Explication ; linéaire 2, COLETTE Sido , « Les Sauvages ». Introduction : Jouer

Explication ; linéaire 2, COLETTE Sido , « Les Sauvages ». Introduction : Jouer avec les textes , les registres lorsqu’on décide de livrer ses souvenirs de famille : tel semble être le pari de Colette, dans cet extrait des Sauvages qui concerne les souvenirs de l’écrivain avec ses frères et sœur. Un moment , loin de l’agitation quotidienne , retient notre attention : son frère lui raconte la visite qu’il fait , sur les traces de son enfance , à la cour du Pâté. Ce souvenir est un moment de charme, entre réévaluation du temps passé et goût du bon mot , à travers une scène digne du théâtre.le premier mouvement (ligne1 à 16) pose le cadre d’évocation ; le deuxième mouvement (ligne 17 à 21) prépare le moment crucial ; le troisième mouvement est le coup de théâtre (ligne 22 à la fin).en quoi cette conversation, basé sur le retour au pays natal , est-elle fondée sur l’effet de surprise ? en quoi le premier mouvement sert-il les effets de retardement ? en quoi le deuxième mouvement resserre -t-il le nœud de l’action et contribue-t-il à l’effet d’étrangeté de la scène ? en quoi le troisième mouvement met-il en place l’effet de retournement ? ……………………………………………………………………………………………………………………………… Premier mouvement : Le frère apparaît dès le début du texte comme le narrateur ; pour preuve la position dans laquelle le lecteur le retrouve dès le début de l’extrait : il fait le vide autour de lui , se concentre sur ce qu’il va dire , sur comment il va le dire. Ce qui justifie le rythme rapide de cette phrase simple : « mon frère se ramassa sur lui-même » : on note ici l’emploi très juste du passé simple qui remplit bien sa fonction de concentration de l’action. En digne narrateur qu’il représente, le frère mène le dialogue et ne transige pas sur son rôle : la formule lapidaire « une minute » à laquelle se joint l’impératif « commençons par le commencement » introduisent le lecteur dans cet univers particulier de la conversation. Le lecteur se laisse guider par le frère qui, habilement, à travers l’emploi du présent à valeur d’actualisation, nous conduit dans l’univers de l’enfance. « j’arrive au château »/ « j’entre dans le parc »/ ; le présent d’énonciation « je n’ai rien à objecter » , le présent de vérité générale « il est toujours asile de vieillards », la conversation est légère , naturelle , elle mêle des phrases simples , qu’elle soit résumée en une interjection « bon » , qu’elle contienne une proposition minimale « j’arrive au château » , à des phrases complexes : une causale qui souligne le lien entretenu par le frère avec le passé : il est capable de justifier l’emploi du bâtiment , en invoquant le passé « puisque Victor Gandrille l’a voulu » ou une relative qui illustre le lien et la connaissance du frère avec les habitants du village , sa proximité « celle qui est près de Mme Billette ». L’échange commence à ce moment précis ; Colette répond à son frère , comme s’il fallait donner une direction à la conversation , une énergie , comme s’il était nécessaire de donner une tournure théâtrale à la scène ordinaire : ce que justifie cette mise en scène de l’étonnement : nous sommes en pleine scène de confusion théâtrale : « comment Mme Billette ? », comme si le frère avait dit une grossièreté … la suite de la réplique joue sur un autre tableau : là où le frère , nous le comprenons rapidement , peut jouer avec le réel , Colette décide de fournir une lecture plus véridique des faits et des personnes « mais elle doit être morte depuis quarante ans au moins ! » le lecteur attendait -il une telle caution ? Ce que justifie la réaction du frère : il lui répond avec « insouciance » : cette insouciance se manifeste à travers la ponctuation relâchée : pour preuve les points de suspension ; de dépit ne s’écrie-t-il pas : « S’ils croient que je vais retenir des noms que je ne connais pas ! »qui représente ce pronom « ils » ? les lecteurs ? les critiques ? lesquels ? raison pour laquelle l’adverbe « enfin » ouvre un nouveau tempo : et nous poursuivons la progression vers le lieu. Retour au présent d’actualisation « j’entre par l’allée du bas je monte l’allée des tilleuls » … le frère nous guide avec précaution , il vérifie que nous le suivions bien … pourtant lui-même cède à un moment d’irritation lorsqu’il ne retrouve pas entièrement le passé : « les chiens n’ont pas aboyé » . il prend conscience en racontant la scène que le passé ne peut se revivre , quand bien même les outils grammaticaux semblent vouloir affirmer le contraire… Colette le rassure , en partie parce que c’est son frère , principalement parce que , tel le lecteur , elle veut connaître la suite : « ça ne pourrait pas être les mêmes chiens ,,, Songe donc ». le frère accepte malgré lui et poursuit la progression : la conversation gagne en rapidité , le frère n’est plus disposé à tout raconter , ainsi se justifie l’emploi de la prétérition « je passe sous silence les pommes de terre …..sur les fils de fer des pelouses, un quadrillage de fils de fer… » manière habile de raconter sans s’attarder : dans quel but ?nous faire languir , dans l’attente du moment magique. Pourtant le lecteur peut être séduit par ce rapide cours de jardinage : quelques essences de fleurs, de plantes, « cœurs- de-jeannette, pavots » un cours sur la manière de planter, disposer les végétaux sur les fils de fer des pelouses, un quadrillage de fils de fer »….le frère , le temps d’une réplique , prend la pose de sa sœur et manifeste sa curiosité pour la Nature… Ce qui dérange plus particulièrement le frère apparaît dans la suite et fin de ce premier mouvement : on lui a volé son passé en le rendant plus pratique : on a redisposé l’aspect magique de son passé : « je n’ai pas aimé qu’ils fassent de la première cour…une espèce de préau à sécher le linge » en effet rien de bien poétique dans ce préau , contrairement à l’espace originel « devant la grille , derrière les écuries aux chevaux » , la disposition des locutions spatiales , leur agencement dans la proposition est favorable au rêve , au souvenir , il y a un je ne sais quoi d’inatteignable par la langue , loin de la vision technique , mécanique de « cette espèce de préau » : à noter ici l’intensité péjorative exprimée à travers le choix du démonstratif associé au substantif « espèce » et ainsi se termine le mouvement , sur cette note de déception « oui je l’avoue ! »= convenez-en lecteurs , comment rester insensible ? Deuxième mouvement : Nous voilà enfin au cœur du sujet : ce que suggère les guillemets « moment de la grille », prudemment annoncé à renfort de négative et de causale : « je n’y ai pas trop fait attention « + « parce que j’attendais » Surprise totale de la sœur, jouée ou sincère, peu importe « quel moment de la grille ? l’interrogative joue pleinement son rôle Le frère se fait doublement technicien , celui de la construction de la phrase et celui de l’ouverture de la grille =« le référent temporel , par le doublement de la précision adverbiale »depuis toujours » , suivi de la double conjonctive « quand on le tourne comme ça et qu’on laisse aller la grille » manifeste l’habileté dont fait preuve le frère dans l’art d’ouvrir la grille et dans celui d’organiser le récit de son ouverture ; le moment magique approche , dévoilé en partie par l’adverbe « alors » qui résout la crise « elle s’ouvre par son propre poids » , comme tout semble aller de soi ! la magie se poursuit : la grille devient personnage de la scène , elle prend la parole « le gérondif introduit ce changement d’identité = « en s’ouvrant elle dit » L’assistance du frère n’en peut plus : aussi laisse-t-elle échapper ce cri bien puéril, loin de la solennité de la scène : elle renvoie aux caprices , aux enfantillages « î -î-î—an » seul chant possible et convenu à ce moment pour accueillir la résolution de l’épisode Troisième mouvement : Mais ce moment magique connaît une déconvenue : le passé a été brisé : preuve en est de l’emploi du passé composé et des marques de suspension, comme s’il fallait retarder le moment de l’aveu de cet échec : « j’ai tourné …j’ai laissé aller la grille… j’ai écouté… ; retour au tragique du moment par l’interrogative « tu sais ce qu’ils ont fait ? » Le passé est définitivement perdu et uploads/Litterature/ extrait-de-texte-de-colette-quot-sido-quot-part2.pdf

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