Politiques du bovarysme en Amérique latine (1910-1960) (LHT Fabula) http://www.

Politiques du bovarysme en Amérique latine (1910-1960) (LHT Fabula) http://www.fabula.org/lht/9/index.php?id=342[21/09/2013 13:12:06] actualités WEB LITTÉRAIRE PARUTIONS DÉBATS APPELS & POSTES AGENDA revues ACTA FABULA Revue des parutions FABULA LHT Littérature, Histoire, Théorie Index des revues ressources ATELIER DE THÉORIE LITTÉRAIRE COLLOQUES EN LIGNE Projets Equipes & partenaires S'abonner Contacts Soumettre une annonce Accueil > LHT > Après le bovarysme > > SOMMAIRE APPELS À CONTRIBUTION LA REVUE COMITÉS NOTES AUX RÉDACTEURS CONTACT INDEX Article mis en ligne le 01 février 2012 A A A Résumés Plan Notes Bibliographie Mots Clés Citation Auteur DOSSIER | DÉCEMBRE 2011 | LHT N°9 FR | ENG | STÉPHANIE DECANTE Politiques du bovarysme en Amérique latine (1910-1960) APRÈS LE BOVARYSME | 1 Dans sa préface à une récente traduction espagnole de Madame Bovary, Patricia Willson souligne à quel point le roman de Flaubert a identifié un type préexistant, lui donnant un nom, le bovarysme, et assurant sa fortune dans l’aire hispanique [1]. Or, si l’efficacité de l’identification a sans aucun doute favorisé la récurrence de cette notion dans les discours hispano-américains de la première moitié du XX siècle, c’est aussi sa labilité particulière qui a assuré sa large circulation. Comme on l’a plusieurs fois mis en évidence [2], le bovarysme présente déjà sous la plume de Jules de Gaultier une certaine versatilité, faite d’ambivalences et d’apories. Ses interprétations ont ensuite recouvert des sens et des implications variables, se chargeant de nuances, d’oppositions, voire de contradictions. Dans l’étude qu’il lui consacre, Per Buvik préfère parler de notion plutôt que de concept ; il identifie deux domaines principaux d’application du bovarysme (la philosophie et la psychologie), et invite à en faire la généalogie, mais aussi à en étudier les transformations et les extensions sémantiques [3]. 2 Si la notion de bovarysme a rencontré un tel écho en Amérique latine, c’est pour des raisons à la fois thématiques et structurelles. La notion constitue une matrice qui permet de pointer et de cristalliser des problématiques liées à la lecture (alternativement pensée comme source d’altération ou d’émancipation) mais aussi à la construction identitaire, ce qui préoccupe les intellectuels de ces jeunes nations, un siècle à peine après leur Indépendance et qui, d’une certaine manière, articule les enjeux de la subjectivation littéraire à ceux de la subjectivation démocratique [4]. Cette articulation s’appuie sur la structure de la notion développée par Jules de Gaultier, qui se caractérise par son aptitude au changement d’échelle (de l’individuel au collectif ; du pathologique à l’ontologique) et par sa propension à subir des renversements de valeur, ce qui va faciliter, mais aussi rendre plus hasardeuse, sa réception. 3 Le terme, progressivement banalisé par un usage pas toujours rigoureux, apparaît e Rechercher Politiques du bovarysme en Amérique latine (1910-1960) (LHT Fabula) http://www.fabula.org/lht/9/index.php?id=342[21/09/2013 13:12:06] aujourd’hui encore de façon sporadique, dans des contextes fort différents [5]. Le plus souvent marqué par une coloration négative, il est utilisé alternativement au plan individuel ou collectif. À l’échelle individuelle, il stigmatise une pathologie de lecture – généralement placée sous le signe du féminin et inspirée du personnage romanesque – qui consisterait à s’identifier abusivement à des personnages fictionnels. À l’échelle collective, il renvoie à une pathologie culturelle qui conduirait une nation à s’identifier excessivement à des cultures étrangères ; source de son altération, de son aliénation et de sa décadence. Les contextes d’affirmation nationaliste et de mouvements de décolonisation culturelle semblent avoir été propices à la résurgence de la notion, ce qui la rend particulièrement prégnante en Amérique latine au cours de la première moitié du vingtième siècle, période de consolidation des identités nationales [6]. 4 Cet article visera à identifier ces différentes facettes de l’usage de la notion de bovarysme en Amérique latine, et à analyser la manière dont elle met en résonance des imaginaires du littéraire et des imaginaires du politique. Je propose en particulier de lire, à leur fondement, des représentations de la différence des sexes ; une telle approche qui repose sur l’analyse des représentations véhiculées par la presse et sur l’observation des discours sur la littérature, souligne l’importance qu’il y a à interroger en ces matières les enjeux de la perception du masculin et du féminin, leurs interférences et leurs modulations. 5 Afin de mettre en évidence ces points de convergence dans l’interprétation de la notion, je reviendrai sur sa généalogie, puis me concentrerai sur quelques scènes de sa réception et distinguerai deux périodes. Tout d’abord, je préciserai le cadre et les enjeux de la première occurrence du terme en Amérique latine, sous la plume de l’intellectuel mexicain Antonio Caso. Il s’agira notamment de mettre en lumière des réappropriations particulières, dans le contexte d’une réflexion sur la décolonisation culturelle, le rapport aux influences étrangères et l’affirmation d’une identité nationale, voire continentale, face au Vieux Monde (dans ce contexte, l’auteur semble relativement fidèle aux réflexions de Jules de Gaultier). Dans un second temps, j’observerai la résurgence de la notion, sous une forme banalisée, dans les années 1930-1950, à l’occasion d’événements qui ont marqué la vie littéraire hispano-américaine et dont les protagonistes ont été, singulièrement, des romancières. L’étude de trois cas, au Venezuela et au Chili, permettra de mettre en évidence la coloration socio-sexuée que prend la notion, sans doute sous l’influence des discours psychiatriques de l’époque. Bovarysme collectif et bovarysme de la connaissance 6 Mise en scène spectaculaire des passions suscitées par la lecture, scandale, provocation à l’ordre établi, procès, subtilités de la responsabilité énonciative, traductions polémiques… c’est sans aucun doute un lieu commun que de l’avancer : Madame Bovary est un des romans qui a posé de la façon la plus suggestive la question de la lecture ; de ses dangers et de ses vertus. Les nombreuses polémiques qui ont accompagné la première réception de l’œuvre nourrissent encore aujourd’hui des débats au sein de la critique [7]. Selon l’interprétation dominante de l’œuvre, Emma Bovary est victime de l’inadéquation entre la conception qu’elle s’est faite de la vie et les circonstances concrètes dont elle dépend. C’est ce décalage qui sera défini comme bovarysme. Se dégage alors une première constante dans l’usage de ce terme : son interprétation recouvre des préoccupations idéologiques qui dépassent largement la simple analyse psychologisante du personnage romanesque. 7 Quelques années après la publication du roman de Flaubert, la notion de « bovarysme » a été exploitée et développée par Jules de Gaultier [8]. Il s’agissait d’abord de cerner la pathologie d’une héroïne romanesque qui s’identifie abusivement à des personnages de fiction, et de diagnostiquer « une évasion dans l’imaginaire par insatisfaction », mais ensuite de penser le bovarysme comme « le pouvoir départi à l’homme de se concevoir autre qu’il n’est », puis comme « une nécessité permanente » [9] ; éloignée à la fois de l’œuvre de Flaubert et du féminin, Politiques du bovarysme en Amérique latine (1910-1960) (LHT Fabula) http://www.fabula.org/lht/9/index.php?id=342[21/09/2013 13:12:06] la notion devient progressivement une caractéristique humaine universelle. Et si le bovarysme a pu être envisagé par les théories psychiatriques comme une pathologie proche de l’hystérie et propre aux jeunes femmes névrosées, il devient progressivement, sous la plume de Jules de Gaultier, un véritable pouvoir, où se joue la force vitale de l’homme, le « principe bovaryque », développé dans le second essai du théoricien français, étant conçu comme une faculté bénéfique, pourvoyeuse de connaissance, d’émancipation et de progrès. Ce premier renversement est annoncé dès l’essai de 1902 : Tout d’abord, avec Flaubert et à sa suite, on va s’attacher à montrer sous son seul aspect morbide, ainsi qu’il a été considéré lui-même avec une nuance de pessimisme, ce singulier pouvoir de métamorphose. Mais on s’attachera aussi à montrer son universalité, et ce caractère général du phénomène contraindra l’esprit à reconnaître son utilité, à préciser son rôle comme cause et moyen essentiel de l’évolution de l’Humanité [10]. 8 Au début du siècle, c’est surtout la dimension collective du bovarysme qui retient l’attention, plus particulièrement ce que Jules de Gaultier nomme le « bovarysme de la connaissance ». En Amérique latine, le terme se trouve parfois qualifié de « mental » et de « national ». Il est utilisé pour faire une sorte de radiographie des sociétés de l’époque et, plus généralement, pour débattre des raisons de la décadence ou du progrès de « l’esprit », de « l’âme » d’une nation. Ce débat s’inscrit alors dans celui, plus général, qui oppose vitalisme et idéalisme. 9 Par ailleurs, il implique une conception relativement ambiguë de l’identité, alternativement pensée en termes d’authenticité (en vertu de quoi toute identification à un autre serait condamnable) ou de capacité à se dépasser, à la faveur du « principe bovaryque ». Pour dépasser cette aporie qui est au cœur de sa théorie, et pour répondre aux incriminations de son adversaire Georges Palante [11], Jules de Gaultier a d’ailleurs fait intervenir dans son propos la notion « d’indice bovaryque ». Cette formule fait office d’indicateur, correspondant à l’écart entre l’être réel et l’être imaginé. Elle implique et soutient la nécessité de prendre en compte – et de définir – la juste mesure à observer dans cette tendance naturelle départie uploads/Litterature/ politiques-du-bovarysme-en-amerique-latine-1910-1960-lht-fabula.pdf

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