Édition du Florius, de arte luctandi, BNF lat. 11269. Émeline Baudet Mémoire de

Édition du Florius, de arte luctandi, BNF lat. 11269. Émeline Baudet Mémoire de Master 2 recherches Master d’Études médiévales 2012 – 2013 Sous la direction de Mme Joëlle Ducos – Université Paris Sorbonne iv 2 3 Remerciements Je remercie Mme Joëlle Ducos pour m’avoir assistée et conseillée tout au long de cette année universitaire, en particulier sur les questions de difusion des savoirs au Moyen-Âge et de traduction latine ; Je remercie également les conservateurs de la BNF, en particulier ceux de la bibliothèque Richelieu, qui m’ont permis de consulter le manuscrit à plusieurs reprises et avec des outils adaptés (lampe de Wood) ; Je remercie toutes les personnes, professeurs, amis et passionnés avec qui j’ai pu discuter et nourrir ma réfexion sur ce manuel à l’aune de leurs questions judicieuses ; Une pensée sincère enfn pour les pratiquants d’AMHE en France qui m’ont aidée à tra- vailler sur ce mémoire, en particulier les fnes lames du Chapitre des Armes, R. et T., pour leurs conseils judicieux et leur soutien. 4 5 Introduction À la diférence du xxie siècle où les tables des libraires sont recouvertes d’ouvrages divers, traduits en plusieurs langues, disponibles en diférents formats et en de multiples exemplaires, le Moyen-Âge ne connaissait pas une telle abondance de livres. La sérialité était un fait in- connu, du moins apparaît-il comme tel aux historiens contemporains. Manuscrit, le livre est un objet unique, à tel point qu’il existe à peine plusieurs versions strictement semblables du même texte. La rencontre avec un manuscrit médiéval est donc toujours une aventure teintée de curiosité, d’émerveillement et de respect. A fortiori lorsque l’ouvrage en question est illus- tré avec plus ou moins de fnesse et que la maladresse déviant le trait lui confère précisément une forme de beauté touchante. En efet, à l’époque où la perspective n’a pas encore été dé- couverte, la représentation de certaines scènes dynamiques qui mettent en jeu les contorsions et les mouvements du corps humain est un déf parfois plus ou moins heureusement relevé. Le genre du traité médiéval, qu’il soit technique, médical, astrologique ou astronomique, ofre de nombreuses illustrations de ces tentatives de représentations du monde et des hommes afn de proposer une explication à visée scientifque de certains phénomènes. Mais il est un genre de traités auquel la recherche passée et contemporaine s’intéresse peu, omettant par là-même tout un champ de la médiévistique qui pourrait beaucoup apporter aux historiens, tant ces traités sont révélateurs des courants de pensée et des modes de représenta- tion médiévaux. Qu’il s’agisse de l’histoire de la guerre, du monde des duels et des tournois, mais aussi des styles vestimentaires et des pratiques de la vie quotidienne, sans oublier l’his- toire de l’art et une histoire sociale et culturelle dont les objets peuvent être étudiés aujourd’hui dans la continuité du Moyen-Âge, tous ces domaines d’étude sont applicables dans le cadre des manuels et traités d’arts du combat. Les libri dimicandi et autres Fechtbücher qui somnolent dans les bibliothèques européennes et américaines, à peine réveillés par les manœuvres des numériseurs, recèlent entre leurs pages des trésors d’ingéniosité humaine et de pédagogie en matière d’art martial. Si le maniement des armes ou les techniques de lutte au corps à corps occupent la quasi-totalité de ces traités, il en est qui proposent en outre une leçon plus générale sur les bienfaits de ces arts pour la vie en société ou sur les vertus d’une éducation physique et martiale pour les enfants, tandis que c’est parfois le caractère proprement scientifque de ce que l’on appelle aujourd’hui des « arts martiaux » qui est mis en avant. À la fn du xve siècle, Filippo Vadi clame ainsi que l’escrime est une science et non un art Considera bene questa mia sentenza che l’è scienza vera e non è arte e mostrallo con breve eloquenza 1. Il donne ensuite dans son manuel des instructions précises sur le placement de jambes, des 1. Dans le Liber de Arte Gladitoria Dimicandi, v. 4-6. 6 mains, arguant qu’en tant que flle de la géométrie, l’escrime est comme elle infnie : Da geometria lo scrimir se nasce è sottoposto a lei, e non ha fne e l’uno e l’altro infnito fasse 2. Ce maître d’armes italien ouvre alors la voie à une riche réfexion sur la pratique de l’e- scrime, qui provoque à la Renaissance l’émergence d’une littérature dense et surprenante, tout en constituant peu à peu les bases de la pratique moderne de l’escrime olympique. Grâce à l’essor de l’imprimerie, qui permet de reproduire à plus grande échelle des ouvrages illustrés et abondamment commentés, les territoires de l’Allemagne, l’Italie, la France ou l’Espagne actuelles deviennent les principaux lieux de production d’une littérature martiale qui ancre durablement l’escrime et ses leçons dans le quotidien de nombreux nobles et jeunes bour- geois. En efet, à travers le duel dont l’usage est encore largement répandu aux xvie et xviie siècles (et ce malgré son interdiction par le concile de Trente en 1545 3) s’instaure le besoin de pouvoir se défendre en toutes circonstances et donc de faire appel aux savoirs des maîtres d’armes. Parmi eux, les ouvrages de Manciolino 4, Marozzo 5 ou encore Marcelli 6 ofrent des techniques à l’épée ou à la rapière exposées avec clarté et un grand souci de pédagogie. Toutefois, il ne faut pas oublier de rappeler que les traités d’escrime italiens du xvie siècle et au-delà doivent une large partie de leur contenu et de leur esprit de composition aux travaux d’un autre personnage né au milieu du xive siècle, Fiore dei Liberi. Pour n’en citer qu’un, l’allure du manuel rédigé par Filippo Vadi montre sans ambiguïté qu’il a été infuencé par le Flos duellatorum. Ce traité-ci date de 1409 et a été commandé par le prince Niccolò iii d’Este au maître d’armes alors vieillissant et désireux de transmettre ses connaissances tant qu’il en était capable. La fortune de ce traité fut considérable ; quatre exemplaires ont été retrouvés à ce jour, dont l’un d’eux fgure dans les collections de la Bibliothèque Nationale de France sous la cote lat. 11269. S’il fgure sur la liste d’acquisition de mars 1756, l’itinéraire qui l’a mené dans ce fonds ainsi que les raisons de sa création demeurent parfaitement inconnues, aucune analyse n’ayant à ce jour été publiée à son propos. Pourtant, il mérite amplement que l’on s’y attarde ; le BNF lat. 11269 ou Florius, de arte luctandi 7 a la particularité d’être écrit en latin, tandis que les trois autres manuscrits attribués à Fiore dei Liberi sont rédigés dans un dialecte italien originaire du Nord de l’Italie. En tant 2. Ibid., v. 15-18. 3. Voir Kiernan (Victor Gordon), The Duel in European history : honour and the reign of aristocracy, Oxford, Oxford University Press, 1988, chapitre 3. 4. Manciolino (Antonio), Opera Nova, imprimé à Bologne en 1531. 5. Marozzo (Achille), Opera Nova, imprimé à Bologne en 1536. 6. Marcelli (Francesco Antonio), Regole della scherma insegnate da Lelio e Titta Marcelli, imprimé à Rome en 1686. 7. Notons à ce sujet une première ambiguïté : si le titre écrit à la plume sur la page de garde est bien Florius de arte luctandi, sans virgule, le titre recopié sur le f. 1r est quant à lui Florius, de arte luctandi, avec virgule ; cette dernière fgure sur toutes les notices rédigées par les conservateurs de la BNF depuis 1756. 7 que tel, il n’est pas surprenant d’avoir un traité d’escrime ou d’art du combat en latin ; le plus ancien d’entre eux qui ait été retrouvé aujourd’hui et qui date du début du xive siècle 8 est également en latin, tout comme de nombreux autres traités des siècles suivants. Il est toute- fois extrêmement rare d’avoir plusieurs manuscrits de ce genre rédigés en diférentes langues, qui plus est dans la langue classique des lettrés du Moyen-Âge et dans une langue vulgaire. Cette originalité pose donc des questions très riches à l’historien désireux d’approfondir des recherches non plus seulement techniques mais désormais également linguistiques. Le travail de traduction est inséparable d’une réfexion préalable sur la manière dont les termes de la langue-source doivent être traités : s’ils doivent être comparés entre eux au sein du même manuscrits, il faut également les rapprocher des termes équivalents (au sein d’un texte iden- tique) d’un manuscrit écrit dans une autre langue, avant de rechercher leur signifcation et les défnitions qui en sont données dans des glossaires produits au Moyen-Âge ou à la Renais- sance. C’est donc en linguiste qu’il faut réféchir au sens de ce traité d’escrime. Outre le nécessaire regard des spécialistes de l’Histoire, celui de l’historien de l’art en par- ticulier l’est tout autant, dans la mesure où le Florius, de arte luctandi a la particularité d’être richement et abondamment illustré. En efet, pour chaque couplet de vers décrivant une ac- tion, une vignette située au-dessous du texte et occupant presque la moitié de la page vient illustrer la scène en représentant deux personnages face-à-face, combattant avec l’arme men- tionnée par les vers (ou uploads/Litterature/ florius-de-arte-luctandi-pdf.pdf

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