1 FACTUM SERVANT DE RÉPONSE AU LIVRE INTITULÉABRÉGÉ DU PROCÈS FAIT AUX JUIFS DE
1 FACTUM SERVANT DE RÉPONSE AU LIVRE INTITULÉABRÉGÉ DU PROCÈS FAIT AUX JUIFS DE METZ[1] PAR RICHARD SIMONOratorien. 2 Exporté de Wikisource le 19 mars 2022 3 L'auteur du libelle contre les Juifs de Metz témoigne sa mauvaise volonté contre la nation juive, lorsque nonobstant l'arrêt du Conseil qui portait très expressément défense de faire aucunes poursuites contres les Juifs de Metz, le Roi se réservant la connaissance de cette affaire, il a fait imprimer son livre, pour rendre odieuse toute cette nation, qui est plutôt aujourd'hui en état de faire pitié que d'être l'objet de la vengeance de quelques Chrétiens; mais les preuves dont il se sert pour appuyer le jugement rendu contre Raphaël Lévy, et pour prévenir en même temps la justice du Roi par ses médisances, sont si faibles, qu'on n'aurait point besoin de les réfuter, si l'on avait dessein de faire voir la fausseté des crimes dont on accuse les Juifs depuis longtemps. Le Parlement de Metz a condamné au feu un misérable Juif, appelé Raphaël Lévy, de Boulay, en Lorraine, accusé d'avoir enlevé et tué un enfant chrétien ; et pour faire voir la justice de son arrêt, l'auteur de l' Abrégé du procès dit premièrement que ce crime était déjà parmi les Juifs du temps de Moïse, et il prétend le prouver par ces paroles de l'Exode, chap. XXI : « Qui furatus fuerit hominem et vendiderit cum, convictus noxae, morte moriatur ». Mais il faut être malicieux ou ignorant pour ne point voir que Moïse, entre plusieurs lois qu'il établit dans ce chapitre contre les vices qui règnent ordinairement dans les États, en fait une contre l'avarice de ceux qui, pour avoir de l'argent, vendraient leurs frères à leurs voisins. Cette loi était alors 4 nécessaire aux Hébreux qui étaient au milieu de plusieurs peuples ennemis. Tostat[3], savant évêque espagnol, dans son commentaire sur ce passage, reprend fortement la méchante coutume de quelques Chrétiens, voisins du Turc, qui par une semblable avarice vendent leurs frères à ces infidèles. Si le sens de ce passage était celui que l'auteur du libelle s'est imaginé, il serait bien plus à propos de conclure le contraire, et de dire que les Juifs sont bien éloignés du crime dont on les accuse, puisque Moïse le leur défend expressément. Et c'est pour cette raison que plusieurs grands papes, ainsi que nous le verrons dans la suite, ont pris justement la défense des Juifs lorsqu'ils les ont vus injustement persécutés. La seconde preuve que cet auteur met en avant est tirée de l'Histoire ecclésiastique de Baronius[4] qui rapporte, dit- il, quantité d'exemples de crimes de plagiaire suivis d'extraordinaires cruautés exercées sur des enfants chrétiens par des Juifs. Il veut sans doute parler des continuateurs de Baronius, qui fournissent à la vérité plusieurs exemples de ces prétendues cruautés. Mais aussi devrait-il avouer que ces mêmes écrivains sont remplis d'un grand nombre d'histoires en faveur des Juifs, et l'on peut dire en examinant les choses avec sincérité, que les derniers livres font douter de la vérité des premiers, comme nous allons le démontrer : Baronius ayant fini ses annales au XIIe siècle, n'a pu produire beaucoup d'exemples de ces cruautés imaginaires, puisqu'on n'a principalement commencé à accuser les Juif de ces sortes de crimes que lorsque les Chrétiens songèrent 5 à la conquête de la Terre Sainte. Avant ce temps-là on les chargeait plutôt d'impiété contre les images que contre les hommes, parce que c'était la dispute d'alors. Au commencement du XIe siècle on accusa les Juifs de France, et particulièrement ceux d'Orléans, d'avoir donné des avis secrets au prince de Babylone, à qui ils avaient fait savoir que s'il ne détruisait au plus tôt l'église des Chrétiens qui était à Jérusalem, ils se rendraient en peu de temps les maîtres de ses États. Ce prince ayant fait démolir leur église, on commença pour lors à exercer d'étranges cruautés contre les Juifs, et toutes les accusations qu'on fit dans la suite contre eux furent très bien reçues. Baronius rapporte, après Otton de Frising[5], qu'un certain moine, nommé Radulphe[6], homme de bien en apparence, et plus zélé que savant, tâcha d'attirer à lui les peuples de Cologne, de Mayence, de Spire et de Strasbourg, pour se croiser contre les Juifs. Il enseignait publiquement qu'il les fallait tous mettre à mort, comme ennemis de la religion chrétienne, ce qui réussit si bien dans plusieurs villes de France et d'Allemagne, où l'on vit le sang innocent des Juifs répandu par ces séditieux, qu'il furent obligés de se mettre sous la protection du Roi des Romains[7], et de chercher leur sûreté dans Nuremberg. Nous avons encore aujourd'hui une lettre de saint Bernard[8], sur ce sujet, adressée à Henry, archevêque de Mayence, dans laquelle il réfute cette pernicieuse hérésie du moine Radulphe, qu'il appelle homicide et père du mensonge (homicida et pater mendacii). Il traite la doctrine 6 de ce moine de ruse infernale qui détruit toute la religion (sapientia infernalis, contraria prophetis et apostolis inimica submersio pietatis et gratiae). Il fait voir par l'Écriture sainte le retour des Juifs que l'Église souhaite dans ses prières : « Cum plenitudo gentium intraverit, tunc omnis Israel salvus fuit' ». Pierre, abbé de Cluny[9], qui fut plus adroit, écrivit à Louis, roi de France, qu'il fallait plutôt punir les Juifs par la bourse que les mettre à mort. Ce fut alors que les prédicateurs firent de grandes invectives contre la nation juive, en exagérant le péché de leurs pères qui avaient crucifié Jésus-Christ; en sorte que le crime des pères fut attribué aux enfants. Cela donna lieu aux moines, non seulement de prêcher, mais de remplir leurs livres de ces histoires tragiques qui furent peu après répandues dans toutes les villes. Elles firent une si vive impression sur le peuple que les papes et les princes eurent besoin de toute leur autorité pour arrêter le cours des cruautés qu'on exerçait contre ces malheureux. En l'an 1235, le pape Grégoire IX se vit obligé de protéger les Juifs qui étaient injustement tourmentés dans toute l'Europe. Il témoigna qu'il avait été fléchi par leurs pleurs, sachant bien, dit-il qu'ils ne sont nullement coupables des crimes que les Chrétiens leur imputent pour avoir leur bien, en abusant de la religion pour donner quelque couleur à leur avarice. On peut lire là-dessus, dans Raynaldus[10], la lettre de ce pape adressée à tous les Chrétiens : elle est écrite de Pérouse, la neuvième année de son pontificat, et, afin qu'elle ait plus d'autorité, il propose 7 l'exemple de ses prédécesseurs Calliste, Eugène, Alexandre, Clément, Célestin, Innocent et Honorius, qui avaient aussi pris la défense des Juifs et prononcé anathème contre ceux qui continueraient de les persécuter. Le même pape écrivit l'année suivante, de Rietti, une lettre datée du neuvième de septembre, qui commence par ces paroles : « Lacrimabilem Judaeorum Franciae ». Il y déplore le pitoyable état des Juifs de France, affligés injustement par les Chrétiens, qui, au lieu de se disposer à la guerre sainte par les voies de la piété et de la justice, inventaient toutes sortes de malices contres les Juifs pour les perdre, et exerçaient envers eux des cruautés inouïes, ne prenant pas garde que les Chrétiens sont redevables aux Juifs des fondements de leur religion. Ce sont les paroles de ce pape qu'on peut voir plus au long dans le même Raynaldus, qui reproche à ces faux zélés le prétexte de la religion, dont ils abusaient pour ravir avec plus de liberté le bien de ces pauvres innocents. Il écrivit aussi à saint Louis une lettre sur le même sujet. En l'année 1247, le pape Innocent IV écrivit aussi en faveur des Juifs de France et d'Allemagne, contre les faux bruits qui s'étaient semés parmi les peuples, que les Juifs, aux fêtes de Pâques, mangeaient le coeur d'un enfant, et qui furent cause qu'on les dépouilla de leurs biens, qu'on les emprisonna et que même on leur fit souffrir toutes sortes de cruautés, sans garder aucune forme de jugement. C'est ce qu'on peut voir dans la lettre que ce pape envoya aux archevêques et aux évêques d'Allemange et de France, où il 8 reprend fortement tant les personnes ecclésiastiques que séculières, princes, nobles et autres puissants, qui imputaient aux Juifs, malicieusement et par des artifices diaboliques, des crimes dont ils n'étaient point coupables, comme de manger à Pâques le coeur d'un enfant chrétien. Il montre que leur loi est tout à fait contraire à ces prétendus infanticides; ajoutant que l'état présent des Juifs sous ces princes est beaucoup plus malheureux que celui de leurs pères sous Pharaon. Ce qui se passa au regard des mêmes Juifs en l'année 1338, sous le pontificat de Benoît XII, mérite d'être remarqué. On trouva près de la porte d'un Juif, dans une ville du diocèse de Passau, une hostie teinte de sang. Le peuple, suivant ses préjugés ordinaires, crut que les Juifs lui avaient donné des coups de couteau; l'affaire fut portée à Albert, duc d'Autriche, qui, étant bien instruit par plusieurs uploads/Litterature/ factum-servant-de-reponse-au-livre-intitule-abrege-du-proces-fait-aux-juifs-de-metz.pdf
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- Publié le Mar 23, 2022
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