UNE QUESTION MAL POSÉE LES ORIGINES DE LA RÉFORME FRANÇAISE ET LE PROBLÈME GÉNÉ

UNE QUESTION MAL POSÉE LES ORIGINES DE LA RÉFORME FRANÇAISE ET LE PROBLÈME GÉNÉRAL DES CAUSES DE LA RÉFORME Author(s): Lucien Febvre Source: Revue Historique, T. 161, Fasc. 1 (1929), pp. 1-73 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: https://www.jstor.org/stable/40944348 Accessed: 10-06-2019 18:15 UTC JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at https://about.jstor.org/terms Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue Historique This content downloaded from 129.67.246.57 on Mon, 10 Jun 2019 18:15:29 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms UNE QUESTION MAL POSÉE LES ORIGINES DE LA RÉFORME FRANÇAISE ET LE. PROBLÈME GÉNÉRAL DES CAUSES DE LA RÉFORME Histoire comparée : depuis qu'un beau discours d'Henri Pirenne est venu réveiller des échos assoupis, voilà deux mots qui volent fréquem- ment sur les lèvres des hommes. Certes, ils ne désignent pas une panacée miraculeuse. Qu'on ne s'improvise pas comparatiste et que tous les sujets, d'ailleurs, ne prêtent pas également à la comparaison : voilà qui n'a pas besoin d'être dit. Il n'en est pas moins vrai qu'à nombre de questions mal posées et qui paraissent fort loin d'être réso- lues, un effort assez simple d'investigation et le légitime souci de savoir ce que font les voisins permettraient d'apporter des éléments de solution nouveaux et féconds 1. On peut faire grief aux historiens de mal régler, parfois, leur labeur - non de bouder à la besogne. Partout, par leurs soins, des gerbes profitables se moissonnent ; à quoi bon, si elles de- meurent éparses sur le sol, entre les murs de domaines jalousement clos? De grands profits attendent, sans nul doute, ceux qui sauraient les engranger : essayons de le montrer à propos d'un problème d'im- portance, mais qui semble classé parmi les cas désespérés de l'histoire : c'est, pour lui garder son nom traditionnel, l'irritant problème des causes et des origines de la Réforme française. Cas désespéré. Cependant, combien n'a-t-on pas travaillé, depuis plus de cinquante ans, pour reconstituer tel qu'il fut réellement un mouvement qui, pendant des années, menaça sérieusement dans son hégémonie un catholicisme plus gallican du reste qu'ultramontain? Groupés pour la plupart autour du Bulletin de la Société d'Histoire du Protestantisme français et de l'admirable bibliothèque de la rue des 1. Cf. dans la Revue de synthèse historique, t. XLVI, 1928, le bel article de Marc Bloch, Pour une histoire comparée des sociétés européennes. REV. HlSTOR. CLXI. 1er FASC. 1 This content downloaded from 129.67.246.57 on Mon, 10 Jun 2019 18:15:29 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms 2 LUCIEN l'EBVRE Saints-Pères, de patients enqu d'un passé obscur, le regretté N et poussé plus avant l'œuvre d hardis pionniers, Strasbourgeoi entrepris avec enthousiasme en tenir aux initiatives princ vaste expérience, M. Henri Ha de leur vie économique et s xvie siècle, montrait comment à la fois, d'éléments matériels e ces efforts et de ces réussites, pose le pied sur le terrain red concert qui soit d'imprécation Y a-t-il, n'y a-t-il pas une Ré par ses auteurs et par ses cara contemporaines? Cette Réfor faut-il ou non lui assigner un Réforme luthérienne? Est-ell d'un effort tout français - ou b et, précisément, de l'Allemag termes les plus généraux ces tr de la priorité, de la nationali des années et des années, met 1. En tête des Strasbourgeois, ir faut c portance. Ses Études sur Farei (Strasbou Roussel (Ibid., 1845, in-8°) sont des œuv l'exemple et par l'enseignement (M. N Éd. Reuss (f 1891) pour ses précieux Frag Bible française, publiés dans la Revue d (2e série, II, IV, V, VI, XIV, 1851, 185 que pour sa participation à la grande éd Ed. Gunitz et J.-W. Baum (theologici arg Leipzig, 2 vol. in-8°, 1843-1851, et le co ment conservé à la Bibliothèque natio Suisses, ne citons qu'A.-L. Herminjard, mateurs dans tous les pays de langue fra 2. Ges études sont recueillies dans plu Paris, Aug. Picard, 1909, in-12 ; Ouvr 1898, in-8° ; Travailleurs et marchan débuts du capitalisme. Ibid., 1927, in fascicules des Sources de Vhistoire de France, XVIe siècle (1494-1610). Paris, Auguste Picard, 1906-1915, pleins d'érudition et de sagacité, et son récent volume, Les débuts de V Age moderne, la Renaissance et la Réforme. Paris, Félix Airan, 1929, in-8°, composé en colla- boration avec M. Augustin Renaudet pour la collection Peuples et civilisations. This content downloaded from 129.67.246.57 on Mon, 10 Jun 2019 18:15:29 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms LES ORIGINES DE LA RÉFORME FRANÇAISE 3 blables aux disputeurs scolastiques que Michelet nous décrit dans une page célèbre. Affirmations, puis négations, puis affirmations : les dé- mentis se succèdent, irritants et vains ; et l'homme soucieux de com- prendre qui se plonge, courageusement, dans cette littérature aussi vide que prolixe, n'y rencontre qu'arguments mille fois ressassés par trois générations marquant le pas sur place. Voici le cas Lefèvre. Il est typique. Quel fut le rôle de ce savant mo- deste dans la genèse de la Réforme française? Depuis près d'un siècle, avec une patience fastidieuse, les historiens ne se lassent pas de fournir à la question deux ou trois réponses contradictoires, toujours les mêmes, et que nul d'entre eux ne se soucie de rajeunir. Ne remontons pas au delà de 1897. A cette date, dans son maître livre sur Jean Calvin, M. Doumergue, avec sa fougue coutumière, soutenait- une fois de plus la thèse outrancière d'un Lefèvre « créateur du premier en date des protestantismes x ». Il ne s'aidait d'ailleurs d'aucun texte que Graf n'eût connu avant lui et utilisé. Or, en 1913, M. John Viénot, dans un article véhément du Bulletin, réfutait M. Doumergue 2. Se plaçant bien exactement aux antipodes du doyen de Montauban : « La plaisanterie a trop duré », s'exclamait-il d'une voix retentissante ; « il n'y a pas de Réforme française indépendante de celle de Luther et antérieure à elle. Il est temps de débarrasser l'histoire de la Réforme de cette légende Í » Sans doute. Mais de sa contre-légende? Et là non plus, dans l'article de M. Viénot, rien d'inédit, rien d'imprévu, rien qui n'eût déjà été soutenu et répété. Alors quoi? attendre le contredit, puis le contredit de ce 1. Op. cit., t. I, 1899, in-4°, p. 542 et suiv., appendice V : Le Fèvre, réformateur français. Ces pages forment un mélange singulier d'appréciations justes, de formules heureuses et d'exagérations soudaines d'avocat partial. « Le Fèvre n'a été ni Luther ni Calvin : il a été Le Fèvre, voilà tout. - Le Fèvre a été un réformateur original avant Luther parce qu'il Test resté après Luther » (p. 544). Voilà des affirmations qui, convenablement interprétées, sont justes. Mais dire que « l'esprit de Le Fèvre a été si original que rien n'a pu le modifier » (p. 545), c'est commettre une erreur manifeste. L'originalité de Lefèvre s'est nourrie d'aliments très variés, et en particulier M. Renaudet a fort bien montré comment « le bonhomme Fabri » avait subi fortement l'influence de son émule Érasme. L'auteur de la Farce des Théologastres de 1523 voyait juste quand il priait le Roy de Gloire de mettre en son saint sanctuaire, on même temps, « Erasme, le grant textuaire Et le grand esperit Fabri... » Mais M. Doumergue Vécarte plus encore de toute réalité quand il parle (p. 545) « de la date de la conversion de Le Fèvre ». Conversion à quoi? M. Doumergue oublie que « Le Fèvre n'a été ni Luther ni Calvin », mais lui-même. 2. Bulletin de la Société d'Histoire du Protestantisme français, 1913, p. 97-108 : Y a-t-il une Réforme française antérieure à Luther? - Dans sa récente Histoire de la Réforme française, 1926, M. Viénot traite des événements de Meaux sous ce titre particulier : La lief orme catho- lique à Meaux, eL sous cotte rubrique générale : La Préréforme. This content downloaded from 129.67.246.57 on Mon, 10 Jun 2019 18:15:29 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms 4 LUCIEN FEBVRE contredit? Il n'y avait pas à attend avant que M. Barnaud reprît à son c et religieuses de Montpellier1, la t Réforme française, un germaniste Histoire générale de V influence fra son temps, quelque bruit - n'avait Lefèvre a enseigné le luthéranisme enseigné à Luther lui-même? » Peu s'oublie vite, et M. P. Reynaud s'em nisme a donc eu pour foyer primi Wittenberg ». Ce qui ne l'empêcha trine du moine saxon « l'expressi libérée à la fin du Moyen Age ». I aussi foncièrement allemand qu'avait coup, si M. Doumergue se voyait d brutalité la plus impérieuse - ceu front qui, reprenant en 1913 sans le dogmatisaient avec M. Pierre de V et mieux avisé) : « Le protestantis pays lui-même, dont, comme on l' gnaient essentiellement uploads/Litterature/ febvre-1929-une-question-mal-posee-les-origins-de-la-reforme-francaise-et-la-probleme-general-des.pdf

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