Pour Phèdre, le fabuliste latin, « Le mérite de la fable est double : elle susc
Pour Phèdre, le fabuliste latin, « Le mérite de la fable est double : elle suscite le rire et donne une leçon de prudence2. » Cette portée didactique des fables peut expliquer que les fables ont circulé et ont été reprises d'une culture à une autre. Selon G. K. Chesterton, « la fable est une sorte d'alphabet de l'humanité au moyen duquel on a pu écrire les premières certitudes philosophiques; et pour cette raison les figures devaient fonctionner comme des abstractions algébriques ou des pièces d'un jeu d'échecs3.» Historique[modifier | modifier le code] La fable plonge ses racines dans la nuit des temps et se retrouve dans toutes les cultures. Elle a fait partie de la tradition orale bien avant l'invention de l'écriture. Elle est toujours active dans les pays où la culture orale demeure vivace et proche de la nature, comme c'est le cas notamment en Afrique ou dans les sociétés rurales. La Mésopotamie semble avoir été le berceau du genre, en raison de la découverte qu'on y a faite de nombreuses fables remontant jusqu'à deux mille ans avant notre ère7. Des tablettes provenant de bibliothèques scolaires de l’époque sumérienne racontent brièvement des histoires de renard flatteur, de chien maladroit (« Le chien du forgeron, n’ayant pu renverser l’enclume, renversa le pot d’eau ») ou de moustique présomptueux (« Un moustique s’étant posé sur le dos d’un éléphant lui demanda si son poids lui était supportable ou s’il devrait plutôt s’envoler »). Beaucoup de ces textes montrent une grande affinité avec les proverbes et ont une construction antithétique (« Ce que tu as trouvé, tu n’en parles pas ; mais ce que tu as perdu, tu en parles. ») Toutefois, ils ne possèdent pas de morale explicite8. Le Talmud contient plusieurs enseignements illustrés de fables de Renard, fables qui sont passées dans la littérature occidentale par les compilations chrétiennes d'"exemples" servant à la composition des sermons 9 . Antiquité gréco-romaine Ésope en Grèce[modifier | modifier le code] Les fables d'Ésope ont été constamment traduites et illustrées depuis plus de 2 000 ans. Ci-dessus Le Lion et le Rat, dans une édition de Steinhowel de 1521. Illustration de Grandville pour Le Renard et le Bouc. La fable se constitue en tant que genre littéraire avec Ésope, le plus grand fabuliste de l'Antiquité, qui a vécu entre les VIIe et VIe siècles avant J.C, et qui serait originaire de la Thrace, près de la mer Noire. Considéré comme le père de la fable, il lui a donné son nom. Les Anciens distinguaient en effet entre la fable ésopique, qui met en scène des animaux ou des objets inanimés, et la fable libyenne, où des hommes ont affaire à des animaux ou s'entretiennent avec eux11. La vie d'Ésope nous est connue grâce à un récit laissé par Maxime Planude, érudit byzantin du XIIIe siècle, qui reprenait probablement un texte grec du Ier siècle. La Fontaine a adapté ce récit et l'a placé en tête de son recueil de fables sous le titre « La Vie d'Ésope le Phrygien ». On a souvent mis en doute la réalité historique de la prodigieuse destinée de cet ancien esclave nubien bègue et difforme qui réussit à se faire affranchir et en vient à conseiller les rois grâce à son habileté à résoudre des énigmes. On a souligné notamment les parallèles avec l'histoire d'Ahiqar, qui circulait en Syrie à l'époque de la vie d'Ésope. Ésope était déjà très populaire à l’époque classique, comme le montre le fait que Socrate lui-même aurait consacré ses derniers moments de prison avant sa mort à mettre en vers des fables de cet auteur. Il s’en serait expliqué à son disciple de la façon suivante : « Un poète doit prendre pour matière des mythes [...] Aussi ai-je choisi des mythes à portée de main, ces fables d’Ésope que je savais par cœur, au hasard de la rencontre12. » Diogène Laërce attribue même une fable à Socrate, laquelle commençait ainsi : « Un jour, Ésope dit aux habitants de Corinthe qu'on ne doit pas soumettre la vertu au jugement du populaire. » Or, il s'agit là d'un précepte aujourd’hui typiquement associé au philosophe plutôt qu'au fabuliste. Socrate se servait sans doute du nom d'Ésope pour faire passer ses préceptes au moyen d'apologues13. Au IVe siècle av. J.-C. , Démétrios de Phalère publie le premier recueil de fables historiquement attesté. Ce recueil, perdu, a donné naissance à d’innombrables versions. Une de celles-ci a été conservée sous la forme d’un ensemble de manuscrits datant probablement du Ier siècle, collection appelée Augustana. C’est à celle-ci que l’on se réfère lorsqu’on parle aujourd’hui des « fables d'Ésope ». Elle compte plus de 500 fables, toutes en prose, parmi lesquelles figurent les plus populaires, tels Le Corbeau et le Renard, Le lièvre et la Tortue, Le Bûcheron et la Mort, Le Vent et le Soleil, etc. (Version moderne intégrale sur Wikisource). Il est probable que le nom d'Ésope a servi à regrouper toute sorte de récits qui circulaient jusque-là de façon orale et qui présentaient des caractéristiques communes14. Phèdre à Rome[modifier | modifier le code] De la Grèce, la fable passe à Rome. Horace propose une remarquable adaptation du Rat de ville et du Rat des champs (Satires, II, 6)15 que certains critiques estiment supérieure à la version de Jean de La Fontaine. Il sera suivi par Phèdre qui, comme Ésope, est né en Thrace et était esclave avant d'être affranchi par Auguste. On lui doit six livres de fables, dont le premier s'ouvre avec Le Loup et l'Agneau16. Avec ce recueil entièrement écrit en vers, Phèdre va véritablement faire de la fable un genre poétique à part entière. Il ne se contente pas d'adapter Ésope en latin, mais fait aussi preuve d'originalité : sur les 126 fables que compte son recueil, moins de la moitié sont directement empruntées à Ésope17. Même si ces fables ne lui attirent pas la gloire de son vivant, Phèdre fera des émules. Période hellénistique[modifier | modifier le code] Le poète Babrius, un Romain hellénisé contemporain de Phèdre, récrit en grec les fables ésopiques et les met en vers. On connaît de lui deux recueils, qui totalisent 123 fables. La vogue de la fable grandit dans le monde gréco-romain. On trouve diverses références à des fables chez l'auteur grec Lucien de Samosate, notamment celle des singes dansants, qui joue sur l'opposition entre l'inné et l'acquis, thème commun à de nombreuses fables, notamment chez La Fontaine et Florian18. Au IVe siècle , le poète romain Avianus en laisse 42, pour la plupart des adaptations de Phèdre, mais dont plusieurs, qui ne sont attestées nulle part ailleurs, sont fort bien construites. Son contemporain, Aphthonios a laissé un recueil de 40 fables en prose. Par la filière latine, les fables d'Ésope passeront au Moyen Âge et inspireront d'innombrables successeurs. La source indienne et persane[modifier | modifier le code] Une page du Kalîla wa Dimna, version persane du XVe siècle (Musée du palais de Topkapı, Istanbul) Kalîla wa Dimna, édition syrienne de 1534. Le lièvre trompe l'éléphant en lui montrant le reflet de la lune. La fable a connu un succès remarquable en Inde. On en trouve déjà dans la grande épopée du Mahâbhârata, fondatrice de l'hindouisme, ainsi que dans les récits du Jātaka et le Kathâsaritsâgara 19 , mais la collection la plus importante se trouve dans le Pañchatantra. Originellement rédigé en sanskrit entre - 300 et 570 par un brahmane du nom de Pilpay dans la région du Cachemire, ce recueil de fables avait pour but d'enseigner la sagesse aux princes et le succès dans la vie. Il a connu d'innombrables remaniements et versions dérivées, dont l'une s'intitule Hitopadesha ou L'Instruction utile, datant du XIIe siècle . On trouve dans le Pañchatantra le bestiaire habituel des fables (âne, lion, singe, serpent, etc.), avec la différence que deux chacals, Karataka et Damanaka, y jouent le rôle du renard européen, tout en se comportant parfois sottement20. Ce recueil compte 70 fables, majoritairement en prose. Cet ouvrage arrivera en Occident au terme d'un cheminement fort complexe, attestant de l'intérêt que la fable a pu susciter dans différentes cultures21. Le Livre de Pilpay est introduit en Perse par le roi sassanide Khosro Ier (531- 579) qui, ayant appris l'existence en Inde d'un ouvrage contenant la source de toute formation intellectuelle, avait donné mission à son médecin de se le procurer. L'ouvrage est alors traduit en moyen-persan sous le titre Kalîleh va Demneh, qui est la version la plus ancienne du Pañchatantra à laquelle on puisse remonter, l'original indien de l'époque ne nous étant pas parvenu22. Après la conquête de la Perse par les Arabes au VIIe siècle , il est traduit en arabe sous le titre Kalîla wa Dimna (ou Kelileh va Demneh) par Abdullah Ibn al- Muqaffa (vers 750), qui transpose les récits originaux dans un contexte arabe. Les fables y sont insérées dans un récit continu dont les deux chacals — Calila (Karataka) et Dimna (Damanaka) — sont les protagonistes. Aucun ouvrage originaire de l'Inde uploads/Litterature/ fable.pdf
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- Publié le Jul 14, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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