Leslie Goldfin Sokrazy ! Tout est devenu possible hyper roman Double sens éditi
Leslie Goldfin Sokrazy ! Tout est devenu possible hyper roman Double sens éditions 2 Note de l’auteur Sokrazy ! est un hyper roman, publié gratuitement en mars 2007 sur le site web http://www.sokrazy.fr. Depuis, l’hyper gouvernance s’est installée. Sans réelle surprise, elle repousse chaque jour les limites de l’imagination… Merci aux lecteurs et lectrices du net pour leurs encouragements. Sans eux, rien n’aurait été possible. Leslie Goldfin février 2008 3 L’événement à venir projette toujours son ombre. Thomas Campbell Le passé n’éclairant plus l’avenir, l’esprit marche dans les ténèbres. Tocqueville Chacun conçoit les affaires selon la portée de son esprit. Richelieu à Aurélie G. 4 1 / NICOLAS SOUS PRESSION La Lincoln bleu nuit immatriculée 92 entra dans le box de lavage à la vitesse du corbillard. Armée d’une lance à haute pression, Datura regardait la limousine en train de se garer. Une épaisse fumée noire se dégageait du pot d’échappement. Quelle star hantait la carcasse ? Les vitres teintées de l’habitacle ne laissaient rien transparaître. La jeune fille pensa à une scène du clip Bitter Sweet Symphony de The Verve1. La mélodie, nappée de violons, se déclencha dans sa tête transformée en juke-box organique. Datura n’aimait guère récurer les tombeaux d’acier. Après ce dernier client, elle pourrait griller sa gitane de fin de service et retrouver son studio en banlieue. Dans un vrombissement pneumatique, l’eau jaillit sur la carrosserie. Assis à ses côtés à l’arrière du véhicule, je vis Nicolas s’extasier. Son visage purpurin trahissait ses émotions. Captivé, il scrutait les attraits de la belle à l’œuvre : de puissants avant-bras qui portaient haut la force du jet, une fière poitrine mise en valeur par une taille de guêpe, un visage d’ange et une peau que l’on devinait onctueuse au toucher. D’un signe de la main, Datura indiqua au chauffeur la fin du décrassage. Alors qu’elle se préparait à déguerpir, la portière droite du véhicule s’ouvrit soudainement à l’extrême. Sertie d’une boucle d’argent, une bottine blanche claqua du talon 1 Les notes du roman renvoient à des liens hypertextes librement accessibles sur le site Internet www.sokrazy.fr, RUBRIQUE “LIENS”. 5 dans une flaque d’eau saumâtre. Nicolas s’adressa à Datura d’une voix sensuelle : « Mademoiselle, vous ne trouvez pas que c’est une très belle journée pour faire connaissance ? » 2 / À FLEUR DE PEAU Le sang gouttait sur l’émail blanc du lavabo. Nicolas s’était tranché la joue avec son rasoir. Il ouvrit le robinet chromé pour faire disparaître le liquide vital dans un tourbillon d’eau. Le rouge vif vira tendre rose. Était-ce là un coup du diable socialiste ? Qui avait fabriqué cette lame, sinon un obscur maoïste à la solde de l’empire du Milieu ? Nicolas prit du coton, l’imbiba d’antiseptique pour nettoyer la plaie2. J’y pense tous les matins en me rasant. Nicolas 1:39 Seul dans son appartement, le candidat à l’élection présidentielle laissait librement la porte de la salle de bain ouverte. Ce petit moment solitaire lui rappelait sa jeunesse. Être célibataire, c’est espérer faire l’amour à toutes les femmes, pensa-t-il. On ne peut y arriver, mais on peut toujours essayer… Devant le miroir, Nicolas se revoyait adolescent. Pourquoi ne pas rejouer de la guitare ? Il était plutôt doué. En une seule journée, il avait appris Jeux Interdits. Johnny lui donnerait un coup de main. Nicolas rêvait aussi de se mettre au piano avec Didier. En tandem, ils s’entraînaient déjà au chant entre deux meetings de province, improvisant sur 6 des airs populaires. Nicolas ne voulait plus brider l’expression de ses envies. Il était sur le bon chemin, celui de la simplicité, seule véritable preuve d’intelligence. Je le dis comme je le pense, simplement. Nicolas 9:2 Sous la douche, euphorique comme un jeune étalon après le forfait amoureux, Nicolas chantait. Insouciant, il avait laissé traîner ses vêtements partout dans la chambre. L’effet rebelle ne durerait pas longtemps. La femme de ménage remettrait très vite de l’ordre. Nicolas appréciait la réalisation optimale des tâches ménagères. Cécilia3 avait déserté le ménage, mais son employée lui évitait le ménage quotidien. En guise de remerciements, il ne lui épargnait aucune louange. Oui, tu es femme avant d’être étrangère. Nicolas 9:3 Ce jour-là, j’avais programmé un congé dans l’emploi du temps surchargé de Nicolas. Même les surhommes ont besoin de repos. Après un petit- déjeuner copieux, il prendrait son vélo pour une balade avec Michel4. Je m’étais entendu avec l’animateur de télévision quant au parcours. Aucune banlieue rouge ne devait être traversée. La météo s’annonçait radieuse. Lors de notre briefing, Michel me confia d’emblée avoir fait le Ventoux. Je comptais néanmoins sur lui pour refréner les ardeurs de Nicolas et l’économiser pour l’autre grande course – électorale – qui l’attendait. 7 C’est la vie, la concurrence. Moi, j’ai la concurrence dans les veines. Nicolas 7:73 3 / LA PEUR DU NOIR La peur du noir marqua l’enfance de Datura. Au coucher, une fois la lumière éteinte, chaque recoin de sa chambre devenait un nid de monstres. D’affreuses bêtes se cachaient sous le lit ou au- dessus de l’armoire. Quel zombie était sur le point d’élire domicile dans le coffre à jouets ? Pour lutter contre l’obscurité, Datura trouva dans le cellier une torche à piles. Pour se rassurer, elle pointait d’un jet de lumière les zones délicates. Hélas, l’efficacité de la lampe déclinait. L’enfant répétait l’opération trop souvent. Datura ne pourrait pas s’acheter de nouvelles piles avec son argent de dînette… Ses parents découvrirent finalement son stratagème. Ils décidèrent de lui donner une petite veilleuse. Peu à peu, Datura prit confiance. Un livre posé sur sa table de chevet – Niourk5 – joua un rôle déterminant. Au cours de son apprentissage de la lecture, chaque nouveau mot semblait ôter de son esprit un être cauchemardesque. Chaque enrichissement de son champ lexical était une ouverture supplémentaire vers la sérénité. Un jour, la petite fille referma le livre et piégea sa peur entre les pages. Des années plus tard, la peur du noir incommodait toujours Datura. Les zombies de son enfance ne menaçaient plus son sommeil d’adulte. Mais dans la 8 rue ou lors d’un entretien d’embauche6, elle croisait parfois leurs regards livides. Je crois que la France traverse une crise d'identité, et je ne veux pas laisser le monopole de la nation à l'extrême droite. Nicolas 5:74 4 / LA VISITE DU COMMANDEUR Nicolas sortit de la salle d’eau en claquant la porte. L’homme sous-estimait souvent sa force. Alors qu’il se dirigeait vers le dressing, une lumière blanche fusa du plafond jusqu’à l’aveugler. Nicolas sentit un courant d’air glacial. Il se força à garder les yeux ouverts. Une épaisse fumée emplissait maintenant la pièce. Un incendie ! L’évacuation s’imposait. Mais d’où venait ce froid qui donnait la chair de poule à Nicolas ? Une forme humanoïde se présenta devant lui. Il s’agissait sûrement d’un pompier venu à son secours… Nicolas appela à l’aide. La silhouette, raide dans sa démarche, inquiétante et d’une incroyable lenteur, ne répondait pas. « Mais qui est-ce enfin ?! s’agaça Nicolas. – Je suis Séthi7, prononça une voix caverneuse. L’être mystérieux devint luminescent, tel un pâle soleil flottant. Un spectre venait d’apparaître. Nicolas savait maîtriser l’effroi et les situations de contraintes extrêmes. Au moment de la prise d’otages de la maternelle de Neuilly, il avait réussi à dompter la peur tel un dresseur de fauves qui connaît son métier. Nul doute que Nicolas savait 9 gérer la pression. Mais que faire devant un ectoplasme ? Il était seul, frigorifié et dévêtu. Nicolas cacha son sexe d’une main et exigea de nouveau l’identité du spectre qui s’était introduit chez lui par effraction. – Personne n’a le droit de me faire répéter, Nicolas. Je suis seul à pouvoir décider de me reproduire à travers les âges » dit le spectre. La voix d’outre-tombe n’était plus étrangère à Nicolas. Son phrasé particulier et sa tonalité inimitable ne laissaient aucun doute sur l’identité du revenant. François était de retour8. Devant le fantôme de l’ancien président de la République, le pouls de Nicolas s’accéléra jusqu’à frôler l’attaque cardiaque. Sportif et entraîné, allait-il survivre à cette visite de l’au-delà ? Il faut cesser d’avoir peur. Nicolas 1:2 5 / ARGENT, DEUIL Dans le train de banlieue qui la ramenait à Argenteuil, Datura n’avait pas assez de place pour étendre ses longues jambes. Le quart d’heure qui la séparait de chez elle lui paraissait être une jungle grouillante de secondes, colonie de fourmis œuvrant à l’amertume du quotidien. La tête posée contre une vitre marquée d’un issue de secours ne tenant pas ses promesses, elle regardait défiler graffitis et tags sur les murs bordant les voies9. Avides d’adrénaline, quelques jeunes avaient visiblement le temps d’assouvir leur passion urbaine. S’ils arrivaient à enjoliver de couleurs 10 chamarrées la façade grise d’un immeuble hideux, Datura aimait bien. Lorsqu’elle observait leurs réalisations picturales, il lui semblait entendre du son. Était-elle atteinte de synesthésie ? D’indéchiffrables idiomes aux langages étranges naissaient dans les méandres de ses pensées… Le graffiti était apparu à New York bien avant le uploads/Litterature/ ebook-hyper-roman-sokrazy-leslie-goldfin.pdf
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- Publié le Fev 26, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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