FH Fiche de lecture: Surveiller et punir 1 Séminaire d'introduction au travail
FH Fiche de lecture: Surveiller et punir 1 Séminaire d'introduction au travail scientifique en histoire sociale et culturelle de l'éducation (7421AD) Fiche de lecture: Surveiller et punir, Naissance de la prison, de Michel Foucault 1. Bref compte-rendu de l'ouvrage Surveiller et punir est une monographie historique et philosophique de Michel Foucault qui traite de l'évolution des techniques de punition et de la naissance de la discipline comme technique de normalisation des individus. Le but de l'ouvrage est défini en note de bas de page à la fin du livre: « servir d'arrière-plan historique à diverses études sur le pouvoir de normalisation et la formation du savoir dans la société moderne. »1 En se basant sur la disparition du supplice et de ses démonstrations sanguinaires, il montre comment la manifestation du pouvoir (et de la norme) dans la punition est passée en moins d'un siècle du domaine public – il fallait que le peuple assiste à la démonstration de force – au secret tabou, à cause du risque d'exacerber le sentiment de dualité et d'affrontement entre le peuple et le roi; comment la sanction physique sur le corps des condamnés se transforme en volonté de correction de l'âme; comment à la visée punitive de la sanction se substitue une visée normalisatrice par la généralisation de la discipline inspirée du monde monastique; comment dorénavant, l'idéal du Panopticon sera partout: l'individu est isolé et visible, tandis que le pouvoir est devenu indiscernable et invisible. L'étude porte sur une période allant de la fin du Moyen-Âge à la moitié du XXe siècle, mais se concentre particulièrement sur les XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. Les notes de bas de page, courtes et relativement peu nombreuses pour ce type d'ouvrage, font généralement référence aux sources et sont parfois agrémentées de commentaires de l'auteur pour affiner son propos. Quant aux annexes, il s'agit de reproductions de gravures représentant en majorité des déclinaisons du fameux Panopticon de Jeremy Bentham sur lequel Foucault s'attarde dans le dernier chapitre de la troisième partie du livre. 2. Description de la méthode de l'auteur Michel Foucault appuie sa réflexion essentiellement sur des sources historiques tels des rapports administratifs ou politiques, des textes de lois, règlements et ordonnances, des essais d'auteurs et des articles de journaux. La structure de l'ouvrage suit un principe à la fois chronologique et en cohérence avec le développement de l'argumentation. Il est construit en quatre parties subdivisées en deux ou trois chapitres chacune, eux-mêmes divisés en sous- chapitres (avec titres ou non). Cela permet une lecture plus fluide ainsi qu'une compréhension plus aisée de raisonnements souvent complexes. Tout au long de l'ouvrage, Foucault présente ses conclusions par étage hiérarchique successif, soit par blocs de paragraphes, puis par sous- chapitres et par chapitre. Il n'y a pas de conclusions, ni en fin d'ouvrage ni en fin de chacune des quatre parties, qui reprendrait toutes les idées présentées antérieurement. En revanche, Foucault utilise régulièrement les conclusions préalablement formulées pour mener son investigation sur de nouveaux terrains. Il justifie la méthode de recherche qu'il utilise dans 1 p. 360 2 Surveiller et punir sur deux pages2 dans lesquelles il énumère quatre points faisant office de programme: Objectif de ce livre : une histoire corrélative de l'âme moderne et d'un nouveau pouvoir de juger; une généalogie de l'actuel complexe scientifico-judiciaire où le pouvoir de punir prend ses appuis, reçoit ses justifications et ses règles, étend ses effets et masque son exorbitante singularité. Mais d'où peut-on faire cette histoire de l'âme moderne en jugement? A s'en tenir à l'évolution des règles de droit ou des procédures pénales, on risque de laisser valoir comme fait massif, extérieur, inerte et premier, un changement dans la sensibilité collective, un progrès de l'humanisme, ou le développement des sciences humaines. A n'étudier comme l'a fait Durkheim que les formes sociales générales, on risque de poser comme principe de l'adoucissement punitif des processus d'individualisation qui sont plutôt un des effets des nouvelles tactiques de pouvoir et parmi elles des nouveaux mécanismes pénaux. L'étude que voici obéit à quatre règles générales : 1. Ne pas centrer l'étude des mécanismes punitifs sur leurs seuls effets « répressifs », sur leur seul côté de la sanction », mais les replacer dans toute la série des effets positifs qu'ils peuvent induire, même s'ils sont marginaux au premier regard. Prendre par conséquent la punition comme une fonction sociale complexe. 2. Analyser les méthodes punitives non point comme de simples conséquences de règles de droit ou comme des indicateurs de structures sociales; mais comme des techniques ayant leur spécificité dans le champ plus général des autres procédés de pouvoir. Prendre sur les châtiments la perspective de la tactique politique. 3. Au lieu de traiter l'histoire du droit pénal et celle des sciences humaines comme deux séries séparées dont le croise ment aurait sur l'une ou l'autre, sur les deux peut- être, un effet, comme on voudra, perturbateur ou utile, chercher s'il n'y a pas une matrice commune et si elles ne relèvent pas toutes deux d'un processus de formation « épistémologico-juridique »; bref, placer la technologie du pouvoir au principe et de l'humanisation de la pénalité et de la connaissance de l'homme. 4. Chercher si cette entrée de l'âme sur la scène de la justice pénale, et avec elle l'insertion dans la pratique judiciaire de tout un savoir a scientifique » n'est pas l'effet d'une transformation dans la manière dont le corps lui-même est investi par les rapports de pouvoir. En somme, essayer d'étudier la métamorphose des méthodes punitives à partir d'une technologie politique du corps où pourrait se lire une histoire commune des rapports de pouvoir et des relations d'objet. De sorte que par l'analyse de la douceur pénale comme technique de pouvoir, on pourrait comprendre à la fois comment l'homme, l'âme, l'individu normal ou anormal sont venus doubler le crime comme objets de l'intervention pénale; et de quelle manière un mode spécifique d'assujettissement a pu donner naissance à l'homme comme objet de savoir pour un discours à statut « scientifique ». C'est donc en utilisant à la fois les données et les méthodes de l'histoire et de la sociologie mais aussi d'autres sciences sociales que Foucault se propose d'analyser l'évolution combinée de l'individu et du système pénal. 3. Observations personnelles J'ai trouvé la lecture ardue car Michel Foucault ne fait pas de pauses: il développe sans cesse 2 pp. 30-31 FH Fiche de lecture: Surveiller et punir 3 de nouveaux raisonnements qu'il illustre aussitôt par des extraits de sources ou des situations historiques relevante qui lui servent alors de base pour continuer la réflexion, et ainsi de suite. De plus, il crée du savoir complexe et complet autour de notions utilisées quotidiennement, comme la délinquance ou la discipline, et il est parfois difficile de se défaire des idées préconçues de ces concepts. Cela étant dit, les mécanismes de pouvoir et de socialisation sont, ont été et resteront à mon avis sujets de nombreuses recherches et théories explicatives. En s'appuyant sur le développement des techniques carcérales, l'auteur choisit une approche originale qui interroge et reconstitue historiquement des fondamentaux de la pensée occidentale. L'idée géniale, à mes yeux, de Michel Foucault, est d'avoir associé l'évolution des mécaniques de normalisation et de pouvoir à l'évolution de la prison et des problèmes que posent la surveillance et la punition. Il démontre comment des techniques concernant au premier chef les criminels se sont développées et étendues à des tas d'autres institutions sociales comme l'école, l'hôpital ou l'usine, dans un objectif de contrôle du corps et de l'esprit des individus, cela avec des résultats jusque là inégalés. A qui profite ce contrôle? Qui surveille, punit, érige les normes? Des questions qui restent d'une actualité brûlante: des faits divers de crimes sanguinaires inondent nos médias, tandis que la spoliation quotidienne de richesse et les morts « structurelles » due à un système profondément injuste sont ignorées. Pourquoi la prison survit-elle, alors que depuis sa naissance il y a 150 ans elle subit le fouet de critiques régulières et inchangées? Elle prouve par sa durée son inefficacité à éradiquer le crime, mais affiche une belle vigueur, parce qu'elle est au centre du fonctionnement d'une société réglée par le contrôle. Michel Foucault fut engagé dans plusieurs mouvements de prisonniers auxquels il fait de brèves références, dont le Groupe d'information sur les prisons (GIP) qu'il fonda en 1971, quatre ans avant la publication de Surveiller et punir. La dernière phrase du livre ne laisse d'ailleurs pas de doute sur cet engagement: « Dans cette humanité centrale et centralisée [...] il faut entendre le grondement de la bataille. »3 On ne peut toutefois pas lui reprocher un manque de rigueur due à une certaine impartialité. Son analyse repose sur de nombreuses sources et paraît exhaustive. Une légère gêne attribuable à deux facteurs subsiste pourtant. Premièrement, il est malaisé pour le novice de suivre la logique foucaldienne tant elle peut être sinueuse et surprenante parfois. En effet, comment créditer des conclusions qui relèvent d'une interprétation philosophico-historique lorsqu'on manque de recul théorique? Le deuxième élément, plus uploads/Litterature/ fiche-de-lecture-surveiller-et-punir-naissance-de-la-prison-de-michel-foucault.pdf
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- Publié le Nov 05, 2021
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