Colloque international LA HENRIADE DE VOLTAIRE : POÉSIE, HISTOIRE, MÉMOIRE 21-2
Colloque international LA HENRIADE DE VOLTAIRE : POÉSIE, HISTOIRE, MÉMOIRE 21-23 juin 2017 – Université de Göttingen (Allemagne) Universität Göttingen et IHRIM – Université de Saint-Étienne APPEL A COMMUNICATIONS La Henriade de Voltaire occupe une place à part dans notre histoire littéraire. Depuis le début du XXe siècle, elle a été effacée du patrimoine littéraire, gommée du corpus voltairien ; elle n’est plus beaucoup lue, ni disponible, à part la remarquable et très savante édition de Taylor pour les Œuvres complètes. Pourtant, ce poème s’est imposé comme une œuvre majeure au point d’articulation entre le classicisme louisquatorzien et le renouveau esthétique et philosophique des Lumières. Tout au long du XVIIIe siècle, il incarne, dans une superbe solitude, le rêve épique français et constitue, au fil de ses multiples rééditions, un carrefour capital de la vie littéraire et philosophique du XVIIIe siècle : les préfaces, notes et variantes de ses multiples rééditions offrent l’espace de débats historiographiques, poétiques ou philosophiques. Jusqu’aux premières années du XXe siècle, il reste une œuvre de référence, occupant une place de choix dans les manuels de littérature, notamment dans les Leçons françaises de littérature et de morale de Noël et de La Place. Œuvre tout à la fois oubliée et séminale, La Henriade témoigne du devenir de la poésie dans les années qui suivent la mort de Louis XIV, explorant la possibilité d’une épopée adaptée au nouvel esprit qui souffle sur la France et l’Europe. Poésie engagée politiquement et philosophiquement, elle ouvre de multiples enjeux, notamment l’histoire et à la mémoire des guerres de religion, le débat sur la tolérance religieuse, le bilan du XVIIe siècle français, ou la philosophie de l’histoire se dégageant du providentialisme. La Henriade est aussi une étape essentielle de la réflexion sur les guerres de religion, entre autres sur la saint Barthélemy, à laquelle est consacré un des plus beaux chants. Elle constitue un jalon important dans la mémoire des guerres de religion. À cet affrontement civil, le poème propose une issue, celle d’une nouvelle approche du religieux qui surgit, dans une formule restée célèbre et incessamment répétée : « Je ne décide point entre Genève et Rome » ; la réflexion de Voltaire sur la tolérance prend ici son essor. Par delà le brio de la formule, c’est toute une vision du politique et de la société qui se dessine sous l’ombre tutélaire de l’Angleterre, représentée ici dès les trois premiers chants par Elisabeth Ire, mise au rang des « grands hommes ». La Londres du XVIe siècle redouble ainsi celle que Voltaire a découverte entre 1726-1728 et dont il fera le portrait dans les Lettres philosophiques. La publication de La Henriade a été une aventure éditoriale et intellectuelle qui s’est jouée entre Londres et Paris et s’est étendue de 1723, date de la parution de La Ligue, jusqu’à la mort de Voltaire. Elle s’est appuyée sur deux essais, parus an anglais, puis en français, touchant l’un aux questions poétiques (Essai sur la poésie épique), l’autre à la vision de l’histoire (Essai sur la poésie épique). Au fil des quelque soixante éditions parues du vivant de Voltaire, des paratextes constamment renouvelés développent les réflexions de l’auteur sur l’écriture épique ou sur l’histoire des guerres de religion. La Henriade est ainsi un véritable chantier éditorial qui n’arrête de transformer ou d’enrichir la présentation matérielle du texte : à côté des notes de Voltaire (revues, augmentées ou supprimées par l’auteur), on trouve également les commentaires de Lenglet avec les variantes, et encore les débats sur la religion, la philosophie politique et la tolérance dans les diverses préfaces, dont celle de Marmontel (1746). L’histoire de ce poème ne s’arrête pas en 1778, mais se poursuit bien au-delà jusqu’à la fin du XIXe siècle, avec d’autres « allongeails » importants qui permettent de comprendre la fortune et la réception de cette œuvre. Axes de réflexion Même si la question de la valeur reste à l’horizon de la réflexion, l’objectif de ce colloque n’est pas en premier lieu de tenter une réhabilitation à toutes forces d’une œuvre passée à l’arrière-plan du canon voltairien. Il s’agira d’abord de développer une réflexion large sur le sens et les enjeux de ce poème dans son contexte de publication, et d’en saisir le rôle dans le développement de la pensée de Voltaire et des débats ouverts par les Lumières, et dans la mémoire littéraire. L’histoire éditoriale : paratextes, illustrations, circulations La Henriade a connu une longue et riche histoire éditoriale. Après une publication « préoriginale », La Ligue en 1723, l’édition de Londres de 1728 sera suivie d’une soixantaine d’autres, qu’a répertoriées O. R. Taylor. Ces éditions ne sont pas de simples « reprints », mais elles enrichissent le texte au fil du temps : modifications ou nouveaux commentaires de Voltaire, apparat critique constitué par l’abbé Lenglet dès 1741, sans doute les premières « variantes » ainsi désignées dans l’histoire du livre, auxquelles il arrive que Voltaire réponde dans une ultérieure édition. Des préfaces s’ajoutent : celles de Linant (1737) et surtout celle de Marmontel, la plus importante (1746). Des illustrations également viennent accompagner le texte, suscitant une importante iconographie. On s’intéressera ainsi à l’histoire éditoriale et aux évolutions paratextuelles de La Henriade. Au XIXe siècle, La Henriade continue à être citée, commentée (dans le Génie du christianisme en 1802, par exemple) et diffusée, intégralement ou par extraits dans des ouvrages scolaires, ou mise en cause, en Allemagne, par exemple par A. Schlegel. On s’interrogera également sur la circulation de ce texte dans les 200 années où il a occupé une place centrale dans le patrimoine littéraire français. Pratiques et théories de la poésie et de l’épopée au début du 18e siècle S’il est vrai que la poésie du XVIIIe siècle est mal connue, cela est plus vrai encore de celle de la première moitié, que S. Menant a appréhendée comme un moment de crise (1981). Un récent colloque consacré au « premier Voltaire » (à paraître dans la Revue Voltaire 2016) a montré la richesse du débat poétique et esthétique dans les premières décennies du XVIIIe siècle, marquées par la seconde « Querelle des Anciens et de Modernes ». L’enjeu ne concerne pas seulement la lecture d’Homère et la question de la relation aux Anciens, mais il engage un débat sur la forme que doit prendre la poésie dans cette nouvelle ère qui s’ouvre. Voltaire tente de réaliser ce que doit être l’épopée en France, entre modèles classiques (Homère, Virgile, Lucain) et modèles modernes (Le Tasse, Milton). Conformément à la tradition épique, il mêle récit guerrier et épisode amoureux, alterne dialogue et narration, varie les registres. Il s’agira de réfléchir à sa pratique de l’alexandrin et aux jeux des figures et de l’analogie (métaphores, comparaisons, allégorie), à la poétique engagée, aux modèles esthétiques (classicisme, baroque, rococo) ; de situer la pratique poétique de Voltaire dans le champ littéraire des années 1720, et d’interroger ses prises de positions théoriques. Plus largement, on se demandera quelle situation La Henriade occupe dans l’évolution du rapport de Voltaire au vers et à la poésie, qu’elle soit dramatique (notamment sa pratique de l’alexandrin dans ses tragédies), philosophique ou historique (Poème de Fontenoy). Histoire et mémoire des guerres de religion et institution du « Grand Siècle » S’appuyant surtout sur l’Histoire de France de Mézeray et l’Histoire de la Ligue de Maimbourg, Voltaire élabore une vision du XVIe siècle, sa vision. Elle se développe dans le vers lui-même, ouvrant la question de l’écriture de l’Histoire dans la fiction poétique, ainsi que dans les notes et remarques qui explicitent le texte. Les nombreuses notes et remarques qui accompagnent le poème ont constitué, comme R. Pomeau l’a relevé, l’atelier dans lequel Voltaire a commencé à forger sa méthode historique, telle qu’il la développera dans Le Siècle de Louis XIV, l’Histoire de Charles XII ou l’Essai sur les mœurs. À quelles sources Voltaire s’inspire-t-il ? Comment les adapte-t- il à la forme du poème épique ? De quelle manière les considérations historiques de Voltaire, que l’on peut lire dans les notes et dans les remarques, construisent-elles, parallèlement au texte épique, une image des guerres civiles et de ses personnages ? La poésie est aussi le moyen par lequel une écriture des guerres de religions devient mémoire : l’alexandrin synthétise une idée et la grave dans les esprits, analogue d’un « gimmick » en jazz ou d’un slogan en politique. On s’interrogera sur l’apport de La Henriade à la mémoire des guerres de religion et de la Saint-Barthélemy en particulier, et plus globalement à la mémoire des guerres civiles dans le corpus voltairien : La Henriade pourrait être considéré comme un grand texte- source, le lieu où Voltaire commence à esquisser les grands thèmes de sa réflexion, et continue à le faire au fil des rééditions. Le poème raconte l’accession au trône des Bourbons. Il a largement contribué à la légende de Henri IV, avec le XVIIe siècle en ligne d’horizon narratif. Publiée une dizaine d’années après la mort de Louis XIV, La Henriade dresse ainsi un premier uploads/Litterature/ essai-sur-la-posie-pique-0.pdf
Documents similaires
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/xYQkHdqhf7LxNBMDfYIG9qBSB4wEfZSNPnkUTH5HzboqT7WXdG81tIj1xdWEbGvJofzqsVtNXptHuK2b1NnzIkQx.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/wPrnG04H8qnZ3P9nabSdTkmzWdp13RbDGfeb3kOgstTKgrBp5QMjTgIX2jYo7zuIFfUPvFpHWAYgcUuc8BP1HIDZ.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/kqBk1Gkoi2AOs9kUgnk2a0v4UJpjjKPjTW8NCnH3o5QAivzzrg7C8hhApSNlSt44zaJyDQRDKxK4K3yZzSjBgGtE.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/OuclF7uuVDNt9tNozqNRXw5wRLJdmUxFzcgsvwQIKyBRHHgsHm4hZwMOJztpxYCyxe2K3W8Stns0qnOVgi4yphRv.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/u75JZjLwjIMQqa8BJcdG10kxsCcgFKlJNozxhtHcknuxkfFFDroLwxDfXtVdqxYIdSEb7eExp2f8RhbVLNT8JT3w.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/mLQCLUhR4YdntGZYiMOdoCtPykaSbrUq0lpru8v8QS2J4VRPEZ1p3Dlq6Zi83yiOxIcvMFFRSUxhQEpXpXkM8caI.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/Bj4OU2wA2yp0TOXXObgleDvBajRRYleEWZYRBZkQA0ouoSrHoJMRIeF3b8RLsYV9AJcakT2ni4HE8z8t0jfnpYOc.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/BWVCP2ODZps1BY3q6B4shXsWe3PaXE5g5MrgzPcB5oRiXTGGkpnjWGh0kbHxr0iF58mA1ahyhzKWaKaf9MTCgqND.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/TpBtef1LGpDOlHR5FMWwtsJbNB2BbV4D9hGvXj5Mb4qHhYFtlqqTik6SmhnvvjzS25nfnB7se4JlL52h03tetZUW.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/3sUf08wUCUVFOeBsGqI7Fmsu0MA6cw8LhBEKFbi3QDsHrBh1rgDCfGxdjwPdZDLW0uv0qb2UqKt3VtumTzuwL3Wz.png)
-
18
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Aoû 16, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
- Taille du fichier 0.1677MB