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EHESS is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Annales d'histoire sociale (1939-1941). http://www.jstor.org EHESS La sensibilité et l'histoire: Comment reconstituer la vie affective d'autrefois? Author(s): Lucien Febvre Source: Annales d'histoire sociale (1939-1941), T. 3, No. 1/2 (Jan. - Jun., 1941), pp. 5-20 Published by: EHESS Stable URL: http://www.jstor.org/stable/27574143 Accessed: 04-11-2015 18:29 UTC Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at http://www.jstor.org/page/ info/about/policies/terms.jsp JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. This content downloaded from 200.27.73.13 on Wed, 04 Nov 2015 18:29:16 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions LA SENSIBILIT? ET L'HISTOIRE Comment reconstituer , = la vie affective d'autrefois ? I j a Sensibilit? et l'Histoire : sujet neuf. Je ne sais pas de livre o? il soit trait?. Je ne vois m?me pas que les multiples probl?mes qu'il engage se trouvent formul?s nulle part. Et voil? donc (qu'on pardonne ? un pauvre historien ce cri d'artiste) ? et voil? donc un beau sujet ! Tant de gens s'en vont qui se d?solent ? chaque pas : plus rien ? d?couvrir, para?t-il, dans des mers trop fray?es. Qu'ils se plongent dans les t?n?bres de la Psychologie aux prises avec l'Histoire : ils reprendront du go?t ? l'exploration. Il n'y a pas tr?s longtemps, je lisais le compte rendu d'une S?ance de l'Acad?mie des Sciences Morales et Politiques. Un histo rien pr?sentait ? la docte compagnie les conclusions d'un m?moire qu'il venait de composer sur un des cas d?sesp?r?s de l'histoire anecdotique : quelle port?e convient-il de donner aux fameuses ? Lettres de la Cassette ? de Marie Stuart, ^et quelle explication sied-il, en v?rit?, d'adopter pour traiter ? scientifiquement ? ce fait-divers illustre : le mariage de la reine d'Ecosse avec l'assassin de son mari ? Notre historien expliquait donc que l'on pouvait, de guerre lasse et faute de mieux, recourir ? la psychologie pour ?lucider ce myst?re. Il parlait aussi de ? l'imagination intuitive ? : on peut l'employer, d?clarait-il, comme un mode de divination, quand il s'agit d'un cas individuel ; elle est d'ailleurs tr?s d?cevante, car enfin, le Napol?on de Stendhal n'est pas celui de Taine, qui n'est pas celui de, etc. ? Je ne d?veloppe pas davantage : mais lui, il d?veloppait ! Et il ajou tait : Il y a en tout cas un domaine qui est totalement ferm? ? la psychologie. Un domaine o? elle n'a que faire. C'est celui de l'his toire impersonnelle, de l'histoire des institutions et de l'histoire des id?es : institutions, id?es saisies dans une soci?t? donn?e pendant une certaine dur?e ; l?, ? l'imagination intuitive ? ne peut jouer aucun r?le. Si j'avais eu quelque doute sur l'opportunit? d'un examen d?s rapports de la Sensibilit? et de l'Histoire, ma lecture l'aurait dis sip? sur l'heure. Je voudrais essayer de dire pourquoi. Mais d'abord, deux mots de d?finition. Sensibilit? est un assez vieux mot. Il est attest? dans la langue au moins depuis le d?but du XIVe si?cle ; son adjectif, sensible, l'avait pr?c?d? quelque peu, comme il arrive. En vivant, comme il arrive ?galement, ? sensibilit? ? s'est This content downloaded from 200.27.73.13 on Wed, 04 Nov 2015 18:29:16 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions 6 ANNALES D'HISTOIRE SOCIALE charg? de sens divers. Il y en a d'?troits, il y en a de plus larges et que, dans une certaine mesure, on peut localiser dans le temps. C'est ainsi qu'au xvne si?cle, le mot semble surtout d?signer une certaine susceptibilit? de l'?tre humain aux impressions d'ordre mo ral : on parle alors beaucoup de sensibilit? au vrai, au bien, au plai sir, etc. Au xviii6 si?cle, le mot d?signe une certaine fa?on particu li?re d'avoir des sentiments humains ? des sentiments de piti?, de tristesse, etc. Et le travail des synonymistes consiste surtout alors ? opposer le sensible au tendre : la sensibilit?, ?crit par exemple l'abb? Girard dans son exquis trait? des Synonymes fran?ais (je me sers de l'?dition revue par Beauz?e, Paris, 1780, t. II, p. 38) ? ? la sensibilit? tient plus ? la sensation, la tendresse au sentiment. Celle ci a un rapport plus direct aux transports d'une ?me qui s'?lance vers les objets ; elle est active. Celle-l? a une relation plus marqu?e aux impressions que les objets font sur l'?me ; elle est passive... La chaleur du sang nous porte ? la tendresse ; la d?licatesse des organes entre dans la sensibilit?. Les jeunes gens seront donc plus tendres que les vieillards ; les vieillards plus sensibles que les jeunes gens ?... Mais il y a d'autres sens du mot. Des sens mi-scientifiques et mi-philosophiques que la culture, telle qu'on la distribue dans les lyc?es, tend ? faire pr?dominer petit ? petit, ? Sensibilit?, commen ?ait d?j? par dire Littr? : propri?t? d?volue ? certaines parties du syst?me nerveux, par laquelle l'homme et les animaux per?oivent les impressions, soit faites par les objets du dehors, soit produites ? l'int?rieur. ? Disons, nous, sans nous embarquer dans un effort de d?finition personnelle totalement illusoire et sans nous r?f?rer, d'autre part, ? la vieille psychologie p?rim?e des facult?s de l'?me (elles ?taient trois, comme chacun sait : intelligence, sensibilit? et volont?) ? disons que sensibilit? ?voque pour nous, et ?voquera dans le cours de notre ?tude pr?sente, la vie affective et ses manifes tations. Sur quoi, j'attends l'objection : ? Ceci ?tant, o? prenez-vous votre sujet : la sensibilit? et l'histoire ? Choisissons un exemple : ? la base de la vie affective, et donc de la sensibilit? telle que vous la d?fi nissez, il y a les ?motions. Or, quoi de plus rigoureusement indi viduel, quoi de plus strictement personnel qu'une ?motion ?? ? Examinons l'objection. Mais d'abord que j'en pr?vienne mes lec teurs : dans tout ce qui va suivre, je me r?f?rerai ? l'excellent tome VIII de Y Encyclop?die Fran?aise, La Vie mentale, o?, pour la premi?re fois, les savants qui sont ? l'extr?me pointe de la recherche psychologique dans notre pays nous ont donn?, avec une rare et heureuse audace, un tableau d'ensemble du d?veloppement psychique de l'Homme observ? d'un bout de sa carri?re ? l'autre ? du jour de sa conception au jour de sa mort. Et je me r?f?rerai, plus par ticuli?rement, ? l'original article sur les ?motions qu'a sign? le Dr Wallon lui-m?me : peu de lectures peuvent mieux ?clairer une lanterne d'historien en qu?te de clart?. This content downloaded from 200.27.73.13 on Wed, 04 Nov 2015 18:29:16 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions LA SENSIBILITE ET L'HISTOIRE 7 *** Donc, objectera-t-on, quoi de plus rigoureusement individuel, quoi de plus personnel qu'une ?motion ? Bien plus, quoi de plus stric tement momentan? ? Ne sont-elles pas une parade, ou une riposte instantan?e ? de certaines sollicitations de l'ext?rieur ? Et ne tradui sent-elles pas des modifications de nos organes qui, par d?finition, sont incommunicables ? La vie affective est, en fait (pour employer une formule de Charles Blondel dans son Introduction ? la Psycho logie collective, p. 92), ce qu'il y a ? de plus n?cessairement et de plus inexorablement subjectif en nous. ? D?s lors, qu'est-ce que l'histoire a ? d?m?ler avec tout ce personnalisme, tout cet individua lisme, tout ce subjectivisme psychologique ? Lui demande-t-on d'analyser dans ses causes organiques tel acc?s de peur, de col?re, de joie ou d'angoisse de Pierre le Grand, de Louis XIV ou de Napol?on ? Et quand cet historien nous aura dit : ? Napol?on eut un acc?s de rage ? ? ou bien : ? Un moment de vif plaisir ? ? sa t?che ne sera-t-elle pas termin?e ? lui demandera-t-on de descendre dans ?e myst?re physiologique des visc?res du grand homme ? Tout ceci, fort sp?cieux. D'abord, parce qu'il ne faut pas con fondre : une ?motion, c'est autre chose sans doute qu'une simple r?action automatique de l'organisme aux sollicitations du monde ext?rieur. En tant que parade et riposte, il n'est pas prouv? que les r?actions dont elle s'accompagne, et qui la caract?risent, soient tou jours de nature ? acc?l?rer, ? rendre plus pr?cis, plus divers et plus vifs les gestes de l'homme en proie ? l'?motion. Tout au contraire. En fait, les ?motions, le Dr Wallon dit fort bien qu'elles cons tituent une formule nouvelle d'activit?, qu'il ne faut pas confondre avec les simples automatismes de r?plique. Et d'abord, elles puisent ? d'autres sources de la vie organique : mais ceci est peu impor tant pour nous, historiens, qui ne sommes point habilit?s pour pros pecter ces sources. Ce qui est beaucoup plus important, c'est que les ?motions, contrairement ? ce qu'on pense quand on les confond avec de simples automatismes de r?action uploads/Litterature/ febvre-lucien-la-sensibilite-et-i-historie-comment-reconstituer-la-vie-affective-d-autrefois.pdf
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- Publié le Sep 14, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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