Disponível em : http://www.techniques- psychotherapiques.org/Pratiques/Approche

Disponível em : http://www.techniques- psychotherapiques.org/Pratiques/ApprochesPsychoth/SensduGeste_Allain2005.html. Acesso em: mai 2013. Sítio eletronico : « Techniques psychothérapiques – Le site des recherches sur les psychothérapies psychodynamiques. » APPROCHE DU SENS DU GESTE EN PSYCHOTHERAPIE A TRAVERS L’EXPERIENCE DU DUENDE Juliette ALLAIN1 Juliette ALLAIN Interne en psychiatrie, Marseille julallain13@aol.com Mots clés : Duende – Flamenco – Improvisation – Art – Psychothérapie ­ Merleau­Ponty – Invisible – Chair – Expression ­ Style – Geste – Phénoménologie. Introduction Le « duende » est un mot espagnol intraduisible en langue française. Il témoigne de l’indiscible rencontré dans des moments de grâce de l’art flamenco. Sa mystérieuse signification semble indiquer, au­delà des divergences culturelles, une facette de notre expérience habituellement passée sous silence. Après avoir approché par différentes « touches » ce que désigne le duende, nous utiliserons le vocabulaire de Merleau­Ponty pour décrire la structure générale d’expérience qui s’y dévoile comme expérience originaire de rencontre corporelle avec le monde. Puis nous reviendrons à des interrogations sur la rencontre psychothérapeutique comme expérience comparable, en certains points, à l’expérience artistique du duende. Première partie : Qu’est­ce que le duende ? Présentation du duende dans son contexte culturel Dans le dictionnaire de la langue espagnole2, le duende a deux significations. Premièrement, et conformément à l’étymologie du mot, qui dérive de « dueño de la casa » (maître de la maison), le duende est un esprit qui, d’après la tradition populaire, habite certaines maisons en y causant quelques dérangements. Il s’agit d’une sorte d’esprit follet, de démon ou de lutin qui parcourt et intervient dans l’intimité des foyers. Le deuxième sens du mot est enraciné dans la région andalouse et la culture du flamenco. Le duende désigne alors littéralement « un charme mystérieux et indiscible ». Les deux significations tendent, en commun, vers une sorte de présence magique ou surnaturelle qui, dans le premier cas est personnifiée, et qui dans le deuxième cas reste plus brute, moins définie. C’est en lisant certains textes de Federico Garcia Lorca qu’on peut parvenir à mieux cerner les facettes de cette expérience. Garcia Lorca en témoigne en musicien, qu’il fut pendant ses jeunes années, et en poète, notamment dans une conférence écrite en 1930, intitulée « La théorie et le jeu du duende »3 . Le duende se manifeste, typiquement, dans le contexte d’un rassemblement familial et amical de la communauté gitane andalouse, réunie pour boire et pratiquer les danses et chants flamencos (la juerga flamenca). Lors de cette fête, à chaque instant, un chanteur ou une danseuse, émerge du public pour sa performance, puis retourne dans la masse pour céder sa place à un autre membre de l’assistance. En somme, chaque participant est potentiellement capable de fournir, à un moment donné, une prestation soliste. En attendant, il prend part à l’accompagnement qui assure la cohésion de l’assistance (palmas, jaleo, qui ponctuent et rythment le spectacle ; exhortations codifiées qui encouragent le soliste). Alors, il peut arriver que le duende soit convoqué : il apparaît lorsque l’émotion est à son comble, au cours d’un moment de connivence totale entre le soliste et l’assistance. Il s’observe à travers des manifestations comportementales qui peuvent être spectaculaires et évocatrices de scènes d’envoûtement : les participants se mettent à déchirer leurs vêtements, où plus discrètement, pleurent, s’embrassent, se donnent l’accolade4. Bien que cette notion prenne sa source dans l’histoire et la culture de la région andalouse, elle déborde largement ce contexte et s’éprouve en d’autres lieux et circonstances : « Lorsque cette évasion s’accomplit, tout le monde en ressent les effets : l’initié qui admire comme le style triomphe d’une manière pauvre, et le profane qui éprouve confusément une émotion authentique5 » et « Tous les arts sont susceptibles de duende6’ . Autrement dit, il y a sous le mot duende une expérience universelle, un phénomène. Approche du phénomène du duende Le duende : un phénomène En premier lieu, la façon qu’a le duende d’exister est de texture phénoménale. Il est de l’ordre de l’apparition, se donne dans une instantanéité vive, indépendante des présupposés théoriques sur l’art. Le profane le reconnaît autant que l’initié et, comme l’écrit Garcia Lorca, « pour [le] chercher, il ne faut ni carte, ni ascèse.[…] Il rejette toute la douce géométrie apprise[…] ». Il survient dans un acte de conscience qui n’est pas connaissance rationnelle d’un objet, mais qui est plus proche de l’acte perceptif. Le duende ne serait pas un phénomène s’il n’était, en même temps que l’objet d’une visée sensible, la manifestation d’une essence. Or, on a déjà pu pressentir qu’il se manifeste dans le duende une signification reconnue comme une idéalité, quelquesoit l’interprétation qu’on en donne : présence magique, esprit qui hante les maisons, ou manifestation divine que certains saluent, dans les fêtes gitanes, d’un signe de croix… Cette idéalité est attestée notamment par le caractère atemporel, ou plutôt omnitemporel du chant andalou, comme s’il y avait une âme supra­individuelle du chant qui survivait aux existences terrestres depuis que les peuples tziganes existent et ont commencé leur exode. Il n’y a pas d’auteur individuel des paroles des chants andalous mais transmission orale de textes anonymes qui appartiennent à tous7. Une espèce de chant originaire immortel se perpétue à travers une histoire millénaire et rejaillit, intact, à travers les corps mortels exprimant le duende. Le duende bouleverse les catégories cartésiennes La façon qu’a le duende d’apparaître est de nature à bouleverser certaines notions héritées de la tradition de pensée cartésienne, à commencer par les notions d’intérieur et d’extérieur. Garcia Lorca insiste longuement sur la distinction entre d’une part le duende, et d’autre part l’ange et la muse, qui sont les figures classiques de l’inspiration artistique : « ange et muse viennent du dehors.[…] En revanche, le duende, c’est dans les ultimes demeures du sang qu’il faut le réveiller8 ». Si l’on est attentif au contexte de son apparition, on s’aperçoit qu’il est à la fois « dans » l’artiste soliste et « en dehors » de lui, dans le public. Plus précisément, il est dans une « région » intervalaire entre le soliste et les autres ; il prend corps dans un embrasement de son soliste et de son entourage. Il est là à la façon d’une atmosphère qui enveloppe, traverse et relie. Si le duende se donne dans un acte d’allure perceptive, il se perçoit toutefois non pas comme une chose, mais comme une forme en mouvement. Garcia Lorca explique que le duende surgit dans « une suite de formes qui dressent leurs profils sur un présent exact. », « impossible pour lui de se répéter ­il importe de le souligner. Le duende ne se répète pas plus que ne se répètent les formes de la mer sous la bourrasque. », il est là dans une présence atmosphérique qui n’est nulle part réifiée. Garcia Lorca formule que « Le duende est pouvoir et non œuvre, combat et non pensée ». Le terme de « pouvoir » renvoie, en opposition à l’œuvre qui est « chose faite », à une ouverture pas encore engagée dans une définition, à un rayonnement sans contours fermés, à une potentialité non thématisée. Le terme de « combat », en opposition à la pensée, renvoie à une expérience infra­réflexive et enracinée dans le corps ; corps qui interagit avec autrui en combattant. Dans la région où le duende prend vie, les notions d’intérieur et d’extérieur n’ont pas lieu d’être, il s’incarne dans un corps avant tout relié aux autres et au monde. Ce corps n’a pas les limites de l’anatomie médicale, de la peau ; n’a pas de contours fermés et peut s’étendre jusqu’au ciel, qui est un espace vécu sans contours, mais structuré par un horizon. Ainsi en témoigne Garcia Lorca lorsqu’il décrit la figure du chanteur comme s’inscrivant « entre deux grandes lignes, l’arc­en­ ciel à l’extérieur, et le zig­zag qui serpente dans l’âme10’ . La corporéité est une coordonnée indispensable à l’expérience du duende, le duende n’existe pas sans un corps à habiter : « Tous les arts sont susceptibles de duende, mais là où il se déploie le plus librement, c’est, naturellement, dans la musique, dans la danse et dans la poésie déclamée, parce que ces arts ont besoin d’un corps vivant qui les interprète[…] 11» . Le duende entrelace l’esprit et le corps à la façon dont Merleau­Ponty utilise le terme d’expression. Pour Merleau­Ponty, ce concept décrit le passage réciproque d’un intérieur vers un extérieur et d’un extérieur vers un intérieur, ou d’un mouvement réciproque de sortir de soi et de rentrer en soi. L’expression est « une opération primordiale de signification où l’exprimé n’existe pas à part de l’expression12 » Il n’y a de signification qu’incarnée dans un corps, il n’y a de sens qu’exprimé. Si bien que le fait de séparer le corps de l’idée n’est qu’une rationalisation après­coup qui substitue à l’expérience brute une représentation théorique du monde. Cette idéalité exprimée par le corps dans le duende est fondamentalement une idéalité de la vie quotidienne. Si l’on apprend aux enfants espagnols que le duende se cache dans la uploads/Litterature/ duende-j-allain-approche-du-sens-du-geste-en-psychotherapie-a-travers-l-x27-experience-du-duende.pdf

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