L'UTILISATION DE LA TRIFONCTIONNALITE D'ORIGINE INDO-EUROPEENNE CHEZ LES AUTEUR

L'UTILISATION DE LA TRIFONCTIONNALITE D'ORIGINE INDO-EUROPEENNE CHEZ LES AUTEURS GRECS CLASSIQUES Author(s): BERNARD SERGENT Source: Arethusa , FALL 1980, Vol. 13, No. 2, INDO-EUROPEAN ROOTS OF CLASSICAL CULTURE (FALL 1980), pp. 233-278 Published by: The Johns Hopkins University Press Stable URL: https://www.jstor.org/stable/26308132 JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at https://about.jstor.org/terms The Johns Hopkins University Press is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Arethusa This content downloaded from 31.158.211.19 on Wed, 29 Sep 2021 11:06:57 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms L'UTILISATION DE LA TRIFONCTIONNALITE D'ORIGINE INDO-EUROPEENNE CHEZ LES AUTEURS GRECS CLASSIQUES BERNARD SERGENT ο, 'Ν CONNAIT le paradoxe présenté par la Grèce dans le domaine de ses origines culturelles: alors que sa langue est typiquement indo-européenne, plus conservatrice même que plusieurs autres de la même famille pour nombre de traits, l'essentiel de la mythologie et de la symbolique indo européenne, telles qu'elles ont pu être reconstituées par comparaison des données indiennes, iraniennes, latines, Scandinaves, ne se retrouve chez elle qu'entrés faible partie, et/ou amplement modifié.1 Pourtant, les travaux menés depuis une quarantaine d'années ont permis de déceler un nombre finalement important de cas de classifi cations trifonctionnelles en Grèce, dans les mythes, dans la théologie, dans le droit, dans la littérature. Le paradoxe signalé plus haut se nuance alors d'un autre, qui dispose les concepts un peu autrement: comme la tri fonctionnalité d'origine indo-européenne ne donne pas en Grèce leur forme aux grands thèmes religieux et mythologiques, ce ne sont pas les textes les plus anciens - contrairement à ce qui se passe en Inde, à Rome ou en Iran - qui offrent des exemples d'utilisation de cette méthode clas sificatoire, mais des écrits d'époques diverses, souvent relativement récente; en effet, les thèmes trifonctionnels sont bien rares dans les poèmes homériques,3 ils jouent un rôle par contre important chez Hésiode,4 mais c'est avec Platon, au IVe s., qu'ils occupent, un moment, le devant de la scène, et donnent lieu aux plus magnifiques développements. Tout se passe dès lors comme si les concepts indo-européens avaient été submergés ici par un courant idéologique qui, quelle qu'en soit l'origine - indo-européenne mais transformée, ou "pré-hellénique," ou Orientale. OU. olus vraisemblablement élaboration lorale à nartir Hec différents matériaux préexistants - est devenu largement dominant la pensée grecque, mais avait laissé marginalement, dans quelques can ou milieux particulièrement conservateurs, des souvenirs, des "survivance vivants, toujours utilisés pour classer les divinités, les événements, lois; et cela, de manière suffisamment forte, pour que des auteurs d'ép relativement tardives aient pu en être informés et les avoir utilisé profit. 233 ARETHUSA Vol. 13 (1980) 2. This content downloaded from 31.158.211.19 on Wed, 29 Sep 2021 11:06:57 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms 234 Bernard Sergent Aux Ve et IVe s., la trif place, plus ou moins impo dans la pensée politique - H qu'ils en font n'est ni hom problèmes: l'exposé qui s prétation. I. Eschyle. Une constatation restrictive s impose α aoora: tscnyie est le seul auteur attique du Ve s. qui paraisse faire usage, en termes souvent clairs, de la trifonctionnalité. Il est possible qu'à la fin du siècle, Aristophane insère un serment "trifonctionnel" dans les Nuées, comme l'a proposé de manière séduisante Janine Orgogozo dans un article de 1949,5 mais alors, bien évidemment, il ne fait là que citer une formule stéréotypée prise dans un rituel d'antique origine. Et il s'ajoute à cette première restriction qu'il n'est point sûr que le premier grand dramaturge athénien ait connu la trifonctionnalité comme doctrine visant à donner une interprétation exhaustive des aspects du monde. Il est possible en effet qu'il ait appris, de sources différentes, quelques cas très particuliers d'application de la division trifonctionnelle, et qu'ainsi il n'ait pas été en mesure de percevoir ce système classificatoire dans toute son ampleur. Les documents sont en effet les suivants: a) En 1953, G. Dumézil notait qu'il est évoqué précisément trois mnvene dp détruire un emnire. selon le dialogue d'Atossa et de l'ombre de Darios dans les Perses, et que ces trois moyens recouvrent les trois fonctions indo-européennes (713-716): Atossa: ... tu vas tout savoir en peu de mots, Darios: la puissance perse, je puis le dire, est anéantie. Darios: Et comment? Est-ce la peste, est-ce la guerre civile qui s'est abattue sur l'Etat? Atossa: Non, mais près d'Athènes notre armée a péri tout entière. Darios évoque bien deux possibilités, l'une naturelle — les traditions des divers peuples indo-européens montrent bien que la santé est du domaine de la troisième fonction6 — l'autre politique, la sédition, dont Darios lui-même a connu les effets, au sommet de l'Etat, au tout début de sa carrière,7 mais il ne songe pas, tant la puissance de l'armée perse qu'il This content downloaded from 31.158.211.19 on Wed, 29 Sep 2021 11:06:57 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms La Trifonctionalitë indo-europëene chez les Grecs 235 a forgée est colossale, à une éventualité d'ordre militaire; et c'est précisé ment cela qu'Atossa lui oppose: la Perse a été frappée dans le domaine où précisément elle excellait et semblait inébranlable.8 Or, il est douteux que ce bel exemple de trifonctionnalité chez Eschyle soit du cru de l'auteur, c'est-à-dire que le dramaturge ait librement décidé de classer les fléaux qui frappent occasionnellement les pays selon des conceptions qu'il aurait apprises par ailleurs. Dumézil est revenu à plusieurs reprises sur cette question, et le mieux me paraît de citer ses plus récentes réflexions. On trouve dans les textes iraniens, indiens et gallois, notait-il dans les npica minora ae My me et epopee ι (îyoej, une ciassuication truonc tionnelle des "ennuis" qui peuvent affecter un homme ou un pays.' L'Iran offre à ce sujet un texte archaïque de VAvesta;10 de plus, Le grand roi Darius, dans une inscription de Persépolis (d, 1.15-21), a de même défini trois fléaux dont il demande à Ahuramazdâ de garder son empire. En 1938, M. Benveniste en a marqué la valeur trifonctionnelle:11 Qu'Auramazdâ protège ce pays de l'armée ennemie, de la mauvaise récolte, du mensonge. Que ne viennent à ce pays ni l'armée ennemie, ni la mauvaise récolte, ni le mensonge. Ce dernier mot, dans la terminologie du grand roi, repré sentant de Dieu sur la terre, outre le péché de tromperie, le plus grave selon le mazdéisme, désigne l'"illoyalisme," la méconnaissance de la souveraineté du roi par des prétendants ou par des rebelles, dont ses inscriptions parlent si abondam ment. Cette formule perse devait être célèbre, car, dans des jours pathétiques, elle a atteint les observateurs grecs .... Chaque fois qu'il m'est arrivé de relire les Perses, j'ai été frappé d'une certaine ressemblance, dans le ton et dans d'assez nombreuses expressions, entre les inscriptions dont Darius I a orné son empire et jusqu'à sa sépulture, et les paroles qu'Eschyle prête à son Ombre, sortie pour un instant du tombeau. La publicité, nouvelle chez les Perses, que le Grand Roi avait ainsi donnée à ses succès, à ses ex périences, à ses pensées, avait pu par bien des intermédiaires, depuis les Ioniens de l'empire jusqu'aux prisonniers de This content downloaded from 31.158.211.19 on Wed, 29 Sep 2021 11:06:57 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms Bernard Sergent Salamine, de Platées, d'Eion, atteindre les Athéniens ses vainqueurs et vainqueurs de son fils. La liste de ses prédessesseurs que l'Ombre développe, avec des numéros, du vers 765 au vers 781, et qui ne manque pas de signaler l'usurpation du faux Smerdis, rappelle le début de l'inscription de Béhistoun: Dareios: "Mêdos fut le premier . . . "Le second, son fils . . . Le troisième à partir de lui, Kyros . . . "Le fils de Kyros, quatrième [=Cambyse] . . . "Cinquième, Mardis [=le "faux Semerdis"] eut le pouvoir, honte de la patrie et du trône antique. Celui-là, par ruse, le brave Artaphrénès le tua chez lui, avec des amis con jurés. Et moi, je reçus du sort ce que je voulais . . ." Darayava[h]u le roi déclare: "Mon père était Vistaspa, le père de mon père ArSâma (etc.). . . Huit de ma famille ont été auparavant rois, je suis le neuvième (I 1.1-12) ". . . [Le mage Gaumâta] trompa le peuple [disant]: 'Je suis Bardiya, fils de Kuru, frere de KanbUjiya. . . Avec quelques hommes, je tuai le mage Gaumâta. Je pris la royauté de lui, par la volonté d'Auramazda je devins roi . . . La royauté qui avait été enlevée à notre famille, je la remis à sa place . . (I 1.38-39, 56-62). Dareios (v. 779-780): "Et moi, je reçus du sort ce que je voulais et je fis mainte guerre avec mainte armée, mais je n'ai pas infligé tant de maux au pays ..." Et Dârayavahu uploads/Litterature/ utilisation-trifoncionalite-ie-et-auteurs-classiques-sergent.pdf

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