1 FAIRE CLASSE EN FLE A propos de l’ouvrage de Jean-Pierre Robert, Evelyne Rose
1 FAIRE CLASSE EN FLE A propos de l’ouvrage de Jean-Pierre Robert, Evelyne Rosen et Claus Reinhardt, Faire classe en FLE. Une approche actionnelle et pragmatique. par Gérard Vigner La classe, un univers d’échange au profil particulier La classe constitue l’espace d’action de l’enseignant, espace placé à l’intersection de champs d’influence ou de jeux de contraintes variés, espace à l’intérieur duquel il appartient à l’enseignant d’organiser les pratiques qui lui paraîtront le plus appropriées par rapport aux objectifs qu’il s’est donnés et en fonction des attentes et besoins de ses publics. Cet espace n’est pas seulement un espace matériel circonscrit par les quatre murs de la salle, avec un mobilier différemment configuré pour permettre à la relation d’apprentissage de s’organiser (tables placées en rangées face au bureau du professeur, tables placées en rectangle ou carré pour permettre un meilleur partage des échanges, par exemple), associé éventuellement à un matériel d’accompagnement pédagogique (tableau électronique, vidéoprojecteur, etc.) . La classe est aussi espace « extra-territorial », disjoint, pour partie ou complètement, de son environnement ordinaire. Ainsi d’une classe de français en Espagne ou en Russie, qui permet aux élèves de pénétrer dans un autre univers culturel et langagier, mais aussi bien en France dans une classe à publics étrangers qui diffère dans les usages du français et dans le choix des formes retenues de ce qui se pratique dans l’environnement social ordinaire. En effet, dans la classe, la langue à apprendre va, par des procédures pédagogiques nombreuses et complexes, faire l’objet d’un travail de sélection et de reconfiguration tel que la représentation qui en est donnée permettra aux élèves de se l’approprier dans des conditions optimales. Les élèves y sont exposés à des échantillons de langue qui sont supposés représenter la langue dans son ensemble. D’autre part, par le moyen d’un apprentissage guidé, les processus d’apprentissage de la langue par les élèves pourront faire l’objet d’un traitement différent de celui qui prévaut en apprentissage naturel. L’élève sera confrontés de façon délibérée à un choix de formes spécifiques de la langue et celles-ci seront travaillées, reprises, analysées de telle sorte que les particularités et conditions d’usage soient plus rapidement et plus aisément appropriées. Les consignes données par le professeur, les propositions de correction, le commentaire métalinguistique constituent autant de procédures destinées à faciliter et à accélérer l’apprentissage. L’enseignant et les choix à entreprendre Plaçons-nous maintenant du côté de l’enseignant. Disposant d’un répertoire d’interventions pédagogiques propres, il va pouvoir engager un ensemble d’activités, ce que l’on appelle aussi des gestes professionnels, qui visent à faciliter le travail d’appropriation des élèves, selon des modalités d’organisation convenues. En effet, selon les cultures éducatives des pays et des élèves, on privilégie dans certains cas l’écoute du discours magistral, dans d’autres la répétition stricte selon le modèle 2 initial, dans d’autres encore la prise de parole plus ouverte, le tâtonnement, la reprise [l’ouvrage de Jean-Michel Robert, dans la collection F, Manières d’apprendre, met bien l’accent sur cette dimension particulière des apprentissages]. Ces procédures ordinaires de travail définissent le quotidien de la classe, au point même le plus souvent de passer inaperçues, tant elles sont ancrées dans les habitudes. Il y a celles qui sont considérées comme faciles à mettre en œuvre, d’autres comme plus complexes et plus difficiles à exécuter. Et l’enseignant devra procéder en la matière aux arbitrages nécessaires selon une approche essentiellement tactique de la classe, c’est-à-dire pensée à partir d’enjeux immédiats de réussite et d’efficacité, tels qu’ils peuvent être perçus par les différents acteurs. Par rapport à cette situation de vécu professionnel, l’enseignant dispose de deux champs de référence particuliers. D’une part l’ensemble des travaux qui relèvent de ce que l’on appelle la didactique des langues, c’est-à-dire une approche réflexive et théorique des apprentissages. Inventorier ici les thèmes abordés par la didactique est mission quasiment impossible, tant est vaste le domaine ainsi exploré ; mais on peut y retrouver aussi bien des questions se rapportant aux choix méthodologiques, aux publics, à la formation des enseignants, aux domaines plus spécifiques, grammaire, oral, écrit, progression, aux sciences de référence, etc. Toutes problématiques qui éclairent le paysage diversifié des pratiques d’enseignement un peu partout dans le monde, et à ce titre se révèlent fort précieuses ; mais qui en même temps se situent à un trop haut degré de généralité pour apporter à l’enseignant les réponses dont il peut avoir besoin dans l’immédiat de son action. Disons, que nous sommes ici plus au niveau des stratégies qu’à celui de l’ordinaire de la vie de la classe. A l’opposé, dans cet univers nécessaire de références et d’informations, l’enseignant dispose de ce que l’on peut appeler les outils ordinaires de travail (manuels, recueils d’exercices, fiches pédagogiques). Outillage précieux sans lequel l’enseignant se sentirait fort démuni. Mais en même temps, matériaux d’origines diverses, hétérogènes dans leur nature et leur visée, qui peuvent apporter une réponse ponctuelle utile, mais qui ne permettent pas forcément à un projet, inscrit dans la longue durée d’avancer dans sa continuité. Une mosaïque de micro-activités ne constitue pas forcément un programme pertinent d’apprentissage. La classe, comme unité d’intervention particulière Ce que nous appelons ici la classe ou le cours, c’est-à-dire ce moment où professeurs et élèves se retrouvent pour entamer une nouvelle étape dans l’apprentissage, constitue donc un univers spécifique d’intervention, organisé selon des rituels spécifiques, à partir de contraintes matérielles diverses : durée du cours, nombre d’élèves, matériel disponible, etc. La classe, comme unité d’intervention particulière, se situe ainsi à une échelle inférieure par rapport au plan de formation considéré dans son ensemble, par rapport à des orientations méthodologiques générales, à une échelle supérieure par rapport à une activité particulière donnée, un moment consacré à une activité de correction phonétique ou à la conjugaison d’un verbe. La classe, dans son organisation, dépend tout à la fois de ce dispositif général de formation dans lequel elle prend place, et de l’enchaînement des activités qui, sur trois quart d’heures ou une heure et demie, vont constituer la matière du cours. Cependant la cohérence de ce moment de rassemblement, de cet épisode particulier dans le parcours d’apprentissage, provient de ce que la classe est tout à la fois un peu plus que la somme des 3 parties qui la constituent et qu’elle ne saurait non plus être entièrement déduite des principes généraux énoncés par la didactique dans la diversité de ses travaux. Et plus encore, nous pourrions dire qu’il peut y avoir tension entre ces principes déduits de cette didactique théorique ou savante, entre les propositions issues d’un certain nombre de sciences de référence, la linguistique, les théories portant sur l’acquisition des langues par exemple, et les choix engagés par l’enseignant, aussi bien dans la focalisation portant sur tel ou tel point de langue, que sur la façon de mettre les élèves en activité. Et nous savons bien que ces tactiques élémentaires, ces choix de base se transmettent entre enseignants, comme savoir-faire empiriquement construits, sur ce double constat : « Ça marche ou ça ne marche pas », « Ça intéresse les élèves ou ça ne les intéresse pas », indépendamment des principes généraux tels qu’ils ont pu être présentés en formation initiale, à l’université le plus souvent. Procédures qui sont héritées, imitées, reproduites. Ce qui explique le décalage très marqué entre des pratiques qui évoluent très lentement, quand elles ne sont pas considérés parfois comme régressives par les didacticiens soucieux d’innovation, et les principes théoriques qui sont supposés éclairer le champ des pratiques. La classe, un univers à mieux connaître Décalage qui trouve son origine dans le fait que la classe constitue un niveau d’analyse et de description insuffisamment travaillé, mal connu en définitive et qui ne saurait se réduire à un enchaînement aléatoire de « trucs » pédagogiques. Aussi l’ouvrage d’Evelyne Rosen, Claus Reinhart et Jean-Pierre Robert tente-t-il de rendre explicites ces savoir-faire constitutifs de la classe, pour ne pas se limiter à l’idée que faire classe se limiterait à la maîtrise de quelque tour de main mystérieux. Alors que leur invisibilité tient simplement aux contraintes même de l’action d’enseignement qui est tout à la fois un savoir-agir et un savoir-combiner, dans l’instant. Ce savoir-faire se réalise bien dans une activité, mais l’activité seule n’est pas garante d’une réussite. On peut réussir par hasard ou dans un contexte donné parce qu’une habitude s’y est créée. Mais la réussite liée à une compétence effective doit pouvoir se réaliser dans des moments et dans des contextes différents. La nécessité de comprendre pourquoi et comment on s’y prend, d’identifier les principes sous-jacents à l’œuvre, sont la condition d’une réussite transposable en différents lieux, en différents moments et avec différents publics. Aussi nous approchons-nous de la sorte de savoirs que l’on pourrait qualifier de savoirs experts, c’est-à-dire de savoirs partagés par un collectif de professionnels qui cumulent et combinent savoirs d’expérience, traditionnels d’une certaine manière, et savoirs théoriques ; savoirs experts qui sont reliés à des images professionnelles, à des identités, à ce que l’enseignant croît être ou devoir être dans l’exercice de son métier. Dans tous les cas, ces formes uploads/Litterature/ faire-classe-en-fle-2.pdf
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- Publié le Fev 15, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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