Entraînement à la dissertation Sujet : « Ce n’est pas avec des idées qu’on fait

Entraînement à la dissertation Sujet : « Ce n’est pas avec des idées qu’on fait un poème, c’est avec des mots » Les étapes pour construire la dissertation Analyse du sujet - Sujet exposé ou sujet discussion/débat ? a- Reformuler la thèse du sujet : un poème n’est pas le résultat d’une idée, il est le produit de la rencontre, de l’association de mots. Il est une matière verbale, sonore avant d’être le fruit d’une pensée. Idée que le mot comme matériau sonore est premier dans l’écriture poétique. => Mallarmé : création d’une hiérarchie. Bien sûr, sa phrase est une provocation mais elle met en lumière une dimension fondamentale de la poésie : elle est art et jeu avec le langage. Cette phrase cherche-t-elle un compromis ? = radicalité, excès trad dans un sujet de dissertation. Pourquoi aller très fort dans ce sens ? A quel cliché s’oppose-t-il ? b- Quels sont les présupposés du sujet ? Ses sous-entendus ? La conception de la poésie implicitement utilisée. (Méthode : toujours se demander cela sur le roman, sur le théâtre, sur l’argumentation) • le mot > idée. Signifiant > signifié. Une pierre/un caillou/ = même signifié, deux signifiants. • Si le mot n’est pas intéressant pour l’idée qu’il apporte, pour son sens, qu’est-ce qui peut intéresser un poète dans un mot ? Ou dans l’alliance de mots ? = leur musicalité, leur matière sonore, leur matérialité comme on s’intéresse à une belle pierre, à une mélodie, à un beau marbre, à une belle couleur. • Le mot importe comme matériau poétique et non comme vecteur de sens. Son but = produire de la beauté et non pas transporter une idée. On exclut de l’écriture poétique le désir de transmettre une idée, d’avoir une intention, un sens à transmettre, un message à faire passer. • Un poème n’est pas au service d’une idéologie. Opposition totale à la poésie engagée. Mallarmé : formule qui veut « céder l’initiative aux mots » et qui focalise le travail du poète sur le façonnage des mots, sur la forme du poème et non sur l’organisation, la mise en scène d’une idée puissante. On jugerait un poème par la qualité de ses mots et non par celle de sa pensée. « Le poète cède l’initiative aux mots par le heurt de leurs inégalités mobilisées ; ils s’allument de reflets réciproques comme une virtuelle traînée de feux et de pierreries », Crise de vers c- Peut-on identifier une thèse ou une conception opposée à celle de Mallarmé ? = idée de la poésie qui pourrait se mettre de toutes les manières possibles au service de l’expression d’une idée. - poésie philosophique, penser l’existence humaine : La Légende des siècles, Les Contemplations. Idée d’une poésie qui pense. - idée d’une poésie engagée. - idée que la poésie est expression < du lyrisme, véhiculer par des idées. Problématique Cherchez une problématique ou s’ils l’ont déjà cherché : la recueillir. « Peut-on soutenir l’idée que le poème se fasse dans le refus du sens et des idées pour ne faire entendre qu’un langage pur ? Mallarmé lui-même a cherché à le démontrer dans son célèbre sonnet en yx. Il se donne le défi de réaliser une forme contraignante (le sonnet) en adoptant la rime la plus difficile qui soit en yx. Le but du poète est de parier qu’une telle contrainte ne manquera pas de poétiser très fortement le texte obtenu. Stéphane Mallarmé, Poésies, « Sonnet en yx » (surnom donné au poème qui ne comporte pas de titre), 1869. Partisan d’une poésie qui arriverait à « la disparition élocutoire du poète » (c’est-à-dire sans le « je »), Mallarmé veut rompre avec une poésie dans laquelle le poète s’épanche ou se raconte. Il fait à l’inverse le choix d’une poésie très exigeante formellement et presque hermétique. Se lançant le défi de faire un sonnet sur la rime la plus difficile qui soit « yx », il compose le texte suivant. Ses purs ongles très haut dédiant leur onyx1, L’Angoisse, ce minuit, soutient, lampadophore2, Maint rêve vespéral3 brûlé par le Phénix Que ne recueille pas de cinéraire amphore Sur les crédences4, au salon vide : nul ptyx5, Aboli bibelot d’inanité sonore, (Car le Maître est allé puiser des pleurs au Styx6 Avec ce seul objet dont le Néant s’honore.) Mais proche la croisée au nord vacante, un or Agonise selon peut-être le décor Des licornes ruant du feu contre une nixe7, Elle, défunte nue en le miroir, encor Que, dans l’oubli fermé par le cadre, se fixe De scintillations sitôt le septuor8. Pour vous entraîner, vous pouvez chercher un plan de dissertation avant de lire celui qui est ci-dessous. 1 Pierre précieuse, voir texte de Gautier 2 Qui porte des flambeaux 3 Qui concerne le soir, le couchant (formé à partir de « vêpres », office religieux du soir) 4 Buffet de salle à manger 5 Mot inventé par Mallarmé, qu’on trouvait déjà sous forme de nom propre dans un poème de Victor Hugo, « Le Satyre ». 6 Fleuve qui sépare le monde des vivants du monde des morts dans la mythologie grecque. 7 Génie, nymphe des eaux dans les légendes germaniques. 8 Composition musicale ou vocale à sept parties ou à sept exécutants. Introduction Il n’est de poète que débordant d’idées. L’imaginaire de la littérature, nourri par les romantiques comme Lamartine ou Musset, représente le poète l’esprit inspiré, les sens en éveil, prêt à exprimer et à traduire dans le langage la foule d’idées qui l’habitent. Conseillant Degas qui ne parvient pas à finir son poème (bien qu’il « ait des idées »), Mallarmé rompt brutalement avec cette conception du poète en déclarant : « ce n’est pas avec des idées qu’on fait un poème, c’est avec des mots ». Avec cette formule, Mallarmé impose une hiérarchie radicale dans son approche de la poésie : le mot est premier, l’idée seconde. La matière sonore ou musicale du mot prend le dessus sur sa capacité à véhiculer une idée ou une pensée. Implicitement, la poésie requiert alors un usage du langage qui s’écarte de la communication traditionnelle pour le « poétiser ». Dans le même temps, c’est tout le rôle du poète et la définition de la poésie qui s’en trouvent bousculés puisque Mallarmé s’oppose à ce qu’ils soient au service d’une idée, qu’il s’agisse d’unifier le poème autour d’un sens ou d’en faire le lieu d’un engagement. Cependant, en se définissant par la recherche de sa beauté verbale, la poésie prend le risque de s’affranchir du sens et, partant, de dérouter voire de perdre son lecteur. Peut-on alors soutenir l’idée que le poème se fasse dans le refus du sens et des idées pour ne faire entendre qu’un langage pur ? Tout d’abord, la poésie s’impose comme un travail sur le langage : le poète cède « l’initiative aux mots ». Cependant, ce travail sur le langage du poète se met aussi au service du sens. Dès lors, la poésie et sa recherche sur le langage ne s’imposent-elles pas au fond comme un renouvellement permanent du rapport des mots et des choses ? Proposition de plan détaillé I - « Céder l’initiative aux mots » (Mallarmé dans Crise de Vers) : le poème comme travail du langage Aussi radicale soit-elle, la formule de Mallarmé nous ramène vers un sens fondamental du mot poète (cf.poiésis), qui en fait un artisan du verbe. De fait, un poète s’impose d’abord par son modelage virtuose du langage. a- La poésie comme ciselage des mots - Idée : le langage comme matériau du poète. Poème bâti sur des mots avant d’être bâti sur des idées. Mots choisis pour un poème le sont potentiellement sur d’autres critères que leur sens. Ex : Théophile Gautier, Emaux et Camées, 1852 : « L’Art » « Oui, l’œuvre sort plus belle D’une forme au travail Rebelle Vers, marbre, onyx, émail. » Par la comparaison avec le sculpteur ou l’orfèvre, le poète est d’abord un artisan des mots. Point de départ de son écriture, justement rappelé par Mallarmé. Triomphe de la valeur sonore des mots au risque de la disparition du sens dans un poème comme le « sonnet en yx », Poésies9. Le poète est d’abord ciseleur de mots b- Poésie et musicalité du langage Faire passer le mot avant l’idée dans la création poétique, c’est mettre en avant sa musicalité. Considérer le langage poétique comme une partition musicale. Intérêt de la pensée de Mallarmé, c’est de rappeler la dette de la poésie envers la musique. - par la rime - par le rythme du vers (et les changements de rythme) - par les effets d’allitération et d’assonance. Ex : Verlaine, Jadis et Naguère, « Art poétique » « De la musique avant toute chose, Et pour cela préfère l’Impair Plus vague et plus soluble dans l’air Sans rien en lui qui pèse ou qui pose » Un maître de la poésie comme Verlaine confirme la pensée de Mallarmé en plaçant la recherche de la musicalité dans le uploads/Litterature/ dissertation-sujet-de-mallarme-1.pdf

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