LA RÉVOLTE DU PRONÉTARIAT De RosnayBAT 15/12/05 10:31 Page 3 DU MÊME AUTEUR Une
LA RÉVOLTE DU PRONÉTARIAT De RosnayBAT 15/12/05 10:31 Page 3 DU MÊME AUTEUR Une vie en plus. La longévité, pour quoi faire?, avec François de Closets, Jean-Louis Servan-Schreiber et Dominique Simonnet, Seuil, 2005. La Plus Belle Histoire du monde. Les secrets de nos origines, avec Hubert Reeves, Yves Coppens et Dominique Simonnet, Seuil, 1996. L’Homme symbiotique. Regards sur le troisième millé- naire, Seuil, 1995. Les Rendez-vous du futur, Fayard/Éditions n° 1, 1991. L’Avenir en direct, Fayard, 1989. L’Aventure du vivant, Seuil, 1988. Le Cerveau planétaire, Olivier Orban, 1986. Branchez-vous, avec Stella de Rosnay, Olivier Orban, 1984 (Grand Prix de la littérature micro-informa- tique grand public). Les Chemins de la vie, Seuil, 1983. La Malbouffe. Comment se nourrir pour mieux vivre, avec Stella de Rosnay, Olivier Orban, 1979. Le Macroscope.Vers une vision globale, Seuil, 1975 (Prix de l’Académie des sciences morales et politiques). Les Origines de la vie. De l’atome à la cellule, Seuil, 1966. De RosnayBAT 15/12/05 10:31 Page 4 Joël de Rosnay Avec la collaboration de Carlo Revelli La révolte du pronétariat Des mass média aux média des masses Fayard De RosnayBAT 15/12/05 10:31 Page 5 © Librairie Arthème Fayard, 2006. De RosnayBAT 15/12/05 10:31 Page 6 À mes sept pronétaires du futur : Louis, Charlotte, Sophia, Max, Nicolas, Alexandra et Cyril. De RosnayBAT 15/12/05 10:31 Page 7 De RosnayBAT 15/12/05 10:31 Page 8 Introduction Les citoyens du monde sont en train d’inventer une nouvelle démocratie. Non pas une «e-démo- cratie», caractérisée par le vote à distance via Internet, mais une vraie démocratie de la commu- nication. Cette nouvelle démocratie, qui s’appuie sur les «média des masses», émerge spontanément, dynamisée par les dernières technologies de l’infor- mation et de la communication auxquelles sont associés de nouveaux modèles économiques. Ni les média traditionnels, ni les hommes politiques n’en comprennent véritablement les enjeux. Les média des masses, seuls véritables média démocratiques, vont radicalement modifier la relation entre le poli- tique et le citoyen, et, par voie de conséquence, avoir des impacts considérables dans les champs culturel, social et politique. Les internautes commencent seulement à réaliser à quel point le Net du futur va leur permettre d’exercer leur pouvoir, si tant est qu’ils parviennent à se montrer solidaires et organisés. Le modèle industriel traditionnel a placé le pouvoir entre les mains d’élites ou de grandes familles propriétaires du capital financier et de 9 De RosnayBAT 15/12/05 10:31 Page 9 production. Ces classes de capitalistes riches et puissantes ont par la suite cherché à transposer ce modèle à la société de l’information. Or les règles du jeu ont changé. L’accumulation du «capital informationnel» – représenté notamment par les savoirs, les connaissances, les contenus, les informa- tions stratégiques accumulés dans des bases de données, des bibliothèques, des archives – se fait aujourd’hui de manière exponentielle. La création collaborative ou la distribution d’informations de personne à personne, contribuant à l’accroissement de cette nouvelle forme de capital, confèrent donc de nouvelles prérogatives aux utilisateurs, jadis relégués au rang de simples «consommateurs». De nouveaux outils «professionnels» leur permettent de produire des contenus numériques à haute valeur ajoutée dans les domaines de l’image, de la vidéo, du son, du texte, jusque-là traditionnelle- ment réservés aux seuls producteurs de masse, détenteurs des «mass média». Dans la société de l’énergie, essentiellement fondée sur la production, la distribution et la consommation de biens matériels – grâce principa- lement à l’exploitation des énergies fossiles non renouvelables ou nucléaires –, les capitalistes détiennent les moyens de production et de distribu- tion. Ils peuvent investir en capital (financier, maté- riel, humain) et contrôler l’usage et les bénéfices de leurs investissements. Ils réalisent des «économies d’échelle» en créant des usines et des réseaux de distribution pour produire à des coûts toujours plus bas et vendre au plus grand nombre, en dégageant des marges et des profits assurant la croissance économique et la rémunération des actionnaires. Le LA RÉVOLTE DU PRONÉTARIAT 10 De RosnayBAT 15/12/05 10:31 Page 10 prolétariat est, selon Karl Marx, la force de travail utilisée par les propriétaires du capital de produc- tion. À l’origine, dans les sociétés antiques méditer- ranéennes, le terme désignait les travailleurs qui disposaient de leur lignée pour toute richesse. En effet, en latin, proles signifie «progéniture», et proletarius désigne le citoyen pauvre. Le prolétaire, outre qu’il était exempté d’impôt, avait comme seule marchandise à proposer sa force de travail et son énergie physique. Dans la société de l’information, l’économie d’échelle ne s’applique plus selon les mêmes normes. La reproduction de contenus numériques se fait à un coût marginal et la diffusion peut être mondiale et instantanée. La création collabora- tive, ou intercréative, fait appel à des réseaux d’intelligence collective et non plus à des organi- sations humaines pyramidales. On voit donc appa- raître une nouvelle forme de lutte des classes entre ceux qui détiennent les moyens de produc- tion et de diffusion des informations et ceux qui, jusqu’alors considérés comme spectateurs, lecteurs ou usagers passifs, prennent une part croissante aux processus planétaires de création et de distri- bution d’informations. J’appelle «infocapitalistes» les détenteurs des moyens de création, de production et de diffusion de contenus informationnels dits «propriétaires» (sous copyrights, droits de licence…), généralement sous forme numérique. Ils forcent les utilisateurs et acheteurs à passer par les vecteurs de diffusion ou de distribution qu’ils contrôlent en organisant intentionnellement la rareté autour de ces vecteurs. En ce sens, on peut également les considérer INTRODUCTION 11 De RosnayBAT 15/12/05 10:31 Page 11 comme des «vectorialistes». Ce sont les grandes chaînes de télévision, les grands éditeurs, les majors de la musique… Ils font partie de ce qu’on appelle généralement les mass média. J’appelle « pronétaires » ou « pronétariat » (du grec pro, devant, avant, mais aussi favorable à, et de l’anglais net, qui signifie réseau et est aussi l’appellation familière en français d’Internet – le «Net») une nouvelle classe d’usagers des réseaux numériques capables de produire, diffuser, vendre des contenus numériques non propriétaires, en s’appuyant sur les principes de la « nouvelle nouvelle économie ». C’est-à-dire capables de créer des flux importants de visiteurs sur des sites, de permettre des accès gratuits, de faire payer à bas prix des services très personnalisés, de jouer sur les effets d’amplification… « Professionnels amateurs» (ou «pro-ams»), ils utilisent pour cela des outils analogues à ceux des professionnels et facilement accessibles sur Internet. Il s’agit d’usa- gers, d’internautes, de « blogueurs », de citoyens comme les autres, mais qui entrent de plus en plus en compétition avec les infocapitalistes tradition- nels, auxquels ils ne font plus confiance, pour s’informer, écouter de la musique, voir des vidéos, lire des livres ou communiquer par téléphone. Cela en raison des coûts trop élevés des produits et services proposés et de leur accès difficile pour les moins favorisés. Enfin, j’appelle «média des masses» les nouveaux modes, massifs et distribués, d’expression proné- taire. Les média des masses utilisent des techniques numériques de création collaborative, de connexion et d’échange qui supplantent progressivement certains LA RÉVOLTE DU PRONÉTARIAT 12 De RosnayBAT 15/12/05 10:31 Page 12 des vecteurs traditionnels des mass média (télévision, radio, édition, télécommunications, publicité…). La production massive et collaborative d’infor- mations numériques par le pronétariat représente une révolution aussi importante que celle du début de l’ère industrielle, symbolisée par la machine à vapeur puis par la mécanisation et l’automatisation intensives. Pour permettre la production de masse de produits standardisés, il fallait réaliser l’éco- nomie d’échelle dans des usines centralisées, grandes consommatrices d’énergie, de matériaux et de capital. Aujourd’hui, avec les nouveaux outils d’empowerment qui confèrent du pouvoir aux pronétaires et qui s’appuient sur le numérique (logiciels et outils de production sur PC et Web), la révolution est encore plus marquée et plus rapide. Il devient facile de rassembler les moyens de production et de distribution à un coût très bas. Évidemment, la production du pronétariat a ses limites. Il ne vient à l’esprit de personne de faire fonctionner par ces moyens une centrale nucléaire, de construire une voie de chemin de fer ou de bâtir un gratte-ciel. Mais déjà des visionnaires comme Neil Gershenfeld, du MIT, étudient les conditions de production domestique d’objets grâce à des machines personnalisables. C’est le concept des fab labs, des laboratoires de fabrication d’objets ou de bricolage intelligent à domicile, dont on reparlera. Un autre chercheur du MIT, Joseph Jacobson, propose de fabriquer chez soi ou au bureau des ordinateurs performants en téléchargeant les plans des circuits, lesquels seront produits par une impri- mante spéciale fonctionnant avec une encre à semi- conducteurs. INTRODUCTION 13 De RosnayBAT 15/12/05 10:31 Page 13 Quelles sont les raisons de l’émergence du pronétariat et du rassemblement de personnes et de talents aussi différents? Certainement l’arrivée de nouvelles technologies typiques de la culture Internet venant à la rencontre de l’aspiration profonde d’une partie de la société à des formes d’organisation plus participatives. Un besoin de participation lié à des facteurs positifs (comme l’augmentation du niveau culturel global), mais aussi négatifs (comme la crise de la démocratie représentative). Des applications d’abord isolées et seulement utilisées par des «fanas» et des spécia- listes uploads/Litterature/ pronetariat.pdf
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- Publié le Aoû 15, 2022
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