AULU-GELLE LES NUITS ATTIQUES LIVRE SEIZIÈME. CHAPITRE. I. Passage grec du phil

AULU-GELLE LES NUITS ATTIQUES LIVRE SEIZIÈME. CHAPITRE. I. Passage grec du philosophe Musonius, renfermant une maxime non moins utile que digne de remarque. Paroles dans le même sens adressées autrefois par M. Caton aux chevaliers à Numance. LORSQUE dans ma jeunesse, je fréquentais les écoles, on nous répétait souvent une sentence grecque, du philosophe Musonius, que je me suis toujours rappelée avec plaisir, à cause de sa précision, de sa clarté, de son tour périodique et surtout du sens qu'elle renferme. Voici en quels termes elle est conçue : Si à force de travail vous êtes parvenus à faire une bonne action, la peine passe, et le plaisir vous reste. Mais avez-vous goûté quelque plaisir entre les bras de la volupté, le plaisir a disparu, et il ne vous reste que la honte. Quelque temps après j'ai trouvé la même maxime dans le discours que Caton (01) adressa aux chevaliers à Numance (02). Si le tour un peu lâche et le style un peu traînant de la phrase latine ne répondent point à la rondeur et à la brièveté de la période grecque, cependant comme celle-là est plus ancienne, elle a droit à notre vénération. Voici donc de quelle manière s'exprimait Caton : Considérez attentivement en vous-mêmes que, si vous êtes parvenus avec de la peine à faire quelque chose de louable, cette peine disparaît bientôt, tandis que l'avantage du succès vous demeurera toute la vie. Si, au contraire, la volupté vous entraîne dans quelque démarche honteuse, la volupté passe rapidement, mais la turpitude et les remords ne vous abandonneront jamais. CHAPITRE II. Loi de la dialectique, sur la manière d'interroger et de répondre. Inconvénients de cette loi. On rapporte que, dans les écoles de la dialectique (03), il règne une loi qui prescrit une extrême précision dans les réponses qu'on est obligé de faire, lorsqu'on est interrogé sur quelque objet, et qui permet seulement de dire oui ou non. Si quelqu'un s'écartait de cette règle, et se permettait de motiver sa réponse, il passerait pour un esprit sans culture, et qui ignore le grand art de la dispute académique. On ne peut s'empêcher de louer ce laconisme, et de le recommander dans la plupart des dissertations : car l'on ne finirait jamais, si l'on permettait à un discoureur infatigable de se livrer à la manie qui le tourmente. Mais convenons aussi qu'il est des questions captieuses dont il est impossible de se tirer avec succès, si l'on se borne précisément à la réponse oui ou non. Si quelque plaisant, par exemple, vous disait : Répondez-moi ; avez-vous fini de commettre un adultère, ou non ? Si, vous tenant à la méthode de la dialectique, vous vous contentez de nier ou d'affirmer, vous voilà, par votre propre aveu, convaincu d'adultère ; il faut alors, pour se tirer d'embarras, étendre la question, et suppléer ce qui manque. Car enfin, celui qui ne finit pas une chose, nécessairement n'est pas censé l'avoir commencée. Cette espère de question renferme un argument faux ; et, de quelque manière qu'on s'en serve on ne pourra jamais réduire un homme à convenir du crime qu'on veut lui imputer, précisément parce qu'il dit qu'il n'a pas fini de le commettre. Que fera donc, en pareille occasion, le dialecticien scrupuleux observateur de sa loi, comment se tirera- t-il des pièges dans lesquels il ne peut éviter de tomber, en se bornant à répondre seulement d'après la demande ? Car, si je lui disais : Avez-vous, ou n'avez-vous pas ce que vous n'avez point perdu ? Répondez par oui ou par non. N'importe de laquelle de ces deux manières il réponde, le voilà pris. Car, s'il répond que non, je conclurai qu'il n'a point d'yeux, puisqu'il ne les a point perdus ; s'il répond que oui, je le forcerai de convenir qu'il a des cornes, puisqu'il ne les a point perdues. Il est une manière sage et prudente de répondre à de pareilles questions ; c'est de dire : Ce que j'avais je l'ai encore, si je ne l'ai pas perdu. Mais cette réponse n'est plus conforme à la loi dont il s'agit, car on y dit plus que la demande ne l'exige. C'est pourquoi les dialecticiens ont coutume d'ajouter à cette loi : Qu'il ne faut pas répondre aux questions captieuses. CHAPITRE III. Que le médecin Eratistrate a expliqué de quelle manière il se fait que, lorsqu'on cesse de prendre des aliments, on peut supporter quelque temps la faim et résister au besoin de manger. Propres paroles d'Eratistrate à ce sujet. Comme je passais souvent, à Rome, les jours entiers avec Favorin, qui m'intéressait tellement par le charme de sa conversation, que je l'accompagnais partout où il portait ses pas, je le suivis un jour chez un malade qu'il alla voir, et chez lequel j'entrai avec lui. Comme le hasard fit que nous y trouvâmes en ce moment les médecins, il leur dit en grec beaucoup de choses sur l'état du soufrant, entre autres : Qu'on ne devait pas trouver étonnant qu'ayant toujours eu auparavant envie de manger, cette envie se fût passée entièrement après la diète de trois jours qu'on lui avait prescrite. Car, ajouta-t-il, ce qu'on lit dans Eratistrate est à peu près vrai : Que la faim est occasionnée par le vide de l'estomac et des entrailles, qu'il faut remplir pour la faire cesser; que cependant, en se privant de manger pendant quelques jours ; elle cesserait également parce que, alors les entrailles venant à se resserrer et à rétrécir le vide destiné aux aliments, on perd le désir de prendre de la nourriture. Favorin dit encore qu'au rapport du même Erasistrate, les Scythes ont coutume, lorsqu'ils doivent supporter longtemps la faim, de se serrer étroitement avec de fortes ceintures. Car on a cru cette pression du ventre propre à affaibli beaucoup les tourments de la faim. Il ajoute à cela beaucoup de choses semblables, qu'il raconta d'une manière pleine d'affabilité. Ayant eu, depuis ce temps, occasion de lire le premier livre des Divisions d'Ératistrate, j'ai trouvé effectivement dans ce livre ce que j'avais entendu dire à Favorin. Voici, là-dessus, les propres paroles d'Ératistrate : Selon moi, une forte compression du ventre doit rendre propre à supporter une longue privation de nourriture ; car la privation des aliments, lorsqu'elle est grande et volontaire, occasionne d'abord une faim pressante, qui diminue beaucoup ensuite. On trouve encore, un peu plus bas : Les Scythes ont coutume, quand ils doivent rester quelque temps sans manger, de se serrer le ventre avec de larges ceintures, comme si alors ils se trouvaient moins tourmentés par la faim. En effet, quand le ventre est à peu près rempli, comme il ne s'y trouve plus de vide, la faim ne se fait pas sentir ; et quand il est fortement serré, il ne se trouve plus susceptible d'éprouver du vide. Dans le même livre, Ératistrate rapporte qu'on est beaucoup plus sujet à cette faim insupportable que les Grecs appellent boulimie (04), dans les jours où il fait grand froid, que quand l'air est doux et serein. Il ajoute que la cause pour laquelle cette faim dévorante se fait plutôt sentir dans un temps froid que dans tout autre, ne lui est pas bien connue. Voici comment il s'exprime à ce sujet : On ne connaît pas encore bien la cause pour laquelle, dans ce cas et dans d'autres, la faim se fait sentir d'une manière plus pressante quand il fait froid que quand l'air est doux et serein. CHAPITRE IV. De quelle manière et en quels termes les hérauts d'armes du peuple romain avaient coutume de déclarer la guerre aux nations que la République voulait combattre. Formule de serment par rapport à la répression des délits militaires. Obligation des soldats enrôlés de s'assembler au jour dit en un lieu désigné. Raisons qui pouvaient les dispenser de cette obligation. Cincius, au troisième livre de l'Art Militaire, rapporte l'ancienne formule (05) dont se servaient les hérauts d'armes du peuple romain, lorsqu'ils allaient déclarer la guerre et qu'ils lançaient sur la terre ennemie le javelot teint de sang. La voici : PARCE QUE LE PEUPLE HERMONDULE ET LES GUERRIERS DE CETTE NATION ONT OSÉ COMMETTRE DES HOSTILITÉS SUR LES TERRES DU PEUPLE ROMAIN, ET PARCE QUE LE PEUPLE ROMAIN A ORDONNÉ LA GUERRE CONTRE LE PEUPLE HERMONDULE, LE PEUPLE ROMAIN ET MOI, NOUS DÉCLARONS ET NOUS FAISONS LA GUERRE AU PEUPLE HERMONDULE. On lit aussi, dans le cinquième livre de Cincius sur la même matière, cet autre passage curieux. Lorsque autrefois on choisissait les soldats, et que les tribuns les enrôlaient, ils les obligeaient à prêter serment en ces termes : A L'ARMÉE, SOUS LES ORDRES DES CONSULS C. LAELIUS, FILS DE C. , ET L. CORNELIUS, FILS DE P. , A DIX MILLE PAS A L'ENTOUR DU CAMP, NI SEUL, NI AVEC TES CAMARADES, TU NE VOLERAS RIEN DE PROPOS DÉLIBÉRÉ, DONT LA VALEUR EXCÈDE UNE PIÈCE D'ARGENT. CHAQUE JOUR QUE, HORS DU CAMP, TU AURAS TROUVÉ ET EMPORTÉ UN JAVELOT, LE BOIS DU uploads/Litterature/ aulu-gelle-nuits-attiques-livre-16.pdf

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