SUMAQ T'IKA: La Princesse du village sans eau Author(s): Georges DUMÉZIL and Pi

SUMAQ T'IKA: La Princesse du village sans eau Author(s): Georges DUMÉZIL and Pierre DUVIOLS Source: Journal de la Société des américanistes , 1974 - 1976, Vol. 63 (1974 - 1976), pp. 15-198 Published by: Société des Américanistes Stable URL: http://www.jstor.com/stable/24605485 JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at https://about.jstor.org/terms Société des Américanistes is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Journal de la Société des américanistes This content downloaded from 138.237.49.113 on Thu, 02 Sep 2021 17:38:23 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms SUMAQ T'ÏKA La Princesse du village sans eau par Georges DUMÉZIL et Pierre DUVIOLS INTRODUCTION Le voyageur qui parcourt les vallées des Cordillères (celle du Cuzco 3 500 mètres) rencontre à chaque instant les traces d'un art incaïque d conquérants, à juste titre, s'émerveillaient et que leurs successeurs ont péricliter : l'irrigation (qarpay), le transport de l'eau sur de longues distan Aujourd'hui désertes, mais bien conservées, les terrasses de culture (pataha « andenes ») qui se succèdent pendant plus de cent kilomètres de part et d du Rio Sagrado témoignent de l'audace et de l'habileté des ingénieurs de l'E Partout dans les environs du Cuzco, et jusque dans les ruines mêmes citadelle de Saqsaywaman, au lieu dit Muya Marka, apparaissent des f ments de canalisations. Les fameux « amphithéâtres » de Moray, récem découverts près de Maras, à une cinquantaine de kilomètres au N.-E. de la et qui ne me paraissent pas être autre chose que de savants ensembles de ja contiennent de curieuses rigoles de pierre, tantôt verticales, tantôt horizo qui dirigeaient et répartissaient l'eau. Fort réduite," et plus rudimentaire, l'irrigation se pratique toujours elle, seuls les fonds de vallées seraient utilisables. De nombreux ruissea ficiels (yarqha « acequias ») descendent, par de longs zig-zag, sur les flancs montagnes, permettant les cultures. Dans le Cuzco même, tout le qu situé au bas de la montagne jumelle de Saqsaywaman qui, depuis 1945, l'énorme croix offerte à la ville par la colonie arabe — Quiscapata et les ru adjacentes — est alimenté en eau par un yarqha qui se détache de la sa petite rivière de Saqsaywaman juste au-dessus des ruines énigmatiqu Sapantiyana « le Siège Solitaire ». Il n'est donc pas étonnant que le folklore du département fasse une place aux yarqha, à l'irrigation. Une tradition, rattachée à divers lieu particulièrement populaire. Tout jeune, longtemps avant de devenir un bilité cuzquénienne, Nicanor Jara la connaissait bien, car, tout près pueblo natal d'Urcos 1, à cinq lieues au S.-E. du Cuzco, s'élèvent enco 1. Sur Nicanor Jara y Barrionuevo, né en 1872, mort aux environs de I960, j'ai quelques indications biographiques dans les Mélanges Isidore Lèvy, Annuaire de l'I This content downloaded from 138.237.49.113 on Thu, 02 Sep 2021 17:38:23 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms 16 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES ruines dites Piqui Llacta [Piki Llaqta], « le pueblo puce, le pueblo miniatu site archéologique très anciennement occupé et qui commence seuleme révéler ses richesses. Or, c'est là que de vieux auteurs situent l'aventure père du futur dramaturge, don Mariano Isidoro Jara, en passant auprè ruines, ou plutôt au travers (car elles barrent d'un mur continu un étranglem de la vallée) aimait à lui rappeler ce qu'en avait dit Pio B. Meza, au pre tome de ses Annales. Les restes du pueblo proprement dit sont sur une meseta, un petit plateau, non loin du point appelé Rumi Ccolcca [Rumi Qulqa] « le Grenier de pierre », l'un des plus vénérés jadis parmi les apachetas situés sur les quatorze routes qui convergeaient vers la métropole de l'Empire. Comme tous les bourgs voisins du Cuzco, Piqui Llacta était alors peuplé de nobles familles. Mais, situé sur une éminence (car la plaine était réservée à l'agriculture et l'on craignait aussi les coups de main des barbares), il manquait absolument d'eau et ses habitants devaient aller en chercher à de grandes distances, au prix de beaucoup de fatigues. Malgré plusieurs tentatives, les Cuzquéniens n'avaient pas réussi, à y conduire, à y faire aboutir un yarqha. Une année, en juin, à la fête du solstice d'hiver — fête pour laquelle tous les pueblos des environs se déversaient sur la capitale — la fille du cacique de Piqui Llacta, Sumac Ttica [Sumaq T'ika], « la Belle Fleur », attira les regards de beaucoup de jeunes nobles, mais elle se montra froide et insensible : ses pensées étaient ailleurs. Elle voulait que son pueblo eût de l'eau et, là où la science des hommes et l'autorité de l'Inca avaient échoué, il ne restait qu'un ressort, l'amour. Parmi les prétendants se distinguait Auqui Ttito [Awki T'itu] « le Prince Prévoyance », fils unique d'un cacique du Ccolla Suyu [Qulla Suyu], de la Pro vince du Sud, un des quatre suyu de l'Empire ou Tahuantin Suyu [Tawantin Suyu], « les quatre provinces ensemble ». Bien apparenté, puissant, intelligent, énergique, ce jeune homme avait déjà joué un rôle brillant dans plus d'une conquête et avait gagné l'estime de l'Inca Pachacutec [Pacakutiq] et du prince héritier Ccapacc Yupanqui [Qhapaq Yupanki], sous les ordres \le qui il avait servi contre les barbares, au N.-E. du Cuzco. Un jour, six prétendants se trouvaient réunis à Piqui Llacta. Ils avaient convenu d'insister galamment pour qu'elle se décidât et choisît entre eux. Elle profita de l'occasion : « Je ne prendrai pour époux, dit-elle, que celui qui amènera jusqu'ici assez d'eau pour arroser un jardin qui me produise de belles et abondantes fleurs ». N'était-ce pas une fin de non-recevoir ? Tristes et déçus, les prétendants se retirèrent. Tous, sauf Auqui Ttito. Plein d'ardeur, il convoqua ses parents, ses amis, ses frères d'armes et leur exposa la situation. Ils lui promirent leur aide. Au milieu de l'attention générale, il se mit au travail. Il lui fallait donc « marchar a su destino, cual el beligerante de Philologie et d'Histoire Orientales et Slaves, XIII, Bruxelles 1953, p. 123-134, sous le titre « De l'opérette au mythe : le Père et la Mère Aigles et le cheminement de l'eau ». V. aussi mon article des Miscellanea Paul Rivet, México 1958, pp. 161-164, « En marge de Sumaq T'ika », auquel je fais ici de larges emprunts. This content downloaded from 138.237.49.113 on Thu, 02 Sep 2021 17:38:23 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms SUMAQ t'iKA 17 que busca al enemigo, serpenteando, faldeando, subiendo y bajando por entre sinosidades y brenas, por entre barrancos y serranias », — car les contes et les légendes sur l'irrigation ne veulent pas connaître les lois d'hydrostatique. Il lui fallait surtout vaincre l'obstacle, apparemment infranchissable, du ravin abrupt de Rumi Ccolcca, où l'eau devait descendre avant de monter au plateau de Piqui Llacta. Auqui Ttito eut l'audace de construire un long mur, un véritable aqueduc, qui coupa le ravin et permit à l'eau de passer, sans descendre, de la dernière hauteur où elle avait été amenée jusqu'au plateau. Double bénéfice : Rumi Ccolcca, jusqu'alors exposé aux invasions, se trouva protégé par un rempart. Et le Prince Providence épousa la Belle Fleur. Dans la province voisine, de Calca [Khallka], à Urco [Urqu] (qu'il ne faut pas confondre avec Urcos, chef-lieu de la province de Quispicanchi), la tradi tion revêt la forme suivante (v. Alfredo Yépez Miranda, dans El Comercio du Cuzco, 28 juillet 1952, éd. du soir, p. 12, col. 5-6). Le seigneur Onco avait une fille très belle, nommée Sumac Ttica ; comme deux puissants caciques aspiraient en même temps à sa main, le père promit de l'accorder à celui qui réussirait à donner l'eau au pays aride. Deux armées de travailleurs, conduits par les amoureux, se mirent à construire deux canalisations pour faire descendre l'eau d'un lac situé dans la puna, l'une « llegando por el mismo filo de la cresteria de los cerros », l'autre « bordeando la ladera ». Tous deux arrivèrent au but en même temps. Ils décidèrent de confier la décision aux armes. Ils se battirent et le vaincu fut celui que préférait Sumac Ttica dans son cœur. Désespérée, elle alla près de l'acequia construite par son aimé, invo qua les dieux et fut changée en pierre. Cette version de la légende vient d'un habitant actuel d'Urco, Tomâs Paine, qui dit la tenir de la bouche de vieux indigènes. On en connaît d'autres encore. Il y a un quart de siècle, un chauffeur du Cuzco raconta en ces termes l'aventure — associant Urcos et Urco — à un rédacteur de l'hebdomadaire « 1952 » (N° du 7 juillet 1952, p. 13 : « El castigo de Inti »). Retiré du service, le général Tambo Urco vivait dans la vallée d'Urcos, con sacrant ses vieux jours à l'agriculture. Pour toute famille il n'avait qu'une uploads/Litterature/ duviols-sumaq-tika-princesse.pdf

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