Antoine Faivre Conférence de M. Antoine Faivre In: École pratique des hautes ét

Antoine Faivre Conférence de M. Antoine Faivre In: École pratique des hautes études, Section des sciences religieuses. Annuaire. Tome 105, 1996-1997. 1996. pp. 399-408. Citer ce document / Cite this document : Faivre Antoine. Conférence de M. Antoine Faivre. In: École pratique des hautes études, Section des sciences religieuses. Annuaire. Tome 105, 1996-1997. 1996. pp. 399-408. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ephe_0000-0002_1996_num_109_105_12648 Histoire des courants ésotériques et mystiques dans l'Europe moderne et contemporaine Conférence de M. Antoine Faivre Directeur d'études Nous avons terminé l'enquête commencée en 1987, qui porte sur l'hermétisme neo-alexandrin moderne (depuis la Renaissance jusqu'à nos jours) : après avoir étudié ce courant dans les pays anglo-saxons (cf. Annuaire 1987 à 1991), puis dans les pays germaniques (cf. Annuaire 1990 à 1995), nous avions abordé le domaine français (cf. Annuaire 1994 à 1996). À ce troisième panneau de notre triptyque ont été consacrées cette année les conférences de première heure. Celles de la seconde heure l'ont été à trois thèmes de recherche : les commentaires modernes de la Table d'Émeraude ; le mythe d'Élie Artiste ; la notion de « secret » dans les courants ésotériques modernes. I) L'hermétisme néo-alexandrin en France Les conférences de l'an dernier avaient porté surtout sur Gabriel du Préau et François Foix de Candale (cf. Annuaire 1995/1996). Nous avons commencé celles de cette année par l'étude du livre de Philippe Du Plessis-Mornay (1549-1623), De la vérité de la religion chrétienne (1581), qui fut traduit en plusieurs langues mais dont l'hermétisme avait été peu étudié, même dans la thèse de Raoul Patry (1933) consacrée à cet apologiste chrétien protestant. Dans un article de 1978 {Renaissance Quaterly, vol. 31), Harrie Jeanne Ellen avait tenté, non sans vues perti nentes, de comparer Du Plessis-Mornay et Foix de Candale ; en reprenant les points abordés dans son travail, nous avons à notre tour fait ressortir les ressemblances et les différences entre ces deux auteurs, afin de marquer l'importance et les limites d'un irénisme fondé à la fois sur la philosophie hermétique - en partie seulement, dans le cas de Du Plessis- Mornay - et sur une position confessionnelle spécifique. En dépit de celle- ci, il paraît plus aisé de rapprocher Du Plessis-Mornay et Jean-Pierre Camus (1582-1652), évêque de Belley, dont le recueil Les Diversitez (notamment le t. II, 1610) a lui aussi retenu notre attention. Cet « humaniste dévot », qui parmi tant d'autres tentait de mettre au service de Annuaire EPHE. Section sciences religieuses, t. 105 (1996-1997) 400 Courants ésotêriques et mystiques la religion tous les trésors de la culture, a voulu enrichir la pensée chré tienne avec les traditions antiques, en insistant moins sur l'hermétisme que ne l'avait fait Du Plessis-Mornay, et sans poursuivre un but irénique comp arable. Comme ce protestant, mais avec un plus grand souci de pitt oresque, Camus se contente de butiner parmi ces traditions, sans pour autant épargner de ses sarcasmes la « philosophie occulte » du moyen âge et de la Renaissance. La figure d'Hermès Trismégiste n'apparaît guère dans la littérature de fiction et dans la poésie des xvième et xvi^"16 siècles ; nous l'avions ce pendant, à la suite de Ludwig Schrader (1958), relevée chez Rabelais (cf. notre Eternal Hermès, 1995). Et cette année, nous avons consacré des conférences à trois autres auteurs. D'abord, à Agrippa d'Aubigné, dont Les Tragiques (commencés en 1577, parus en 1616) sont des hymnes à la gloire des protestants persécutés (le Livre VII, aux accents visionnaires, décrit le jugement dernier et invoque l'autorité d'Hermès Trismégiste). Ensuite, à Marguerite de Navarre (1492-1549), dont le « Poème des prisons » (in Dernières Poésies) vante les vertus spirituelles du Pimandre. Enfin, à Du Bartas (ps. de Guillaume Salustre, 1544-1590), dont Les Sepmaines (1578 à 1603), grandiose entreprise poétique d'enfermer dans une vision totalisante le microcosme et le macrocosme, le monde et l'homme, se présente comme l'œuvre d'un nouvel Orphée et ne manque pas d'évoquer, à l'occasion, les fameuses colonnes d'Hermès. Nous avons procédé à une lecture des écrits de Marin Mersenne (1588-1648), le célèbre savant religieux de l'Ordre des Minimes, pour situer la place que l'hermétisme y occupe par rapport à d'autres courants ésotêriques (Kabbale, alchimie, paracelsisme, philosophie occulte, rosi- crucisme) sur lesquels aussi il pose un regard critique. Cette place est modeste. La controverse de Mersenne avec Robert Fludd permet d'en prendre la mesure, ainsi que, par exemple, sa correspondance avec Pierre Gassendi (en 1630) ou avec des personnages moins connus, comme Robert Cormier (en 1626). L'on trouve plus, chez Mersenne, de réflexions sur la Kabbale et l'alchimie, que sur l'hermétisme ; aussi avons-nous jugé utile de présenter un choix d'extraits de son œuvre qui portent sur ces domaines. Jean Dagens (RLC, 1961, nr. 1) avait relevé dans le Sermon sur la mort (1662), de Bossuet, des passages qui, célébrant la grandeur de l'homme, rappellent tant VAsclepius que YOratio de Pic de La Mirandole, et il avait vu dans la Theologia Platonica de Marsile Ficin la source probable du prédicateur. Celui-ci ne va pas.certes, jusqu'à invoquer l'au torité du Trismégiste, mais nous nous sommes efforcé de montrer que cette confiance dans les pouvoirs humains, si courante au Grand Siècle, pouvait avoir été favorisée par l'hermétisme, et qu'inversement le succès diffus de celui-ci pourrait s'expliquer en partie par celle-là. Très explicites, en revanche, sont les références à Hermès et au Corpus Hermeticum dans les écrits d'auteurs ecclésiastiques français en cette seconde moitié du siècle, sur lesquels D.P. Walker (The Ancient Theology, 1972) avait déjà attiré l'attention. C'est que l'idée de prisca theologia est restée vivace, chez des Jésuites et divers théologiens catho- Antoine Faivre 401 liques, jusqu'en 1700 environ, notamment parmi ceux qui s'intéressaient aux activités missionnaires en Extrême-Orient (pour convertir les Chinois, il s'agissait de leur montrer d'abord que la pensée de Confucius, par exemple, ainsi que celle d'autres philosophes occidentaux païens, dont Hermès, étaient compatibles avec le monothéisme). Nous avons présenté longuement l'œuvre du P. Paschal Rapine de Saincte-Marie (Le christi anisme naissant dans la gentilité, 3 vol., 1655 à 1659), sans doute le plus éloquent parmi les défenseurs de l'idée de prisca theologia à son époque. Les quatre grands « Législateurs » après Moïse furent, selon lui, Hermès Trismégiste, Orphée, Pythagore, Platon. Rapine reprend la théorie hermé- tiste des sept « gouverneurs célestes » ou anges planétaires en s'appuyant sur Cornélius Agrippa, et rend à Marsile Ficin des hommages significatifs. Dans le t. III surtout, Hermès Trismégiste fait l'objet de longs et substant iels développements : Rapine consigne là tout ce qu'il a pu apprendre sur le personnage, et prône une approche herméneutique des textes qui lui sont attribués. Paul Beurrier (1610-1696), chanoine augustinien, curé de Saint-Étienne du Mont, dans La perpétuité de la foi (1666 en latin, 1680 en français), étend la prisca theologia à la religion chinoise (son livre est dédié aux missionnaires) et pratique une forme de comparatisme religieux - plus que de syncrétisme - à des fins apologétiques. Il s'efforce de montrer que les anciens peuples adoraient un seul Dieu véritable, et que la lecture de leurs philosophes peut favoriser la conversion au christianisme. Avec le P. Daniel Huet (1630-1721), évêque d'Avranches et proche des Jésuites, fasciné par les comparaisons possibles entre diverses traditions, la prisca theologia devient une sorte d'étude comparée des religions (D entons tratio evangelica, 1678), et s'il n'accepte pas l'authenticité des Hermetica, du moins leur fait-il la part belle. Le P. Joachim Bouvet (mort en 1752), Jésuite missionnaire (Voyage de Siam, 1683), fut l'un des fonda teurs de la mission de France à Pékin. Correspondant de Leibniz, il expos ait à celui-ci, en 1700, les mystères du Yi-King, « simbole universel inventé par quelque génie extraordinaire de l'antiquité, comme Mercure Trismégiste, pour représenter aux yeux les principes les plus abstraits de toutes les sciences ». Un autre Jésuite, Philippe Couplet (vers 1628-1692), attaché lui aussi aux missions de la Chine, traducteur de Confucius (Confucius Sinarum philosophus, 1687), recule autant qu'il croit possible, dans le temps, la prisca theologia et professe que les prophéties des Sibylles et les enseignements du Trismégiste confirment les vérités révé lées par la Loi de la Grâce. Ces auteurs (sauf, peut-être, Rapine) ne s'inté ressent guère à l'hermétisme pour lui-même (contrairement à un Foix de Candale, par exemple), et à ce titre ils ne font pas partie des représentants de ce courant ésotérique moderne. Leur discours est de justification : il s'agit d'utiliser l'idée de prisca theologia à des fins d'apologétique chré tienne en général, catholique en particulier. Diverses autres publications de ce siècle concernent directement notre propos. À notre connaissance, elles ne sont pas très nombreuses. Dans un passage du livre de Montfaucon de Villars (Le Comte de Gabalis, ou Entretiens sur les Sciences secrètes, 1670), l'auteur énumère divers repré sentants des traditions ésotériques, parmi lesquelles figure le Trismégiste ; 402 Courants ésotériques et mystiques cette liste est d'autant plus intéressante que l'ouvrage a fait l'objet de nombreuses rééditions et traductions. Moins connu, mais tout aussi signi ficatif de la tendance à rapprocher des noms pour accréditer l'existence d'une « Tradition », est Le Parnasse uploads/Litterature/ el-mito-de-elias-artista.pdf

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