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Commentaire Les personnages de fiction et réalité ID FDL : 275 © Tous droits réservés – http://www.fichesdelecture.com – info@fichesdelecture.com 1 Sommaire : Du drame familial ou sociétal au conte fantastique : personnages de fiction et réalité. Plan du document de 14 pages : 1. L’erreur judiciaire: tragédie 2. Patrick Dils, personnage de roman 3. Modiano, Le Clézio, Michaux 4. L’Idiot, de Dostoievski. 5. Italo Calvino, Marcovaldo 6. Thomas Mann 7. Policiers, avocats et magistrats 8. Racine, V. Hugo, H. Daumier 9. M. Del Castillo 10.Les aveux, réalité ou fiction ? 11.Fiction et fantasme, fantasme et réalité 12.David Lynch, Hitchcock, Pedro Almodovar, Michel Leiris Analyse : PERSONNAGES DE FICTION ET REALITE Du drame familial ou sociétal au conte fantastique Du drame familial au conte fantastique, il n’y a qu’un pas. Lorsqu’on franchit ce pas décisif qui fait passer de la réalité à la fiction, on élude l’aspect douloureux de la souffrance personnelle et familiale, pour s’immerger dans l’imaginaire débordant des œuvres romanesques. Là, tout devient possible, et le temps lui-même est sans limite, puisque pendant mille et une nuits, Sharâzâd a commencé des contes qu’au matin elle n’avait toujours pas terminés. Et l’aube chassant la nuit, Sharâzâd dut interrompre son récit. Grâce à quoi, Sharâzâd a la vie sauve. Dans l’histoire de Sharâzâd et du sultan, la tragédie a pu, au fil des nuits, se transformer en histoire d’amour et de volupté. Dans le cas de certaines erreurs judiciares, comme dans le procès de Patrick Dils, la fiction s’est transformée en tragédie, et le héros en victime. ♣ L’erreur judiciaire est une tragédie Tragédie, le mot est lancé, avec sa connotation dramatique qui, lorsqu’elle s’inscrit dans le réel, devient lourde de conséquences. Retrouvons le philosophe Michel Serres, et écoutons-le nous parler de la relation entre la victime et la tragédie : "Le mot victime signifie la substitution; de la même origine que vice-versa ou vice-amiral, vicaire ou vicariant, il indique la lieutenance. […] La victime, pendant le processus, lie le représentant au représenté. Voici l'origine de la tragédie, de tout théâtre en général, de toute représentation: le mot grec tragos signifie le bouc ou la bête que l'on sacrifie de façon substitutive. Sur le marbre de l'autel ou les planches de la © Tous droits réservés – http://www.fichesdelecture.com – info@fichesdelecture.com 2 scène, qui va mourir en remplacement de qui? Nul n'a jamais vu au théâtre que des personnages mélangés à des acteurs, autrement dit à des substituts." Dans l’affaire qui nous occupe, nous avons tous les ingrédients. Le meurtre abominable et sadique, le lieu du drame, les deux enfants victimes, et le présumé coupable. Toute l’action dramatique de ce procès qui se transforme en tragédie sera de prouver que l’accusé est bien le vrai coupable, et de tenir cela comme un fait établi. Or, au bout de quinze ans, il vient d’être reconnu que le présumé coupable est lui aussi une victime ! Ce qui fait problème dans l’histoire, est que le personnage principal ne se trouve pas mélangé à un acteur, mais pris pour ce qu’il est -ou ce qu’on veut qu’il soit- Patrick Dils le coupable. Avec un physique à ne pas y toucher, avec un regard d’enfant timide, bien élevé mais apeuré, Patrick ressemble trait pour trait à un personnage de roman. Son étrangeté même pose question. Cet adolescent de seize ans n’est pas comme tout le monde, qui est-il ? Que cache-t-il sous cette apparente malléabilité ? Serait-il donc capable de duper tout le monde, et de donner le change sous une apparence paisible, mais trompeuse ? De là à lui prêter une double personnalité… De là à voir en lui un autre Docteur Jekyll et Mister Hyde… Nous connaissons l’intrigue de ce récit fantastique de R. L. Stevenson. Le bon docteur Jekyll, désireux de décupler son énergie découvre la drogue qui révèlera le sadisme, la volonté de puissance et la violence sexuelle qui sont le refoulé de sa philanthropie. Dr Jekyll le jour, et Mr Hyde la nuit. Le double maléfique, d’abord révocable à merci, prend le pas sur sa personnalité. Le héros finira par se tuer pour tuer le mal en lui. Pourtant, les experts ont toujours récusé l’hypothèse du dédoublement de personnalité. Mais qu’affirment-ils par ailleurs ? Rien de très probant, ils ne comprennent pas. Apparemment, Patrick Dils n’est pas un cas clinique ordinaire. Serge Raymond, expert psychiatre à la cour d'appel de Paris, qui l’a écouté lors du premier procès, estime que « Patrick Dils fonctionne au coup par coup, et colle aux faits. Il a passé quatorze ans en prison mais il ne se révolte pas. Il présente le comportement d'une victime, victime de pressions, victime de la violence des faits, victime parce qu'on lui a attribué ces faits, victime de la rupture de la relation avec sa mère à l'âge de 16 ans, victime de l'incapacité d'un adolescent à dire non. ». ♣ Patrick Dils, véritable personnage de roman - Me Jacques Parisot, avocat de la partie civile : Vous n'êtes pas crédible, Dils ! On n'agit pas comme çà ! - Patrick Dils : Ça, c'est votre caractère ! Demandez à mes parents qui j'étais. - L'avocat général : Au fond, vous nous expliquez que vous avez joué un rôle. J'ai le sentiment d'être en face de celui qui joue l'innocent qui joue le rôle d'un coupable. Avec un scénario aussi terrible, comprenez-vous que vous ayez été condamné par deux cours d'assises ? - Patrick Dils : Aujourd'hui, oui. Mais sur le moment, non. Si Patrick Dils a joué un rôle, ce fut bien inconsciemment, et sans que personne n’ait pu, à l’époque, l’aider à sortir de ce rôle. Mais je pense plutôt que Me Parisot voit juste, lorsqu’il qualifie Dils de personnage en quête d'une vérité insaisissable. Que ce jeune-homme soit directement sorti d’un roman de Patrick Modiano, cela ne fait © Tous droits réservés – http://www.fichesdelecture.com – info@fichesdelecture.com 3 aucun doute. Comme la plupart des « héros » de Modiano, Patrick Dils est à la fois en quête de reconnaissance, incertain de la trouver un jour, et se voit investi d’un rôle étonnant, distribué au hasard, celui de jouer l'innocent qui joue le rôle d'un coupable. Patrick Dils présente toutes les apparences d’un garçon lisse et sans histoire, gentil pour tout dire, alors qu’il se meut dans un univers dans lequel il semble impossible de percer le secret des êtres. Plombé par l’agressivité du monde qui l’entoure, il s’éloigne dans ses terres intérieures, il s’absente et, lorsqu’il émerge, son manque d’affirmation et son incertitude d’être décontenancent ceux qui appellent un chat un chat. C’est aussi d’un personnage, mais de film cette fois, que parle le journaliste du Monde, Jean-Michel Dumay, en décrivant la sortie de prison de Patrick Dils : « Il veut une vie simple, qui commence pourtant, à ses dépens, dans une ambiance de pugilat entre médias, par un quasi-rapt, édifiant, aux portes de la prison, par des gros bras d’une émission de télévision. Une exclusivité aurait été négociée. Auparavant, le jeune homme, en imperméable, comme sorti d’un film de Jacques Tati, est ballotté d’un groupe de journalistes à un autre, contenus par un solide cordon de CRS. Il répond à la demande des uns, à la demande des autres, docile, presque pantin. » • Modiano, Le Clézio, Michaux Nous retrouvons dans plusieurs romans des personnages dont la description physique ou psychologique sont très proches de Patrick Dils. Nous connaissons tous des personnes, hommes et femmes, qui auraient pu tout aussi bien passer aux aveux, se rétracter et se laisser emprisonner à tort, parce que la personnalité, parce que le physique et l’apparence, parce que l’éducation, parce que l’angoisse ou la certitude de n’être rien, parce que la crainte de décevoir, parce que les traumatismes, parce que la pression sociale, parce que… Voici quelques portraits littéraires de ces personnages décalés, ordinaires, pris dans un quotidien, mais qui se révèlent être d’une extrême complexité et, souvent, d’une grande intelligence et finesse d’esprit. Patrick Modiano, dans son roman Des inconnues brosse le portrait d’une personne banale : « De toute façon, ce serait toujours les mêmes gestes. Les mêmes saisons. Les mêmes lacs. Les mêmes cars du dimanche soir. Lundi. Mardi. Vendredi. Janvier. Février. Mars. Les mêmes jours. Les mêmes gens. Aux mêmes heures. Comme lui, je brouillais les pistes. Je me disais qu'une fille aussi simple que moi, qui n'avait qu'un seul nom et qu'un seul prénom, et qui venait de Lyon, ne pouvait pas vraiment l'intéresser. » Telle est l’écriture de Patrick Modiano: une écriture claire et factuelle, pour mieux traduire l'ambiguïté des sentiments et des personnages. Ces derniers sont généralement des gens simples, des gens de tous les jours, mais décalés, qui apparaissent et se rencontrent sans que l'on sache vraiment ce qu'ils pensent, ballottés entre présent et passé. Des personnages qui sont loin d’être des héros, car ils nous ressemblent, dans un quotidien incertain, fait de doutes et de lueurs, de souvenirs partiels qu’il faut à tout prix coudre et recoudre pour qu’ils ne uploads/Litterature/ dossier-professeurs-cours-de-francais-cours-514.pdf
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- Publié le Fev 06, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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