SOUFISME ET HASSIDISME / Lise WILLAR SOUFISME ET HASSIDISME Préface de André Ch

SOUFISME ET HASSIDISME / Lise WILLAR SOUFISME ET HASSIDISME Préface de André Chouraqui L'Harmattan 5-7, rue de l'École-Polytechnique 75005 Paris FRANCE L'Harmattan Hongrie Hargita u. 3 1026 Budapest HONGRIE L'Harmattan Italia Via Bava, 37 I0214 Torino ITALLE cgL'Harmattan, 2003 ISBN: 2-7475-4000-6 PRÉFACE J'ai écrit à propos de " L'Utopie de l'Homme Nouveau" (dernier chapitre de " Mon Testament, le Feu de l'Alliance ") : " Les principes de Vie et d'Amour sont contenus dans le mes- sage du Sinaï: Evangiles et Coran le confirment et le déve- loppent. " Il est important de noter ces rapprochements qui vont de soi mais auxquels le monde n'a pas été habitué en raison des conflits innombrables qui ont opposé notamment les Juifs, les Chrétiens et les Musulmans. Le Judaïsme de l'exil à partir du 1er siècle de notre ère avait pour finalité essentielle de conserver la mémoire d'Israël dans l'espoir de son retour en Judée: le mot" Juif" ne signifie-t-il pas" 1'homme originai- re de la Judée? " Le retour dans le nouvel Israël constituait non seulement un évènement politique, la constitution d'Israël, mais plus essentiellement encore une révolution spirituelle qui mettait un terme à l' enfermement de la Thora dans les murs du Ghetto, enfermement qui a fait le miracle de la survie du peuple, de la langue et de l'existence d'Israël enfin revenu en ses sources. Ce retour ne sera parfait que quand le nouvel Israël re- connaîtra son propre miracle, celui de la résurrection d'un peuple nouveau qui comportera non seulement des Juifs mais encore des Chrétiens et des Musulmans, eux-aussi Fils des Ecritures et qui, ensemble, attendent l'ère messianique. Celle- ci réconciliera universellement I'homme avec I'homme. L'intérêt du livre de Lise Willar se situe dans la mise en valeur de ce qui unit Israël et Ismaël. Juive, elle a découvert le soufisme ou mystique de l'Islam après son passage à Konya, la ville de Turquie où le grand poète soufi Djalâl-od-Dîn Rû- mi s'était réfugié avec sa famille, venant du Khorassan, ber- ceau de la civilisation persane, d'où des hommes tels que Ferdowsi, Avicenne, AI-Ghazâli... étaient originaires. Elle y a en même temps découvert le livre de Madame Eva de Vitray-Meyerovitch " Rûmî et le soufisme" et a pu ainsi avoir une première vision de la Voie ou itinéraire parcouru par le disciple pour parvenir à sa réalisation spirituelle, pour dépas- ser son individualisme en vue de son accession à l'état d'hom- me universel, I'homme parfait de Rûmî. Elle a constaté que cette ascension du mûrid (disciple) vers la vérité, vers la réa- lité ultime, ne pouvait s'accomplir sans l'enseignement du murshid (maître) qui comportait diverses étapes: accord spi- rituel (intimité de personne à personne avec le disciple), sym- bolisme des apologues, dialectique permettant à l'élève de dé- finir par des question et des réponses les vérités qu'il croyait ignorer, dhikr qui est la mémoration de Dieu, samâ qu'Eva de Vitray définit comme un oratorio spiritue1... Ayant quelques connaissances du hassidisme, elle s'est dit peu à peu que la mystique dujudaïsme avait apparemment des similitudes avec celle de l'Islam et qu'il serait intéressant de les approfondir et de mettre en parallèle ces éléments à plusieurs niveaux: leurs origines, les réminiscences néo-platoniciennes qu'on découvre dans les deux mystiques, les méthodes d'enseignement du maître au disciple, le hassid étant au tzaddik ce que le mûrid est au murshid, les apologues, la prière, la Voie, les confréries, les dynasties, la musique, les danses... Bientôt sans doute, ayant précisé les liens qui unissaient Israël et Ismaël, Lise Willar constatera que Jésus est le trait d'union nécessaire pour que s'accomplisse la destinée humai- ne, pour que se concrétise l'Alliance, pour que se réalise l' uto- pie d'Amour de I'homme nouveau, cet homme parfait dont par- le Rûmî, et que vienne l'ère messianique annoncée par la Thora et les Ecritures. André Chouraqui 6 AVANT-PROPROS SOUFISME ET HASSIDISME Depuis mon premier séjour à Konya en 1978 j'ai été fas- cinée par le soufisme, cette mystique de l'Islam que de nom- breux adeptes ont découverte à travers des sages contempo- rains, mais qui pour moi est essentiellement concrétisée par un de ses plus grands maîtres, le fondateur des Derviches Tour- neurs, Djalâl-od-Din-Rûmî, plus connu sous le nom de Mev- lana, littéralement" notre maître" : il est né sans doute le 30 septembre 1207, à Balkh en Khorassan, berceau de la civilisa- tion persane (d'où des hommes tels que Ferdowsi, Avicenne, AI-Ghazâli sont également originaires) d'un père maître sou- fi et théologien imminent Bahâ-od-Din Walad surnommé le " sultan des croyants" mais a dû fuir avec sa famille vers la Tur- quie par crainte de l'invasion mongole. Les soufis sont une ancienne franc-maçonnerie spirituel- le dont les origines n'ont jamais pu être retracées. Bien que confondus avec une secte musulmane, les soufis font partie de toutes les religions. Ils n'ont pas de ville sainte -Konya n'est que la ville où Mevlana enseignait et est enterré - pas d'orga- nisation monastique. Le soufisme a gagné une saveur orienta- le parce qu'il a été longtemps protégé par l'Islam mais le sou- fi naturel se retrouve en Occident comme en Orient et peut-être dans le marchand, le paysan, l'homme de loi ou l'instituteur que l'on croise sur son chemin (un état d'esprit que l'on re- trouve également dans le bouddhisme). Les soufis respectent les rituels des religions mais les élargissent en y introduisant la force dynamique de l'amour. Un poème de Rûmî exprime bien cet état d'esprit. Il est cité dans un livre d'Idries Shah" The Way of the Sufi" et voici sa traduction: JE SUIS LA VIE DE MON BIEN-AIME Que puis-je faire, Musulmans? Je ne le sais pas moi-même. Je ne suis pas chrétien, pas juif, pas musulman. Pas de l'Est, pas de l'Ouest. Pas de la terre, pas de la mer. Pas des tréfonds de la nature, pas des cieux au-dessus de nous, Pas de la terre, pas de l'eau, pas de l'air, pas du feu; Pas du trône, pas du sol, de l'existence, de l'être; Pas d'Inde, de Chine, de Bulgarie, de Saxe; Pas du Royaume de l'Iraq, ou du Khorasan ; Pas de ce monde ou du prochain: des cieux ou de l'enfer; Pas d'Adam, d'Eve, des gardiens du Paradis ou d'Eden; Ma place n'a pas de place, ma trace pas de trace. Ni corps ni âme: tout est la vie de mon Bien-Aimé... L'oeuvre maîtresse de Rumi est le " Mathnawi i-Mana- wi " (Couplets Spirituels) qui contient des fables, des para- boles, des histoires drôles, des conversations, des références aux anciens maîtres, des dialogues, des interprétations de textes coraniques, des subtilités métaphysiques, des exhorta- tions morales... Dès 1273, Chaucer se référait aux oeuvres du Maître et de son précurseur spirituel, Attar le Chimiste (1150- 1229/30). Les liens ésotériques et allégoriques entre" Les Contes de Canterbury" et " Le Parlement des Oiseaux" sont frappants: les pèlerins de Chaucer sont trente. Trente pèlerins recherchent l'oiseau mystique. Dans son désir d'occidentaliser et de laïciser la Turquie après la chute de l'Empire Ottoman, Kemal Ataturk n'a pu al- ler jusqu'à ordonner la fermeture des mosquées mais il a in- terdit le soufisme, une démarche assez étrange venant de la part d'un agnostique puisque cette mystique qui a toujours été opposée à toute violence ne pouvait être et n'a jamais été à l'origine d'un quelconque mouvement agressif ou extrémiste. C'est l'interdiction de pratiquer le soufisme qui a déplacé le mouvement de Turquie vers d'autres pays du Moyen-Orient et du Maghreb mais il n'en demeure pas moins que le plus grand penseur mystique de l'Islam, auteur d'une œuvre dont certains Orientaux disent qu'elle ne le cède qu'au seul Qor'ân, 8 " un voyant qui écrivait au temps de Saint Louis qu'en cou- pant un atome on y retrouverait un système solaire en minia- ture et qui savait, trois siècles avant Copernic, non seulement que la terre tourne autour du soleil, mais qu'il existe neufpla- nètes, découverte datant de 1930 " (" Rûmî et le Soufisme" - Eva de Vitray-Meyerovitch - Maîtres Spirituels - Editions du Seuil - 1977) est selon des centaines d'adeptes, de biblio- graphes, de traducteurs et de traductrices, Djalâl-od-Din Rû- mî. Parmi ces dernières, la plus célèbre en France et peut-être dans le monde est justement Madame Eva de Vitray- Meyerovitch. J'ai acheté son livre" Rûmî et le Soufisme" dont je viens de citer une phrase à Konya même et j'ai eu la j oie de faire sa connaissance le Il mai 1984, six ans après ma rencontre avec Mevlana et les derviches tourneurs. C'est la raison pour la- quelle avant d'aborder le sujet qui me tient à coeur, je voudrais dire quelques mots sur la personne qui a connu le soufisme dans son essence et dans son intégralité puisqu'elle a consacré sa vie non seulement à son étude en écrivant plusieurs livres dont" Mystique et Poésie en Islam" publié en 1972 par Desclée de Brouwer mais qu'elle a traduit son traité en prose " Fîhi-mâ-fihi ", littéralement: " Dans cela est ce qui est là " uploads/Litterature/ extrait-soufisme-et-hassidisme.pdf

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