation de la langue. L’objectif de cet enseignement est d’amener l’apprenant non pas à connaitre seulement la langue française comme langue de la culture mais d’être apte à faire quelque chose à l’aide de cette langue. L’apprenant n’apprend plus « le » français » mais « du « français » (Lehmann ,1993 : 115 ; Sebane, 2008). Les finalités qui orientent globalement l’action pédagogique dans le domaine de l’enseignement du FOS sont les suivantes : faciliter pour les professionnels et les spécialistes dans le domaine, la communication écrite ou orale en langue française, les aider à lire des documents de leur spécialité, leur permettre d’échanger ou bien de traiter au mieux avec leur homologues français ou francophones. Il s’agit, par ailleurs, de permettre aux étudiants d’accéder à un certain nombre de connaissances par l’intermédiaire du français, dans le domaine d’étude qui est le leur ou qui va le devenir ; de participer ainsi à leur formation, de les préparer éventuellement à qui sera leur vie professionnelle future. Le projet final est de faire acquérir un français utile et utilisable. Français sur objectif universitaire (FOU) Le français sur objectif universitaire, dérivé du FOS est beaucoup plus procédural que linguistique. Il est destiné à des étudiants de niveau et de spécialités confondus. Son objectif général est le « comment » c’est-à-dire comment prendre des notes, comment rédiger un résumé, une synthèse de documents, une introduction, un plan, une conclusion …. Le FOU ne concerne pas seulement le public de scientifique mais aussi les étudiants inscrits dans les filières littéraires. Les étudiants inscrits au CEIL ont besoin non seulement d’une formation linguistique (FOS), mais aussi une formation en méthodologie de travail. En effet, ces étudiants se trouvent désemparés quand il leur faut par exemple prendre des notes à l’écoute d’un cours magistral ou bien à la lecture d’un polycopie, sélectionner les informations importantes, les hiérarchiser (Bouchard ; Parpette, & Pochard, 2003 ; Sebane, 2008). Ces techniques FOS / FOU : Quel « français » pour les étudiants algériens des filières scientifiques ? 378 sont certes sont inexistantes en langue arabe. À titre d’exemple, la langue arabe, contrairement à la langue française, est une langue où les procédés abréviatifs sont quasi absents. il n’existe ni « troncatures conventionnelles », ni oppositions graphiques (majuscules et minuscules). L’étudiant se trouve donc confronté à une langue étrangère dont les conventions idiosyncrasiques lui sont inconnues mais toutefois obligatoires dans l’activité de prise de notes en langue L2. Mais elles sont indispensables pour suivre des études à l’université en langue française. C’est pour cette raison que Boch (1998 ; 2000), Romainville et Noël (1998) et Bessonnat, (1995) considèrent que ces procédures doivent impérativement faire l’objet d’un apprentissage. Face à cette situation, en 2001, l’institut d’hydrologie du centre universitaire de Mascara (maintenant université de Mascara) nous avais sollicité en tant que directrice de l’institut de français afin d’élaborer un matériel didactique spécifique aux étudiants en difficultés de tronc commun sciences et techniques. En collaboration avec le centre de linguistique appliquée de Besançon (CLA) avec ses experts (Thierry Lebeaupin, Paul Smidtt, Jacques Couillerot). Nous avons mis en place un matériel pédagogique « scientifiquement parlant » dans lequel nous initions les étudiants à rédiger une définition, à prendre des notes, à poser des hypothèses. Ce manuel, est calqué un peu uploads/Litterature/ dialnet-fosfou-6434622-pdf.pdf
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- Publié le Jan 07, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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