L’Écume des jours édi tion éta blie, pré sen tée et anno tée par Gilbert Pestur

L’Écume des jours édi tion éta blie, pré sen tée et anno tée par Gilbert Pestureau et Michel Rybalka. [Le Livre de Poche no 14087 (édition courante) et coffret spécial fi lm (accompagné d’un livret illustré de 32 pages)] Charlotte Béra enseigne le français à des classes de collège et de lycée depuis dix ans. Elle est actuellement en poste à la Cité scolaire Michelet à Vanves, dans la région parisienne. Elle a par ailleurs été membre du jury du Prix de l’Inaperçu en 2009 et a rédigé de nombreux dossiers pédagogiques pour le site enseignants du Livre de Poche. © Librai rie Géné rale Fran çaise, 2013, pour la pré sente édi tion. ISBN : 301-0-000-02946-5 Le présent dos sier pro pose aux ensei gnants de Troi sième des élé ments qui leur per met tront de construire une séquence péda go gique sur L’Écume des jours, roman de Boris Vian adapté au cinéma en 2013 par Michel Gondry. À l’instar du cinéaste, nous avons choisi d’axer essentiellement notre lecture sur la construc tion de l’his - toire d’amour, cen trale dans l’œuvre, de Colin et Chloé, depuis le mer veilleux inhé rent à la nais sance du sen ti ment jusqu’au tra gique fi nal. Outre le plai sir que des ado les cents ne man que ront pas de prendre à la lec ture facile de ce roman au lan gage et à l’uni vers aussi inso lites que sur pre nants – roman dont les pro blé ma tiques rejoignent d’ailleurs celles de nos jeunes lec teurs – avec toute la gra vité que cela peut compor ter par fois, le choix d’une telle séquence nous paraît tout à fait per tinent pour ces élèves dans la mesure où le pro fes - seur pourra mettre en perspec tive les dif fé rents aspects du pro gramme de Troi sième. D’évi dence, le roman se prête à « l’étude des formes du récit », son adap ta tion à celle de « la lec ture de l’image » ; mais la décou verte et l’appro fon dis se ment de l’œuvre s’accom pagnent néces sai re ment aussi d’une réfl exion sur le tra gique, lié à la condi tion humaine dans la repré - sen ta tion qui est faite ici de l’amour, et d’un tra vail plus sys té ma tique, dans le cadre de lec tures ana ly tiques, sur 4 Dossier pédagogique l’inven ti vité lan ga gière de Boris Vian, proche à maints égards de l’entre prise sur réa liste. Pour arti cu ler l’étude du roman à celle de son adap ta - tion, nous pro po sons, le plus sou vent pos sible, des élé - ments des ti nés à illus trer la compa rai son entre le livre et le fi lm, dont nous avons pu voir un mon tage avancé mais encore pro vi soire. Le dos sier se clôt par un long entre - tien que nous a accordé Michel Gondry, dans lequel il explique le tra vail, par ti cu liè re ment impor tant pour lui, de l’adap ta tion du roman d’un auteur qu’il connaît inti - me ment pour avoir fré quenté ses œuvres avec assi duité dans sa jeu nesse et dont l’esprit a formé son ima gi naire. Intro duc tion Le des tin de L’Écume des jours : Boris Vian et son double ? 1946 fut pour Boris Vian une année de créa tion éton - nam ment pro li fi que, mal gré son acti vité d’ingé nieur à l’AFNOR puis à l’ATIP – ou peut- être grâce à elle1. « Qu’on en juge, explique Jean Clouzet, au début de cette année 1946, il mit la der nière main à un nou veau roman, L’Écume des jours et composa une pièce de théâtre : L’Équar ris sage pour tous. En juin, il commença une col - la bo ra tion inter mittente aux Temps modernes2 (Les Chro - niques du men teur) et régu lière à Jazz Hot (la Revue de presse). En août, il “tra dui sit” J’irai cra cher sur vos tombes. En sep tembre enfi n, il accepta de tenir la rubrique de jazz du jour nal Combat et entre prit la rédac tion de L’Automne à Pékin, son plus long roman, qu’il ter mina deux mois plus tard. En moins d’un an donc : trois romans, une pièce 1. À sa sor tie de l’École Cen trale, Boris Vian tra vaille suc ces si ve - ment à l’Asso cia tion fran çaise de nor ma li sa tion (AFNOR) et à l’Offi ce du papier (ATIP) entre 1942 et 1947. Il s’y ennuie pro fon dé ment. Le tra vail absurde de Chick dans L’Écume des jours se fait l’écho carica tu ral de cette expé rience. 2. Jour nal exis ten tia liste. 6 Dossier pédagogique de théâtre, des chro niques, des articles, l’exer cice de sa pro fes sion d’ingé nieur… sans comp ter ses heures de pré - sence à Saint- Germain-des-Prés [en tant que trom pet tiste dans une for ma tion de jazz]. On reste confondu par un tel rythme de pro duc tion, par une telle diver sité d’occu - pa tions1. » Pour tant, cette veine créa trice est lit té ra le ment occultée par le scan dale inhé rent à la publi ca tion de J’irai cra cher sur vos tombes2 qui obère dura ble ment la car rière lit té raire du « Trans cen dant Satrape » et éclipse la paru - tion de ses autres œuvres, notam ment celle de L’Écume des jours l’année sui vante. Mais le scan dale n’explique pas tout. Au sor tir de la Seconde Guerre mon diale, à l’heure où la France, exsangue, s’engage dans une reconstruc tion phy sique et morale, intel lec tuelle et cultu relle, ce livre a de quoi sur - prendre, de quoi dérou ter le lec teur par son appa rente fri vo lité et son amu sante créa ti vité ver bale. Avec L’Écume des jours, Boris Vian écrit, en effet, un roman qui s’affi rme réso lu ment contre l’esprit de sérieux de son temps3. Dans 1. Jean Clouzet, Boris Vian, Seghers, 1966. 2. J’irai cra cher sur vos tombes raconte, dans un style d’une vio lence et d’un éro tisme crus, l’his toire d’un Noir albi nos qui venge sa famille vic time du racisme par - ti cu liè re ment pré gnant chez les WASP de l’époque en s’intro dui sant, grâce à sa cou leur « passe- partout » et son phy sique avan ta geux, dans leur société. Le sujet et la manière dont il est traité ont beau coup cho qué la France puri taine et morale de l’après- guerre. Pour tant, Boris Vian avait conçu ce roman comme une mys ti fi cation lit té raire : il s’agis sait d’un pas tiche de roman noir amé ri cain que l’auteur (dont on sait l’amour pour les pseu do nymes) avait signé Vernon Sullivan, auteur noir dont le Baron Visi n’aurait que tra duit l’œuvre… 3. Boris Vian avait en cela une atti tude assez voi sine de celle des zazous, qu’il fré quen tait parce qu’ils étaient d’abord « très très swing et qu’ils aimaient le jazz » (Noël Arnaud, Les Vies paral lèles de Boris Vian), sans pour autant en être L’Écume des jours 7 une langue fas ci nante d’incongrui tés mer veilleuses et cruelles, un « langage- univers » (Jacques Bens), il met en scène une jeu nesse dorée et insou ciante à tra vers six per - son nages (trois couples) qui vivent d’amour et de jazz, de fêtes et de fes tins, d’argent facile et de col lec tions amu - santes, jusqu’à ce que la mala die de l’une d’entre eux et la manie d’un autre viennent dis si per l’amour fou et cet « âge d’or » de la jeu nesse, en condui sant le sextuor à la mort ou à une tris tesse indé pas sable, dans un uni - vers qui s’est pure ment et sim ple ment rata tiné. L’auteur pré vient son lec teur dans l’Avant- propos de L’Écume, paro die de pré face auctoriale, en prô nant, peut- être iro - nique : « Il y a seule ment deux choses : c’est l’amour, de toutes les façons, avec des jolies fi lles, et la musique de La Nouvelle- Orléans ou de Duke Ellington1 » (p. 19). De fait, le roman lui- même, que Raymond Queneau décrira dans son intro duc tion de L’Arrache- cœur comme « le plus poi gnant des romans d’amour », fait appa rem - ment fi des pro blé ma tiques des intel lec tuels de l’époque en les abor dant de manière ludique ou déca lée. Au sur - réa lisme uploads/Litterature/ fiche-pedagogique-quot-ecume-de-jours-quot 1 .pdf

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