Etre heureux ça s’apprend! Par Aline Jaccottet / Photo: Magali Girardin Le conf

Etre heureux ça s’apprend! Par Aline Jaccottet / Photo: Magali Girardin Le confort moderne n’y change rien, le bonheur reste un but pas si facile à atteindre. Bonne nouvelle: désormais, la vie en rose, ça s’enseigne. Séminaires, livres, coaches… La vague positive débarque en Suisse romande. Tapez «bonheur» sur Google: le nombre de résultats – 20 500 000 – montre combien le sujet est crucial. Des milliers de sites internet, de livres, de forums et de gourous apparaissent sur votre écran, vous promettant de (re)trouver en un seul clic la joie et la bonne humeur. Le paradoxe est là: bénéficiaires d’un confort extraordinaire, vivant dans une société où tout semble possible, le bonheur continue pourtant à nous échapper, et l’atteindre reste notre préoccupation N° 1. Dans le même temps, on découvre qu’être heureux, ça s’apprend. Plus besoin de se contenter d’espérer, on peut agir, ici et maintenant. Venu des Etats-Unis et de l’Inde, le mouvement du mieux vivre fait irruption en Europe et donc en Suisse romande. Clubs, cours, séminaires sur le sujet y abondent, et un livre, le Petit cahier d’exercices pour voir la vie en rose , vient de paraître (chez Jouvence), rédigé par le psychologue romand Yves-Alexandre Thalmann. Selon ce dernier, la potion magique tient en trois chiffres: «50% de facteurs génétiques, 10% de circonstances extérieures… et 40% d’entraînement.» Ce psychologue spécialisé en développement personnel, docteur en physique des particules par ailleurs, estime donc que les circonstances n’ont pas vraiment d’impact sur le bien-être. «Si vous croyez qu’il faut être riche, beau, diplômé ou en bonne santé pour être heureux, vous avez tout faux, affirme-t-il avec un grand sourire. A partir du moment où vous subvenez à vos besoins vitaux, avoir une ou cinq voitures ne changera rien. La chirurgie esthétique, exceptée pour les malformations, est inefficace. Les universitaires ne sont pas les gens les plus heureux… Et j’ai connu des gens atteints de sclérose en plaques qui étaient profondément satisfaits de leur existence! Quant à la prédisposition léguée par les parents, nous n’y pouvons pas grand-chose.» Reste donc à entraîner son esprit au bonheur, une idée qui nous a été étrangère pendant des siècles. Bien sûr, les exercices spirituels font partie des religions monothéistes qui sont notre héritage, mais il s’agissait plus souvent de rester ferme face à la tentation que d’apprendre la joie. L’ère industrielle, elle, nous a davantage enseigné à maîtriser notre environnement que nos émotions intérieures. Résultat, la discipline du bonheur, fondée sur une réflexion scientifique, n’est apparue qu’assez tardivement dans nos sociétés occidentales. Inventée aux Etats-Unis dans les années 90, elle a un nom: la psychologie positive. Willibald Ruch, l’enseigne à l’Université de Zurich. «Les psychologues se sont rendu compte qu’ils s’occupaient principalement du 30% de la population qui va mal, explique-t-il. La question s’est alors posée: comment améliorer la qualité de vie du reste des gens qui souhaitent, eux, améliorer leur bien-être?» Positiver, une discipline Le mouvement était lancé. Désormais, même la prestigieuse Université Harvard s’y est mise: les cours de psychologie positive y remportent un succès fou, et des cours sont désormais aussi donnés dans d’autres institutions du même calibre, comme Stanford et Yale. Plus près de chez nous, en Argovie, des élus veulent lancer une initiative pour l’enseignement du bonheur à l’école obligatoire. Les cours fleurissent. Y compris en Suisse romande. Yves-Alexandre Thalmann l’atteste: les séminaires tous publics qu’il organise certains week- ends, notamment à Fribourg, ont toujours plus de succès. Mais pourquoi a-t-on dû attendre si longtemps pour apprendre à être plus heureux? «La faute à l’école et à l’éducation d’antan!» souligne Yves Alexandre Thalmann. «Au lieu de nous apprendre à gérer nos émotions, on nous a bourrés le crâne avec des connaissances et exigé notre conformité aux attentes de la société. Résultat: ceux qui viennent à mes séminaires sont souvent furieux qu’on ne leur ait pas appris des choses toutes simples, mais si importantes pour être bien avec soi-même!» La joie des détails Ces «choses toutes simples» (lire ci-contre), Yves-Alexandre Thalmann en parle non seulement dans ses séminaires, mais aussi dans ses cahiers d’exercices pratiques publiés. Pour lui, le bonheur, c’est ici et maintenant, dans les petites choses, et c’est possible. L’état d’esprit positif se cultive par des exercices quotidiens comme d’exprimer sa gratitude à notre entourage, ainsi que des plaisirs simples. Un exemple: installer la machine à café à côté de son lit pour le boire bien au chaud, comme Patricia qui estime qu’«être heureux, ça dépend d’abord de soi. Et du temps qu’on a.» Celle-ci n’hésite donc pas à s’octroyer des moments où elle ne fait rien. «Je m’assieds dans le jardin et je regarde les chats passer, les oiseaux chanter.» Il existe aussi des gestes de bien-être auxquels on ne pense peut-être pas toujours: allumer des bougies en rentrant à la maison, se vautrer dans son canapé en toute bonne conscience ou diffuser des huiles essentielles. Apprendre à se dérider Et pour développer l’esprit positif ailleurs que chez soi, les initiatives originales ne manquent pas. Les clubs de rire, par exemple – si, si, ça existe. Le concept est simple: on se réunit, une fois par semaine, avec des gens qui sont prêts, comme vous, à rire de bon cœur en faisant des activités drôles et relaxantes, comme la posture de l’ours qui se gratte. Vous ne voyez pas? Il s’agit de se frotter dos à dos avec un autre pratiquant… Au bout d’un moment, rires assurés. Le concept nous vient tout droit d’Inde. Le Dr Kataria était un adepte du yoga du rire. Convaincu de ses bénéfices sur la santé et le mental, il voulut rendre le concept accessible à un large public. Un matin de l’année 1995, très enthousiaste, il se rendit dans un parc et réunit plusieurs dizaines de personnes pour une séance de blagues. Manque de bol, au bout de trois jours, tout le monde avait épuisé son répertoire… Le médecin développa alors sa méthode: une heure de détente pour se mettre en condition (stretching, relaxation) puis des exercices drôles pour se faire rire. Se marrer en cœur, un concept étrange? Comme Sacha (lire son témoignage ci-contre), Yvan Aboussouan est un inconditionnel. Professeur au club de rire de Genève, ce bon vivant assure qu’on ressent «les bienfaits du rire dès la troisième séance. Il ne s’agit pas d’établir une tyrannie de la bonne humeur superficielle, mais de se faire du bien». Et de se sentir un peu mieux, un peu plus heureux, tous les jours. Car en définitive, il ne s’agit pas d’un but qu’on peut atteindre pleinement et en permanence. Non. Le bonheur «est un chemin, avec des hauts et des bas», rappelle Yves-Alexandre Thalmann. Mais un chemin capital. Car comme le disait si bien le grand Voltaire: «La grande affaire et la seule qu’on doive avoir, c’est de vivre heureux.» Les Suisses ces bienheureux Oui, la Suisse est le troisième pays le plus heureux au monde, et ce n’est pas une blague. Seuls le Danemark et la Suède font mieux que nous. Encore faut-il savoir ce qu’on entend par «bonheur». Willibald Ruch, prof de psychologie positive à l’Uni de Zurich distingue deux types. «Il y a les sentiments de joie momentanés, provoqués par le rire par exemple. Et puis il y a la satisfaction à long terme qui dépend de trois facteurs: les plaisirs qu’on ressent, les engagements que l’on prend et qui nous motivent et surtout, le sens qu’on donne à sa vie. Or, les Suisses sont parmi les gens qui s’engagent le plus fortement dans des activités qui ont un sens pour eux.» Inventaire des petits riens qui égayent le quotidien Dans «Petit cahier d’exercices d’entraînement au bonheur», Yves-Alexandre Thalmann donne des tuyaux pour voir la vie en rose. Morceaux choisis. 1. Dressez une liste des petites choses qui pourraient vous rendre (plus) heureux et mettez-en quelques-unes en pratique, au moins une fois par jour. 2. Changez votre manière de parler. A la poubelle, les mots «échec», «impossible», «nul», «ratage». Parler différemment peut vous aider à penser autrement: «apprentissage», «essai»,… 3. Exprimez votre gratitude par oral ou par écrit, au moins une fois par semaine, à une personne que vous côtoyez (conjoint, parent, ami, collègue). Mais faites-le vraiment! 4. Faites preuve de générosité envers votre entourage: donnez de votre temps, partagez vos savoir-faire, offrez des cadeaux. 5. Choisissez des activités qui font sens à vos yeux, pour lesquelles vous vous sentez utile. Et consacrez-y du temps. 6. Ne faites pas les choses par habitude, concentrez-vous sur vos activités, les journées paraîtront plus remplies. 7. Prenez des points de comparaison favorables: n’enviez pas les plus riches, mais réjouissez-vous de ce que vous avez (tout le monde n’a pas votre chance). Exemple: coincé dans un embouteillage, ne pestez pas mais appréciez les autoroutes en bon état… 8. Trouvez des activités (lecture, musique, etc.) qui vous captivent assez pour stopper la rumination mentale. Rien de pire que de ressasser ses problèmes. uploads/Litterature/ etre-heureux-ca-s-x27-apprend 1 .pdf

  • 14
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager