L’importance des surnoms dans Un homme en trois morceaux de Roger Dorsinville E

L’importance des surnoms dans Un homme en trois morceaux de Roger Dorsinville Elizabeth M. Blowers FRE 617 : Impressions d’Afrique Jean Jonassaint Syracuse University Blowers 2 Pendant sa vie, Roger Dorsinville était à la fois homme politique, écrivain et ethnologue. Né en Haïti, il a passé plusieurs années de sa vie au Sénégal et au Libéria où il a travaillé en tant qu’ambassadeur d’Haïti au Sénégal, en tant que Ministre de la Culture au Libéria de 1965 à 1972, et enfin entre 1972 à 1986 comme directeur littéraire aux Nouvelles Éditions Africaines et de la revue mensuelle Africa quand il habitait à nouveau au Sénégal (Lodewick 197). Dans l’ouvrage Écrire en pays assiégé : Haïti/Writing Under Siege, l’un des chapitres est écrit par le neveu de Roger Dorsinville, Max Dorsinville à propos de son oncle. Dans ce chapitre, son neveu explique que « son œuvre appartient autant à son Haïti natale qu’à l’Afrique, sa terre d’exil et de “re-naissance” » (Dorsinville, M. 136). Cependant, l’œuvre de cet Haïtien n’est pas autant étudié que celui de quelques autres écrivains antillais, comme Maryse Condé ou Frantz Fanon, et donc, il reste beaucoup plus à étudier par rapport aux thèmes de ses écrits. Notre étude se concentre sur son roman Un homme en trois morceaux, publié en 1975 pendant que Dorsinville habitait à nouveau au Sénégal et qu’il travaillait dûr en tant qu’écrivain et rédacteur en chef. Le roman est divisé en trois parties qui symbolisent trois périodes distincte de la vie du narrateur, ce qui est perceptible à travers les différents noms du narrateur selon le temps qui servent de titres aux trois parties, respectivement : « Boy-Coumbel », « Cassan-Vaï » et « Gaba » (Dorsinville 7, 33, 79). Ce roman raconte l’histoire d’un chef de police, Lewis, qui est en quête avec son partenaire, Mike, d’un criminel infâme connu sous le nom « Sulfa ». Avec cette étude, nous souhaitons éclairer l’un des thèmes de cette oeuvre de Dorsinville, celui des surnoms, qui est omniprésent dans le texte. Il faut clarifier d’abord deux faits par rapport à cette étude : ce que nous voulons dire par « surnom » et comment nous ferons référence au personnage principal qui porte plusieurs noms. Nous voulons préciser que par « surnom » nous parlons des noms qu’un individu utilise afin de Blowers 3 s’identifier dans la société ou, parfois, afin de s’éloigner de la société. Des surnoms sont des noms d’appellation familière qui servent d’addition ou de remplacement d’un prénom, d’une dénomination substituée. Dans ce cas, les surnoms du personnage principal remplacent son nom propre selon la situation. Nous examinerons de plus deux diminutifs du personnage principal, « Chief » et « Commissaire », qui sont utilisés par Mike afin de s’adresser à Cassan, mais nous étudierons avant tout les surnoms « Lewis Cassan », « Coumbel » et « Gaba » qui sont utilisés par le narrateur afin de se présenter aux gens, car nous nous intéressons au choix que fait Cassan de se présenter différemment en fonction des circonstances. En général, nous ferons référence au personnage principal par « Lewis » car il porte ce nom le plus souvent et le plus regulièrement dans l’histoire. Tout au long du roman, nous avons remarqué plusieurs instants où la portée d’un certain surnom est devenue soudainement claire. Ce qui nous intéresse le plus par rapport à ce thème est le fait que c’est Lewis lui-même qui choisit à plusieurs reprises d’utiliser un surnom au lieu d’un autre dans son récit. Ce choix de la part du narrateur, et donc ce choix rhétorique de la part de Roger Dorsinville, est ce qui nous a mené à cette étude. Il est clair que l’auteur voulait démontrer une certaine importance par rapport aux noms et comment leur utilité peut distordre notre compréhension les uns les autres. Afin de mieux comprendre cette question de noms, nous avons consulté un article de Susan Bean intitulé « Ethnology and the Study of Proper Names » qui tente de prouver l’existence d’un lien entre ce que les philosophes disent à propos des noms propres, et ce que les ethnologues trouvent dans leurs recherches à propos du fonctionnement de ces noms dans la société. Bean souligne les deux camps qui traitent cette question. Le premier camp soutien l’idée qu’un nom propre ne démontre rien à propos de la personne qui le possède et qu’il n’implique Blowers 4 aucune caratéristique propre à un individu. Le second camp considère les noms propres en tant que termes identifiants spécifique à une personne ou à un objet, que chaque nom contient une importance réelle (Bean 305 à 306). Nous sommes du côté de Bean, dans le deuxième camp, qui veut que les noms aient une grande importance dans la société, et que chaque nom ait une description et une signification unique. Ceci guidera notre étude par rapport aux plusieurs surnoms de Lewis car il définit que chaque nom qu’il utilise pendant les trois grandes périodes de sa vie est plus qu’un terme de référence, mais plutôt un morceau de son identité divisé en trois parties. Dans le but de clarifier notre question centrale, nous la résumons ici dans une phrase : de quelle façon est-ce que Lewis emploie ses surnoms au cours du roman, et quelle est leur importance par rapport à chaque partie de l’histoire et de sa vie ? Afin d’aborder notre question, nous considérerons les situations dans lesquelles Lewis utilise un surnom au lieu d’un autre. De plus, nous voulons étudier les évènements dans sa vie qui ont pu provoquer soit la création d’un nouveau surnom, soit l’usage d’un ancien surnom. Concernant notre démarche, nous procéderons ainsi : nous considérerons chaque partie du roman individuellement, à partir de citations tirées du texte, afin de montrer l’utilité de chaque surnom à l’intérieur d’un chapitre. Ensuite, après avoir mis en avant les surnoms qui sont utilisés dans chaque partie de l’œuvre, nous nous interrogerons sur la signification derrière chaque surnom par rapport à ce qui se passe dans l’histoire à ce moment-là. Plus précisement, nous envisagerons les raisons pour lesquelles Lewis choisit d’utiliser un tel surnom au lieu d’un autre en fonction de la situation. Nous commenterons aussi les changements de narration quand ils sont intégrants à notre étude. À la fin de notre étude, nous espérons être capable de retracer Blowers 5 chaque nom porté par Lewis et son utilité par rapport à l’histoire, et peut être de rationaliser l’existence de plusieurs surnoms pour désigner une seule personne. Boy-Coumbel Par rapport à la narration, le roman commence à la première personne du singulier avec une description de Lewis Cassan. Dès le début du récit, l’importance des noms est soulevée par le narrateur. Dans le premier paragraphe du roman, il y a une description d’un certain nombre de ses surnoms. Il écrit que « Lewis Cassan est un nom de baptême devenu mon nom de ville, mon ‘civilized name’ comme on les appelle », mais ce n’est ni le nom de son père ni celui de sa mère (Dorsinville 9). Le narrateur explique aussi que « Coumbel » était un surnom qu’il portait à un certain moment dans sa vie, mais à ce moment-là il ne le porte plus. Ce qui peut être frappant pour les lecteurs est que le narrateur ajoute ensuite que ni Cassan ni Coumbel ne sont son vrai nom : « Mon nom vrai n’est pas un secret bien que tous l’ignorent ; vous l’entendrez au cours de cette histoire, il détermine ma famille ; mon quatrième nom aussi vous le saurez, il dit qui j’ai été dans une autre vie. J’ai gardé Cassan pour dire qui après Coumbel je voulais être » (Dorsinville 9 à 10). Les références à une autre vie vécue par le personnage principale démontrent une crise d’identification de la part du personnage ; s’il a vécu plusieurs vies, selon lui, il est possible qu’il associe un surnom différent à chaque partie de sa vie. En résumé, après les deux premiers paragraphes du roman, une certaine ambiguïté par rapport à Lewis a déjà été établie. En ce qui concerne la narration, le narrateur ne peut être quelqu’un d’autre que le personnage principal, initialement et principalement nommé Lewis Cassan, en raison de la narration à la première personne. Il commence au début du roman en disant : « Je m’appelle Lewis Cassan mais ce n’est le nom d’aucun des miens » (Dorsinville 9). De plus, le narrateur s’adresse ensuite directement aux lecteurs avec la deuxième phrase du texte qui Blowers 6 commence à l’impératif : « Pensez… » (Dorsinville 9). Il s’agit ici d’un outil rhétorique très utilisé dans les romans afin d’incorporer les lecteurs dans l’histoire. Sachant que le narrateur est donc le personnage principal et qu’il est conscient de l’audience, c’est possible qu’il essaie de confondre intentionnellement les lecteurs avec ces plusieurs surnoms et la référence à un « nom vrai » que nous ne saurons peut-être jamais (Dorsinville 9). Au cours de cette première uploads/Litterature/ fpp-dorsinvilledossier.pdf

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